Vincent Roussel, Verspieren Crédit & Finance
Journaliste
Directeur général adjoint du courtier Verspieren crédit & finance, Vincent Roussel analyse la réaction du marché de l’assurance-crédit face à la pandémie du Covid-19.
Comment évaluez-vous le dispositif mis en place par les pouvoirs publics pour accompagner les assureurs crédit pendant la crise ?
Le dispositif utilisé pour répondre à cette crise s’articule essentiellement autour d’un mécanisme de réassurance publique à hauteur de 15 Md€ à travers trois produits d’assurance complémentaire (CAP, CAP+ et CAP France Export). Cette solution avait déjà fait ses preuves pendant la crise financière de 2008/2009 et était probablement la plus rapide à mettre en place en 2020.
Au regard de la brutalité de la crise actuelle, il y a cependant un risque que ce dispositif se révèle insuffisant. Le crédit interentreprises en France représente un peu plus de 700 Md€ dont 30 % sont couverts par les assureurs crédit. Ces derniers jouent donc un rôle primordial pour maintenir la confiance entre les acteurs et le financement B2B.
En tant que spécialistes du crédit management et du financement B2B (affacturage et leasing), nous avons fait part de nos inquiétudes, car les assureurs crédits ne pouvaient anticiper un arrêt aussi brutal de l’activité en France et presque partout dans le monde.
A coté de cela, des discussions sont en cours pour que l’Etat français puisse réassurer en partie le stock des engagements (garanties) pris par les assureurs crédit avant les mesures de confinement.
Ce stock était en effet élevé et les assureurs pourraient surréagir à travers leurs mesures de prévention si l’Etat n’intervenait pas pour stabiliser dans le temps les engagements déjà pris. En effet, il nous semble évident que la reprise économique se fera de façon progressive selon les pays, et les assureurs doivent garder la capacité de s’adapter et d’accompagner ce nouveau cycle afin de maintenir cette confiance dans le crédit interentreprises et faciliter le financement.
Quelles sont les conditions d’éligibilité des entreprises pour bénéficier des produits CAP, CAP+, CAP Export ?
Le dispositif s’adresse aux entreprises basées en France, bénéficiaires d’un contrat crédit émis en France, et qui réalisent moins de 1,5 Md€ de CA. Ce montant nous semble d’ailleurs bien limité compte tenu des enjeux des grands groupes Français notamment à l’international.
Quels sont les défis des assureurs crédit pendant la crise ?
Les organismes de contrôle et de supervision veillent à ce que les assureurs crédit respectent les règles prudentielles (Solvabilité II). Les assureurs crédit sont également tenus de respecter des principes de transparence et de prévenance au titre de la convention de 2013 qui les lient à la Banque de France.
Afin de traverser cette crise sans précédent, un nouvel équilibre est à trouver entre les mesures de prévention nécessaires et l’accompagnement des assurés. En tant que premier courtier à capital familial, Verspieren via sa filiale Verspieren crédit & finance intervient au quotidien auprès de ses clients afin de négocier des solutions pour faciliter le transfert de risque et l’augmentation des garanties. Nous agissons en facilitateur du crédit fournisseur comme tiers de confiance.
Plus que jamais, il est nécessaire de prioriser le crédit fournisseur et d’adapter chaque contrat pour favoriser la reprise économique.
Quelle comparaison peut-on établir entre les réactions des assureurs crédit en 2009 et en 2020 ?
Les réactions sont complètement différentes. En 2009, les réactions n’étaient pas homogènes, certains assureurs ont anticipé la crise, d’autres l’ont perçue un peu plus tard, leurs réactions n’étaient donc pas synchronisées. En 2020, compte tenu de la brutalité de l’événement, la première réaction des assureurs crédit a été d’apporter de la souplesse à un grand nombre de contrats, notamment en décalant des échéances contractuelles pour éviter des déclarations trop hâtives en termes de sinistre, et éviter ainsi « un effet domino » redouté.
Pour autant, les prévisions en termes de sinistralité sont inquiétantes et des secteurs entiers doivent très vite se réinventer pour regagner en productivité. Le marché est donc sous tension et nous sommes extrêmement sollicités pour de nouveaux programmes de protection et de financement par des sociétés qui n’en disposaient pas.
L’expérience de 2008 a permis de trouver une solution rapide avec la mise en place des garanties CAP. Aujourd’hui, ce dispositif doit être complété si l’on veut pérenniser le crédit interentreprise en sortie de crise et optimiser le financement B2B.