Baptiste Lambert, associé fondateur du cabinet Aptic
Rédacteur en chef
Le point sur les principaux enjeux RH du secteur, avec Baptiste Lambert du cabinet Aptic, partenaire du dossier « métiers & salaires 2017 » de La Tribune de l’assurance d’octobre, dans lequel vous découvrirez les jobs qui montent dans l’assurance.
Comment qualifieriez-vous le contexte actuel du recrutement, de l’emploi et des salaires dans l’assurance ?
La dynamique reste très positive en termes de recrutement, en particulier pour les profils techniques et qualifiés pour lesquels nous intervenons majoritairement. Actuellement, les fonctions cadre d’auditeur interne, de chargé de reporting réglementaire, de consultant en actuariat, de directeur des investissements pour certaines classes d’actifs ou encore de data scientist, peinent à trouver les bons profils. On peut parler de jobs en or pour lesquels un candidat formé aura l’embarras du choix de son futur employeur. Le contexte est globalement favorable aux candidats et cela dure depuis plusieurs années maintenant.
Quelles sont selon vous les explications de ce marché RH tendu pour les assureurs ?
Il y a plusieurs facteurs explicatifs. D’abord et de manière constante, les sorties de crise sont pourvoyeuses d’embauches. Ainsi, sur les six dernières années, les recrutements du secteur connaissent une évolution positive qui ne se dément pas. L’autre explication de ce bon niveau des recrutements est en lien avec les nombreux départs à la retraite qu’a connu le secteur. Enfin, la transformation digitale et réglementaire de l’assurance se poursuit et fait émerger des besoins de recrutement sur des postes qui n’existaient pas ou peu précédemment.
Justement, après la mise en œuvre de Solvabilité II ou de l’ANI, les recrutements en lien avec le « tsunami réglementaire » se sont-ils tassés ?
Le pic réglementaire a peut-être été atteint mais il reste nombre de nouveaux textes à mettre en musique : les nouvelles normes comptables, la directive distribution d’assurance ou le règlement européen sur la protection des données parmi tant d’autres. En outre, il ne suffit pas de mettre en place le nouveau régime prudentiel Solvabilité II, il faut aussi avoir la capacité de sa mise en œuvre opérationnelle. Ainsi, les directions financières restent parmi les directions avec le plus de difficultés à recruter. L’entrée en vigueur du pilier 3 de Solvabilité II a fait émerger un job en or en situation de pénurie, celui de chargé de reporting réglementaire. C’est la même chose dans les directions risque, conformité & contrôle, où l’auditeur interne (fonction clé de Solvabilité II) monte en puissance, et qui peinent à recruter les bons profils. Enfin, au sein des directions techniques, désignées dans notre étude sous l’intitulé de « direction actuariat & souscription », le consultant en actuariat est une denrée particulièrement rare. Les cabinets d’actuariat conseil le savent mieux que personne, cela fait deux ans qu’ils sont très fortement sollicités et qu’ils peinent à faire face en matière de RH à la montée en puissance de leur carnet de commandes.
Et la transformation digitale ?
Le secteur est en plein dans cette transformation et les besoins RH sont conséquents, avec de nouveaux postes qui s’ouvrent et qui n’existaient pas il y a encore quelques années. Le flux ne devrait pas se tarir puisque le gros de la révolution digitale de l’assurance reste à mener.
Y a-t-il d’autres tendances significatives pour l’assurance ?
L’environnement de taux bas auquel fait face l’industrie financière ces dernières années a créé de nouveaux besoins RH au sein des directions des investissements. En diversifiant leurs actifs, les assureurs doivent recourir à de nouveaux profils, des spécialistes du non coté par exemple. Sur ce type de profils, les assureurs sont en concurrence avec quasi tous les employeurs de la sphère financière.
Qu’en sera-t-il dans les douze à vingt-quatre prochains mois ?
Je n’ai pas de boule de cristal mais sur la base du constat actuel, où tous les indicateurs sont au beau fixe depuis plusieurs années, il ne fait guère de doute que l’on va au-devant d’un marché plus complexe. Les périodes d’euphorie en termes de recrutement sont quasi invariablement suivies de crises importantes. La crise financière de 2008 en est un bon exemple : avec, jusqu’en 2007, des recrutements et des salaires à la hausse avant que n’advienne l’une des pires crises de la période récente.