David Farcy et Yohann Niddam, Périclès Group
Rédacteur en chef
Les deux associés de la société de conseil Périclès Group, spécialistes de l’assurance vie, reviennent sur les multiples enjeux auxquels font face les opérateurs du marché.
La collecte de l’épargne assurance vie se tasse et les rendements 2016 se sont réduits par rapport à l’exercice précédent. Comment l'expliquez-vous ?
Pour les assureurs vie, l’équation n’est pas simple actuellement. Vu le contexte de taux bas et le régime prudentiel, il ne leur était guère possible d’aller au-delà en termes de rendement des fonds euros. En outre, nous avons vraiment changé d’ère ces deux dernières années avec des assureurs vie qui doivent, sur les fonds euros, à la fois limiter la collecte et maîtriser l’évolution de leurs encours.
Le fonds euros a longtemps été une bonne alternative ou, si vous préférez, un bon compromis entre les produits réglementés avec une rémunération limitée et sans risque, et les produits dynamiques, plus rémunérateurs mais aussi plus risqués. Ce n’est plus vrai aujourd’hui.
Solvabilité II, la directive distribution d’assurances et le contexte de taux bas mais aussi le règlement transsectoriel sur les produits d’investissement (PRIIPs), qui introduira plus de transparence sur les fonds euros, constituent une nouvelle étape de l’épargne assurance vie. Il y a un point positif à ce contexte : il conduit les opérateurs du marché à relancer des programmes d’innovation.
Par exemple ?
Les nombreux fonds euros, dynamiques et diversifiés, euroactifs ou europierres, se sont multipliés et peuvent servir des rendements supérieurs aux fonds euros classiques. Bien entendu, ils ne peuvent pas être généralisés à tous les épargnants et restent des produits de niches, mais ils constituent des approches nouvelles et innovantes sur le marché. Néanmoins, la création de nouveaux fonds cantonnés peut constituer des contraintes et il n’est pas simple ensuite de les fusionner comme a pu le démontrer la décision de l’ACPR à l’encontre de la compagnie ACMN Vie.
De la même manière, le produit développé par Allianz l’an dernier, Allianz4Life, constitue une innovation en matière d’assurance vie avec un produit 100 % unités de comptes assorti de garanties d’assurance. Les fonds eurocroissance peinent à convaincre pour l’instant, car le contexte de taux bas ne permet pas à ce jour de les rendre séduisants. A l’avenir, les choses pourraient changer.
Par ailleurs, depuis plusieurs années, les politiques de rendements bonifiés des contrats vie les plus diversifiés se sont largement répandues et contribuent à rééquilibrer les versements d’épargne entre euros et UC. Enfin, les engagements de garantie du capital non plus nette mais brute des frais de gestion sont en passe de se généraliser sur le marché, démontrant la volonté des assureurs de sortir de la contrainte de garantir à tout moment 100 % du capital investi, ce qui ne leur permet plus de rechercher de la performance.
Pourquoi qualifiez-vous cette dernière mesure d’innovation ?
Nous pouvons parler d’innovation car il s’agit d’une nouvelle pratique qui valide l’absence « systématique » de garantie à 100 % du capital investi qui constituait un standard sur les fonds euros jusqu’à présent.
Certains opérateurs pratiquent une politique d’augmentation de leurs frais de gestion avec l’objectif de dégager des marges de manœuvre sur la diversification de leur allocation d’actifs. En effet, dès lors, la poche de diversification sur le fonds peut être plus élevée avec la possibilité de générer du rendement pour les assurés.
Toutes ces nouveautés suffiront-elles à faire de l’assurance vie le placement préféré des Français dans le futur ?
Ce ne sera pas automatique, et sans doute l’assurance vie à la française telle qu’on l’a connue ces dernières décennies ne sera plus la même demain. Néanmoins, le produit reste attractif et devrait continuer de séduire les épargnants. L’enjeu pour les assureurs vie avec lesquels nous travaillons est désormais lié à la réduction des marges et donc la nécessité de réduire les coûts de gestion. Maintenant que les marges se sont réduites, comment l’industrie peut-elle s’adapter ? A notre avis, le gros défi des années à venir est lié à la mise en commun de moyens pour mutualiser les coûts et retrouver de la latitude. C’est un mouvement qui reste à mener pour les assureurs vie, à l’instar de ce qu’ont fait les acteurs de la banque sur les activités de valeurs mobilières ou récemment sur l’épargne salariale.