La diffusion des smartphones en France a connu une croissance exponentielle entre 2011 et 2018. En effet, la part des Français disposant de ce type de téléphone est passée de 17 % à 75 % en huit ans. Peu à peu, les smartphones sont adoptés par toutes les catégories sociales. On compte ainsi 42 millions de mobinautes en 2018 contre 38 millions en 2017. En 2022, la part des personnes qui accèdent à Internet via mobile au moins une fois par mois devrait même atteindre 82 % de la population.
En 2018, « les Français passent en moyenne 1 h 37 sur Internet chaque jour, soit neuf minutes de plus qu’en 2017. Cet essor est porté par le mobile qui représente à lui seul près de la moitié du temps de surf quotidien et est l’écran n° 1 pour se connecter. Les apps jouent aujourd’hui un rôle central pour les mobinautes, elles concentrent 90 % du temps passé sur smartphone », rapporte Bertrand Krug, directeur du département internet de Médiamétrie. Ainsi, le mobile est devenu le premier écran de connexion et conquiert chaque année toujours plus d’internautes. 88 % des mobinautes se connectent tous les jours avec leur smartphone. Désormais, devant l’ordinateur (desktop), le mobile capte 58 % des investissements publicitaires digitaux. « Le mobile révolutionne non seulement le e-commerce, en imposant de nouveaux points de contacts, mais également le commerce traditionnel grâce au drive-to-store et au paiement NFC. Notre mission consiste à décrypter la complexité de cet écran, et exposer aux directions marketing les opportunités qui s’offrent à elles », explique Nicolas Rieul, président de la Mobile Marketing Association France.
Les enjeux commerciaux sont importants : en dix ans, le temps passé sur Internet a été multiplié par quatre. Les 35-49 ans sont les plus férus d’Internet et y passent près de 2 h 30 chaque jour. Par ailleurs, 66 % des mobinautes français préparent leurs visites en point de vente en faisant des recherches sur leur smartphone. Trente millions de personnes se rendent quotidiennement sur les réseaux sociaux, un carrefour pour les annonceurs.
N°1 des écrans
Les assureurs disent avoir conscience de l’importance croissante du mobile dans le quotidien des Français. Chez GMF, Julie-Alexandra Bertolino, directrice communication externe, indique : « Depuis fin 2016, nous constatons une forte augmentation du trafic sur le mobile, cela suit la tendance et les usages des consommateurs qui passent plus de temps sur leur smartphone que sur les ordinateurs : plus de 50 % du trafic web sont en effet réalisés depuis un appareil mobile. Les supports digitaux sont désormais mobile first. Nous avons donc adapté nos parcours de conversion. Cette évolution des usages se traduit également par une augmentation de 54 % du temps passé quotidiennement sur le mobile : 1 h 17 par jour par Français. Nos investissements suivent la même trajectoire. » Côté Maif, Cécile Ribour fait le même constat : « Le mobile est une composante transverse de notre dispositif, nous raisonnons plutôt en termes de régie ou plate-forme. Nous avons une stratégie social média, notre présence sur le mobile se fait essentiellement par les réseaux sociaux, qui sont majoritairement consultés sur ce canal. Nous allons regarder de près l’évolution du mobile. Pour nous, la question est : où sont nos publics ? Comment les toucher au mieux ? Nous constatons que les usages de consultation des médias seront essentiellement sur mobile et donc de manière assez naturelle, nous irons investir là où se trouve le public que nous souhaitons toucher. »
Pas de régie mobile
Cependant, s’ils ont conscience de la place du mobile dans le quotidien des Français et de son rôle dans leurs choix de consommation, Vadim Wichmann, rapporteur à la commission publicité Mobile Marketing Association France, regrette que les assureurs n’y consacrent pas plus de moyens. Même si en France, il est difficile de connaître les montants des investissements effectués sur ce device faute de régie mobile en tant que telle. « Les assureurs paient cher pour faire les publicités vidéo qu’ils diffusent sur le canal horizontal : la TV via un format de trente secondes. Le problème est qu’ils veulent le décliner tel quel sur le mobile. Sauf que sur le smartphone, trente secondes c’est beaucoup trop long. Le format idéal tient sur cinq à dix secondes avec un message fort en entrée et non pas comme en TV où le backshot est à la fin. Surtout, la TV est consommée horizontalement, or, 98 % des usages sur le mobile sont verticaux. » Un recyclage des formats TV sur mobile jugé peu efficace.
Par ailleurs, mal utilisé, le device peut avoir des effets négatifs sur la marque notamment sur les indicateurs de considération ou le capital sympathie. Le smartphone est un objet du quotidien qui est devenu intime, personnel. « La publicité peut être perçue comme plus intrusive sur le mobile qu’ailleurs, c’est pour cela qu’il est essentiel d’adapter les créations publicitaires et d’exploiter au mieux la data pour cibler les individus avec les bons messages, au bon moment », détaille-t-il. D’autant que les enjeux sont forts. Francis Mahut, fondateur de l’agence de conseil digital Eficiens, indique : « Le temps où on bombardait le consommateur de messages, de bannières, de pop-up est fini. Aujourd’hui, nous sommes dans un contexte de publiphobie grandissant. Les générations Y et Z sont rompues à tous les codes du digital et de la publicité. Si on ne leur apporte pas de la valeur ajoutée quand on s’adresse à eux, on a perdu d’avance. » Il ajoute : « Aujourd’hui, pour capter les jeunes, il faut engager une conversation, leur apporter des conseils santé par exemple, de la prévention sous forme de vidéo, de fiches à télécharger. On établit d'abord un véritable dialogue car, en digital, il faut 6 à 7 points de contact avant qu’un prospect se mette en position de transformer. Via son mobile, on le touchera par exemple sur les réseaux sociaux, sur un blog, sur des sites spécialisés, en publicité maline... Et une fois qu’on aura établi ce conversationnel, on pourra commencer à parler de formulaire, et de choses plus business comme la vente de produits ou services d’assurance. »
Les data, les données personnelles, la géolocalisation permettent aux annonceurs de mieux diriger leur contenu. Les assurés ne sont pas dupes et attendent de l’information et des contenus à forte valeur ajoutée. « Le mobile est un format qui nous oblige à nous transformer dans la manière dont on conçoit les messages et dans la manière dont on imagine la création. C’est un investissement qui appelle à quelques spécificités et à du sur-mesure », confirme Thomas Boutte, directeur publicité et médias chez Axa France. Le mobile est une opportunité pour les assureurs de se rapprocher de leurs assurés, leur absence, en revanche, pourrait se révéler coûteuse.