Marché unique

Le Brexit dure

Publié le 20 janvier 2020 à 8h00

Emmanuel Mayega

Les gouvernements changent au Royaume-Uni et le Brexit dure. Quid en cas de Hard Brexit pour les assureurs ? Prévenants, ils ont pris les devants, incités par les régulateurs.

Emmanuel Mayega
journaliste

Le 29 mars dernier aurait dû sceller la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. La montagne a accouché d’une souris, laissant les assureurs dans l’incertitude. Un climat que n’aiment pas les affaires, furent-elles d’assurance. La nature ayant horreur du vide, les assureurs britanniques ont déjà trouvé des solutions : selon maître Stéphane Choisez, ils ont choisi de « contourner la barrière de l’UE en domiciliant un siège social dans un des pays européens ».

En fait, face à la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne et ses conséquences plausibles sur les activités réalisées dans le cadre du passeport (libre prestation de services ou d’établissement) pour les assureurs installés au Royaume-Uni et actifs dans l’UE depuis cette base, les autorités européennes ont adopté des normes, avis et positions. L’ACPR a notamment simplifié ses procédures d’agrément. Conscientes du lourd enjeu commercial et économique que représente cette sortie de l’Union, les compagnies ont pris le taureau par les cornes. « Nous avons décidé d’anticiper les événements. Nous sommes ainsi sur le pont qui nous mène vers le Brexit depuis trois ans avec pour hypothèse de travail initiale un Hard Brexit pour mars 2019 », rappelle Gwenaël Hervé, DG d’Hiscox France.

Anticiper un Hard Brexit

Sur les conseils des régulateurs, qui tablent sur une nécessité pour les porteurs de risques britanniques d’avoir une représentation locale, « nous avons déployé, dès le 1er janvier 2019, Hiscox Luxembourg SA où ont été transférés tous nos contrats britanniques, une opération très réglementée et donc surveillée par le régulateur local. Monter une compagnie nécessite le respect de certaines exigences : avertir nos clients du changement et les convaincre en cas d’hésitation, respecter les engagements pris », explique le DG. Au total, 80 000 contrats hébergés au Royaume-Uni ont été transférés. Il s’agit de garanties sur les objets d’art, des couvertures pour habitations haut de gamme, dommages aux biens, risques liés à la cybersécurité et responsabilité civile. Vingt millions d’euros ont été investis en deux ans pour concrétiser cette implémentation qui passe également par le recrutement de six collaborateurs.

Hiscox entend ainsi transformer en opportunité ce qui se profilait comme une menace. « Nous en avons profité pour renforcer nos capacités sur plusieurs lignes de produits afin de suivre et soutenir nos clients. En dommages aux biens, où nous avions une capacité de 50 M€, nous sommes passés à 75 M€ ; idem pour les cyber-risques où nous proposons 15 M€ au lieu des 10 M€ auparavant », explique Gwenaël Hervé. Et ce dernier de préciser : « Le Brexit n’est pas terminé pour tout le monde. Nous avons très tôt opté pour le transfert de portefeuille (dit procédure part VII pour les Anglo-Saxons). Un véritable parcours du combattant qui est dernière nous maintenant alors que d’autres l’entament seulement. »

Le groupe France courtage, à l’instar des autres courtiers du marché français, reconnaît que le Brexit est loin d’être neutre au quotidien. Selon Marie-Capucine Walbert, DG : « La sortie du Royaume-Uni de l’UE va générer une charge de travail supplémentaire pour les intermédiaires que nous sommes : au-delà du travail administratif que constitue le transfert de polices en droit local, nous devrons, dans le contexte de DDA, apporter des explications à nos clients sur les raisons de ces transferts. Cela équivaut à l’effort fourni pour réaliser une affaire nouvelle. » L’alternative qui se présente aux assureurs anglais est soit de mettre en place un partenariat avec une compagnie française acceptant d’intervenir en fronting, soit de créer une filiale dans l’UE. Et de citer l’exemple du Lloyd’s qui a choisi d’élire domicile à Bruxelles en 2018 et de se prémunir ainsi d’un éventuel Brexit dur.

Limiter l’impact

Même tendance à l’anticipation du côté de l’assureur QBE. « Dans la perspective de l’adoption du Brexit, nous avons essayé, autant que faire se peut, de limiter l’impact de ce changement réglementaire. Ainsi, depuis trois ans, nous y travaillons en interne avec comme objectif premier de garantir la continuité de service pour nos clients. Nous avons ainsi créé en janvier 2018 une filiale à Bruxelles qui permet de servir l’ensemble de nos structures européennes », explique Pascal Leroy, directeur commercial et directeur des régions. Et d’ajouter : « Concrètement, à partir de ce point d’ancrage, nous sommes à même de délivrer des contrats en Europe, gérer les sinistres et accéder à la LPS pour des clients présents en Europe. » Cette nouvelle entité de QBE Europe, qui pèse 500 M€ de chiffre d’affaires, gère les dommages aux biens, les lignes financières, la construction et la RC générale. Pascal Leroy considère qu’en dehors des travaux pour la création d’une filiale, l’impact du Brexit est neutre. « L’ensemble de notre portefeuille a été transféré à la nouvelle filiale, nous travaillons comme avant et assurons la continuité de service », déclare ainsi le directeur commercial. Pour répondre à son obligation d’informer ses clients, QBE a mis à leur disposition des documents pour faire face aux interrogations les plus fréquentes et a mis à jour son site internet pour apporter un éclairage sur les enjeux du Brexit. De l’aveu du directeur commercial, le Brexit « génère des modifications lourdes et coûteuses en interne ».

Pour autant, la continuité de service est assurée. Au-delà du cas des assurés entreprises, les particuliers aussi sont dans l’incertitude en cas de Brexit sans accord, notamment en ce qui concerne l’auto et la santé. Au final, la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne est loin d’être neutre pour le secteur.

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