La vie sourit aux réassureurs

Publié le 11 décembre 2017 à 8h00

jc.manuceau@tribune-assurance.fr

SelonS&PGlobal Ratings, la croissance de la réassurance vie proviendra des marchés émergents asiatiques et du risque de longévité au Royaume-Uni, aux États-Unis et aux Pays-Bas. De plus, l’augmentation récente des taux de cession de la mortalité aux États-Unis porte la croissance des réassureurs. Les bénéfices de souscription sont relativement stables et compris entre 7 % et 8 %.

Nouveaux acteurs

Très concentré, le marché de la réassurance vie est « tenu » à l’échelle mondiale par une dizaine d’acteurs qui portent approximativement 90 % du montant total des primes réassurées. En tête du classement effectué par S & P Global Ratings se positionnent RGA, Swiss Re, Munich Re, Hannover Re et Scor. Dans la foulée de Solvabilité II sont apparus ces dernières années de nouveaux acteurs. Athene Life Re ou Monument Re, établis aux Bermudes, se spécialisent sur le risque de marché et ont pris le relais des réassureurs vie dans ce domaine. « Ces derniers préférant généralement prendre des risques sur leur passif et limiter leurs expositions sur les actifs, ces structures se sont créées afin de porter les risques financiers, notamment vis-à-vis de la longévité », souligne Franck Pinette, directeur général vie Europe du courtier de réassurances Guy Carpenter.

En 2016, le volume d’activité de la réassurance de personnes s’est élevé à 70 Md$ au plan mondial et était stable par rapport à l’année précédente. Les barrières d’entrée sont élevées, ce qui limite l’apparition de nouveaux acteurs. « On ne peut s’implanter sur ce marché avec l’ambition d’en devenir un acteur majeur si l’on n’a pas accumulé des données biométriques pendant des années car ces bases de données sont nécessaires pour pouvoir fournir aux assureurs de personnes des tarifications et des processus de sélection pertinents. En effet, la taille et l’antériorité des portefeuilles des entités cédantes ne sont, dans la plupart des cas, pas assez significatives pour en tirer une tarification précise », explique Christian Mounis, consultant spécialisé en réassurance. Les assureurs de personnes ont aussi besoin d’être épaulés en matière de sélection des risques, notamment médicaux, par les réassureurs vie pour développer produits et services. Enfin, les réassureurs apportent aussi leur expertise en gestion de sinistres. Néanmoins, le marché français est faiblement réassuré en vie et en santé par comparaison au marché britannique, où les assureurs cèdent la majorité de leurs risques. Le marché direct britannique cède beaucoup ses risques vie dans une logique d’optimisation de la rentabilité des fonds propres, à tel point que le rôle de l’assureur s’apparente souvent à celui d’un fronteur, voire d'un courtier. En France, la proportion des primes cédées en vie est de 2 %, auxquels s’ajoutent les transactions sur l’épargne avec le transfert des provisions mathématiques. « Le marché de la réassurance vie n’a pas atteint sa maturité et il y a des parts à gagner », estime Arnaud Chevalier, directeur du département vie d’Aon Benfield France.

De fait, les courtiers de réassurance interviennent moins en vie ; les assureurs n’étant pas à la recherche de capacités considérables sur le risque de mortalité. Autre caractéristique propre au marché vie, le partenariat étroit et durable entre assureur et réassureur, notamment pour le développement de nouveaux produits : en moyenne, un assureur non vie travaille avec une vingtaine de réassureurs là où un assureur vie n’est en lien qu’avec deux ou trois réassureurs.

Jusqu'à ces dernières années, la réassurance alternative n’avait pas pris pied en vie faute de cumuls potentiels de nature catastrophique exposant les assureurs à des sinistres majeurs, à l’exception notable du risque de pandémie. « La véritable catastrophe qui pourrait se produire en vie serait un effondrement durable des marchés financiers qui pourrait avoir pour conséquence le remboursement à perte des capitaux assurés au titre des produits d'épargne, dépeint Christian Mounis, c'est cet « effet ciseaux » entre les garanties données dans les polices d'assurance et les rendements réels du marché financier qui avait provoqué de nombreuses faillites de compagnies vie dans les années 1995-2000 au Japon. »

Nouveaux besoins

Un « effet » Solvabilité II a engendré de nouveaux besoins en réassurance vie avec la montée en puissance du risque de marché. Les assureurs avaient le choix entre recapitaliser ou revoir leur stratégie de protection par la réassurance.

Cependant, il n’y a pas eu de modifications dans les volumes cédés mais un ajustement des traitements de la réassurance. « Solvabilité II est une dimension complémentaire à prendre en compte lors de la mise en place de structures de réassurance », note Catherine Bourland, directrice générale d’Aon Benfield France. Applicable à partir du 1er janvier 2021, la nouvelle norme comptable IFRS 17 aura aussi un impact sur la réassurance vie, à l’instar de la réassurance non vie. Sur le marché français, la réforme du droit de la responsabilité civile, en cours, devrait également avoir des implications sans, toutefois, révolutionner la réassurance vie.

Ces dernières années, la matière assurable progresse. Comme le précise Simon Rechatin, responsable vie et santé de Swiss Re France, « le vieillissement de la population entraîne mécaniquement des besoins d’assurance et de réassurance plus importants pour les contrats dépendance, emprunteur, obsèques, santé et temporaires décès. Ainsi, la dépendance est une des branches vie les plus réassurées ». La prévoyance des hommes clés ou les emprunts aux montants élevés sont aussi fortement réassurés. En permettant les délégations d’assurance, la loi a ouvert la concurrence en emprunteur depuis plusieurs années. L’amendement Bourquin de la loi Sapin 2 va ouvrir un peu plus le marché en autorisant un emprunteur à résilier son contrat d’assurance à date anniversaire pour un crédit immobilier en cours et non plus uniquement lors des douze mois suivant l’offre de prêt. Cette stimulation de la concurrence va immanquablement générer des appels d’offres plus fréquents et plus nombreux auprès des réassureurs en matière de tarification. « Lorsqu’un segment d’assurance est concurrentiel, les réassureurs n’ont d’autres choix que de fournir les tarifications les mieux adaptées au risque, après avoir réalisé des études leur donnant la certitude de ne pas descendre en dessous du seuil de rentabilité », précise Christian Mounis.

Nouveau marché

Parce qu’on ne peut prévoir les avancées de la science, ni les changements de comportements de la population en matière de pratique sportive ou d’alimentation, le risque de longévité n’est pas totalement maîtrisé, et de fait très bien réassuré. Ce risque pèse sur les produits d’assurance délivrés sous forme de rentes viagères (épargne retraite ou dépendance). Plus les engagements pris par les assureurs sont longs, plus le régulateur exige des capitaux importants. Afin d’éviter une augmentation de leur capital, les assureurs se tournent vers la réassurance. « Si un nouveau marché d’importance s’est créé en réassurance vie, c’est bien celui de la longévité. Et ceci d'autant plus que les réassureurs traditionnels ont une préférence naturelle pour le risque biométrique. Les nouveaux besoins de réassurance des risques de marché constituent un marché neuf », ajoute Christian Mounis. Des variations peuvent aussi être constatées dans le sens d’une plus grande mortalité, comme aux États-Unis avec la plus grande occurrence de l’obésité et des effets du tabagisme sur l’espérance de vie de certaines catégories de population. Cependant, le risque de la population assurée ne reflète pas forcément celui de la population générale. Autre risque qui oblige à mettre du capital pour faire face aux engagements de la prévoyance : la pandémie. D’un point de vue actuariel, elle se définit par un taux de mortalité supérieur de 1,5 ‰ à la norme. Mais une attaque terroriste de grande ampleur et/ou de type NBCR pourrait tout autant poser des difficultés aux assureurs quant à leur capacité à honorer leurs engagements.

Reste un frein à l’innovation dans l’Hexagone : la dernière typologie d’assurance de personnes nouvelle et innovante remonte au milieu des années 80 et à la création d’une couverture contre la dépendance par Cardif puis par AG2R La Mondiale. Aux USA, des garanties dépendance avaient déjà cours qui permettaient seulement d’accéder à des remboursements de frais, sans délivrer une rente viagère.

Toutefois, il y a peut-être du nouveau à attendre du côté des AssurTech et du digital : « Je suis convaincu que les nouvelles technologies – en particulier le Big Data – vont aider la réassurance vie à générer de la croissance et à faire naître des produits. Elles peuvent nous permettre d’atteindre directement l’assuré. La tentation est grande pour les réassureurs de communiquer directement avec eux », confie Florian Boecker, responsable senior de Partner Re Life & Health. Mais l’émergence de la technologie et l’appétit des acteurs numériques pour les données personnelles, et en particulier celles relatives à la santé, pourraient tout aussi bien être un moyen de concurrencer les réassureurs vie. Ainsi et à partir d’un Smartphone, il est aujourd’hui possible de récupérer les données médicales d’une personne et d’analyser son risque. Selon Christian Mounis, « la menace est que les expertises des réassureurs vie deviennent moins incontournables si d’autres acteurs parviennent à compiler et à analyser un très grand nombre de données dans un même objectif ». Resterait alors aux réassureurs vie la possibilité d’internaliser la disruption en s’alliant à une FinTech ou une AssurTech. Le business model de la réassurance vie est à un tournant, mû par l’émergence des nouvelles technologies et des nouvelles réglementations.S&PGlobal Ratings considère que « les fortes capacités de gestion des risques devraient protéger les opérateurs » d’une concurrence agressive susceptible de fragiliser leurs positions.

Dépêches

Chargement en cours...

Dans la même rubrique

Nicolas Sinz élu président de l’Union des assisteurs

Le 7 février 2025, Nicolas Sinz, directeur général d'Europ assistance France, a succédé à...

«Marsh France est en croissance de 10 % sur 2024»

Fabrice Domange, à la tête de Marsh France depuis 2016, revient sur une décennie de transformations...

Panorama 2025 des capacités grands risques

À l'occasion des 32 Rencontres de l'Amrae, qui se tiennent à Deauville du 5 au 7 février, retrouvez...

Voir plus

Chargement en cours...

Chargement…