Interview de la semaine

« Le potentiel de la blockchain est dans l’assurance »

Publié le 3 novembre 2016 à 8h00

Stéphane Tufféry

Philippe Limantour, directeur associé EY, et Philippe Piedigrossi, associé EY

Stéphane Tufféry
rédacteur en chef

Revue de détail des grands enjeux technos du moment pour les assureurs avec les deux experts EY en charge des stratégies informatiques et de l’innovation technologique.

Quelle est l’actualité technologique des assureurs ?

Philippe Piedigrossi : Nous accompagnons trois thèmes majeurs de travail autour des TIC dans l’assurance actuellement. Ces travaux sont menés grâce à une relance des investissements informatiques dans les systèmes cœur de métier qui avaient significativement baissé à l’issue de la crise financière.

Le premier chantier est d’ampleur. Il concerne la rénovation et l’adaptation des systèmes (core system) des assureurs. Presque tous les opérateurs disposent de SI hérités de plusieurs décennies de développements successifs, très souvent « maison ». L’objectif des acteurs est ici de générer des économies et davantage de praticité et de fluidité dans l’utilisation des systèmes d’information pour in fine se différencier dans un marché mature et très compétitif. Ce mouvement passe par l’intégration de progiciels que les éditeurs du marché proposent aujourd’hui et qui sont à même d’opérer la rénovation des bases des SI « maison » de chaque opérateur.

Le 2e chantier est relatif à l’omnicanal, l’expérience client et la vague du digital. L’objectif des investissements consentis par les assureurs dans ces domaines est alors de renouveler l’expérience client et d’améliorer l’offre et l’accès aux services qu’ils déclinent sur tous les supports. C’est un chantier à l’ordre du jour de toutes les compagnies.

Enfin, le 3e volet de cette vague d’investissements informatiques est relatif aux NTIC véritablement émergentes : tout ce qui est relatif à la blockchain, à l’intelligence artificielle, aux robots et assistants virtuels, etc. Ce volet massif rappelle les développements initiés à la veille de la généralisation d’Internet dans les années 90.

De quelles innovations technologiques les assureurs se saisissent-ils ?

Philippe Limantour : La blockchain est un thème majeur pour les opérateurs. Nombre d’entre eux travaillent actuellement à déterminer les cas d’usage les plus pertinents. L’appétit est très fort, car les assureurs ont pris conscience que ceux qui partent aujourd’hui auront demain une avance qui fera la différence. C’est un sujet majeur, car il s’agit de transformer tout l’écosystème, et parce que c’est une technologie susceptible de désintermédier l’assurance. Il faut donc embarquer non seulement l’entreprise, mais toutes ses parties prenantes en termes de distribution, d’expertise ou de gestion des sinistres. Sa logique de développement opérationnel n’est pas dans la relation client-fournisseur traditionnelle. Il s’agit là de coconstruire des usages avec chaque partie de la chaîne de valeur de l’assurance. L’engouement des assureurs est fort, à juste titre, car le secteur est, davantage que le monde bancaire, très diversifié dans ses métiers, ses offres et ses intervenants à la réalisation des affaires. La blockchain est susceptible de profondément modifier cet écosystème. Paradoxalement, les premiers usages qui émergent sont développés par le monde de la banque et en particulier celui de la monétique, mais le plus gros potentiel est dans l’assurance. Les applications et usages spécifiques au secteur assurantiel, les gains potentiels, en termes de coûts de distribution notamment, sont plus nombreux.

Quelles pourraient être les premiers usages ?

PL : Le calendrier réglementaire est un exemple. Les nouveautés d’ordre fiscal et comptable, et les masses de données à transmettre aux auditeurs, au régulateur, à toutes les parties prenantes de l’entreprise qui les accompagnent, pourraient être grandement accélérées et générer des économies avec la blockchain.

N’y a-t-il pas une typologie d’assureurs plus ou moins avancée ?

PP : Même si certains se montrent plus timides, l’investissement est bien réel concernant la blockchain. Il y a en revanche des différences, héritées du passé de chacun, relatives aux systèmes cœur des assureurs. La famille des bancassureurs dispose en gros d’un patrimoine SI plus récent que les opérateurs traditionnels. De fait, leurs SI sont intégrés entre offres bancaires et d’assurance, ils disposent de plates-formes capables de manœuvrer et intégrer des technologies récentes et de CRM plus consistants et homogènes. Maintenant, l’émergence des robots logiciels est en train de changer la donne.

C'est à-dire ?

Les assistants virtuels se généralisent chez les assureurs après leur développement il y a une dizaine d’années pour l’industrie. Ce sont des robots logiciels, proposés par quelques éditeurs, qui permettent de faire évoluer les SI existants, parfois en silos. Ils facilitent notamment les fastidieuses migrations de données entre SI. Pour implémenter les services digitaux et les offres mobiles, les assistants virtuels sont à même de le faire sans toucher au core system existant. Pratiquement, cela se traduit par l’automatisation de processus jusque-là manuels donc par des économies de budget considérables. Ce sont des outils clés perçus comme stratégiques par les directions générales.

La prochaine étape concerne l’intégration par ces robots de l’intelligence artificielle : les doter de la capacité d’acquérir de l’expérience.

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