Baptiste Lambert, associé fondateur du cabinet de recrutement Aptic
journaliste
Si certains métiers sont traditionnellement en pénurie dans le secteur de l'assurance, les difficultés de recrutement s'étendent actuellement à l'ensemble des fonctions et à des niveaux de qualification où elles n'existaient pas jusque-là souligne l'associé fondateur du cabinet de recrutement. Autre tendance qui s'accentue : l'attractivité croissante de la province aux dépens du bassin parisien, un phénomène qui témoigne de l'importance accordée à la qualité de vie.
Quelle est la tendance en 2019 sur le marché du recrutement ?
Nous sommes dans la continuité des années antérieures, à savoir une situation de plein-emploi quasi absolu pour le marché parisien pour les cadres et diplômés de l’enseignement supérieur. Pour la plupart des compagnies d’assurance, il y a une très forte tension sur le marché de l’emploi. C’est un phénomène qui perdure sur les profils où il y a toujours eu une pénurie forte, comme pour les métiers de l’actuariat et de la direction financière. Ce phénomène s’étend sur des métiers qui n’étaient jusqu’à présent pas ou peu touchés comme : les profils spécialisés en marketing, communication, événementiel, mais aussi pour les métiers des ressources humaines par exemple. Auparavant, nous étions moins sollicités sur ces métiers, maintenant nous le sommes. Par ailleurs, je distingue le marché du recrutement permanent du marché du recrutement temporaire : le premier est très complexe, et le second se complexifie aussi car il y a de moins en moins de candidats disponibles. Certains bassins d'emploi sont asséchés.
Quelle est la situation pour les métiers liés aux fonctions commerciales ?
Les fonctions commerciales restent un axe de recrutement très fort pour les compagnies d’assurance, ce qui crée une tension importante sur le marché. Ces tensions sont variables selon les profils : BtoB ou BtoC et se répercutent sur les niveaux de rémunération, en particulier pour les profils juniors. Par exemple, pour les commerciaux qui ont de trois à dix ans d’expérience, les niveaux de rémunération augmentent de manière significative ces derniers mois. De notre point de vue, les fonctions les plus problématiques à recruter aujourd’hui sont les métiers liés à la direction financière. Pour ces fonctions, nous avons atteint le même ordre de difficulté que pour celles liées à l’actuariat qui sont historiquement les plus complexes à pourvoir. Par exemple, il y a cinq ans un comptable qui avait entre trois et cinq ans d’expérience était recruté entre 35 000 et 40 000 € annuels, aujourd’hui il n’est pas rare de les voir recruter bien au-delà de 40 000 €.
Cette tendance s’observe-t-elle sur l’ensemble des bassins d’emploi ?
Les marchés du recrutement sont très différents selon les territoires. Par nature, le marché parisien est concurrentiel avec un turn-over plus important qu’en province. Alors que dans certains bassins d’emploi, il peut y avoir un, deux ou trois acteurs avec des salariés qui ont une ancienneté plus importante. En province, les sociétés d’assurance vont plutôt attirer des profils venus de région parisienne qui ont un projet de vie différent. Ces dernières années, le flux de personnes qui quittent la région parisienne pour travailler en province est plus important que l’inverse.
Le niveau de salaire reste-t-il le facteur déterminant ?
Le salaire n’est plus le principal argument qui va séduire un candidat. En revanche, c’est un prérequis car s’il est en dessous du marché, le candidat ne viendra pas. De plus en plus, pour les jeunes générations, les considérations sur l’équilibre de vie dominent. Par exemple, il y a trois ans, personne ne me posait la question de la possibilité du télétravail, aujourd’hui cette question m’est posée par un candidat sur deux. Il y a également une sensibilité croissante aux questions sociétales, les nouvelles générations souhaitent rejoindre prioritairement un employeur sensible aux sujets liés à l’écologie, à l’impact sociétal de son activité… Ce n’était pas forcément le cas pour les générations antérieures. Ce n’est pas encore un critère majeur, mais les candidats regardent ce que font concrètement les employeurs au-delà des valeurs affichées. C’est-à-dire qu’ils seront plus sensibles à une politique zéro papier qu’aux grandes valeurs revendiquées sur Internet.