Annulation d’événements

La pandémie est-elle couverte ?

Publié le 5 mars 2020 à 9h00    Mis à jour le 9 mars 2020 à 12h28

Elisabeth Torres

Alors que la France est désormais un foyer de l’épidémie au coronavirus Covid-19, les annulations de manifestations se succèdent. Si l’assurance annulation d’événements peut en atténuer l’impact, encore faut-il que les organisateurs l’aient souscrite, et qu’ils aient racheté l’exclusion du risque pandémie.

Elisabeth Torres
journaliste

Alors que la France s’estimait jusqu’ici peu touchée par le Coronavirus, les pouvoirs publics ont décrété le 29 février dernier le passage en stade 2. Dans ce cadre, ils ont interdit jusqu’à nouvel ordre tout rassemblement de plus de 5 000 personnes dans un espace confiné. Une telle mesure touche bien évidemment de plein fouet les organisateurs d’événements. Le Salon de l’agriculture a dû ainsi fermer ses portes avec une journée d’avance, tandis que le Salon du Livre n’ouvrira tout simplement pas les siennes cette année. Mais certains n’avaient pas attendu cette injonction des pouvoirs publics pour procéder d’eux-mêmes à l’annulation de leurs manifestations, comme la créatrice agnès b. qui annonçait dès la semaine dernière que son défilé prévu le 2 mars n’aurait pas lieu en raison de l’épidémie. Une initiative qui n’est pas sans conséquence sur l’éventuelle indemnisation de l’organisateur, si tant est d’ailleurs qu’il ait bien souscrit une assurance annulation, et que la pandémie fasse partie des garanties.

Exclusion

« Si les organisateurs d’événements sont tenus de souscrire une assurance RC, ils sont libres de ne pas se couvrir au titre de l’annulation, rappelle Katherine Villarruel, responsable individuelle accident & risques spéciaux du courtier Marsh France. Mais en pratique, plus l’événement est important, plus l’organisateur a intérêt à protéger le budget qu’il représente ». Dans ce cas, il a la possibilité de souscrire un contrat d’assurance annulation « tout sauf », assorti d’une liste de risques exclus, parmi lesquels l’épidémie/pandémie.

Depuis notamment la grippe A-H1N1 de 2009, l’épidémie fait généralement partie des exclusions sur le marché français, à en croire Gilles Jacquier, responsable de la souscription, département spécialités (individuelle accident groupe, objets d’art & risques spéciaux) chez Allianz France. Cela est lié au fait, selon lui, qu’en cas d’épidémie ou de pandémie, les mesures de prévention prises par les autorités publiques entraînent des annulations ou reports potentiellement massifs d’événements collectifs sur une période donnée. « Or, ce risque cumulatif est par nature difficilement mutualisable pour un assureur, sachant que la souscription d’un tel contrat n’est pas obligatoire et souvent encore considérée comme non indispensable par nombre d’organisateurs. Néanmoins, sur de courtes durées, des rachats partiels de l’exclusion peuvent exister. »

« Le rachat par l’assuré de l’exclusion du risque épidémie/pandémie engendre une surprime, reprend Katherine Villarruel. Celle-ci est évaluée en fonction du budget total et de l’appréciation du risque eu égard à d’éventuels précédents dans certaines zones. »

« La majorité des contrats anglo-saxons ne couvrent pas le risque d’épidémie, et tous les contrats sans exception excluent le risque de pandémie », souligne de son côté Cédric Thevenot, directeur du pôle sports, événements & risques spéciaux au sein de la direction des particuliers et des partenariats de Verspieren. Bien que généralement ces contrats d’assurance soient en « tous risques sauf », « il faut vérifier les exclusions (les « sauf ») et demander s’il est possible de racheter spécifiquement ces exclusions ».

« Mais tout cela, c’était avant, reprend Katherine Villarruel, car à compter du moment où l’OMS a considéré, en janvier dernier, que le Coronavirus Covid-19 était une épidémie, il n’y a désormais plus de place pour l’aléa. En conséquence, le marché ne couvre pas ce virus pour les nouvelles souscriptions, pas plus qu’il n’est possible de le racheter en tant qu’exclusion. »

L’impact d’une interdiction administrative

« Jusqu’à vendredi dernier, intervient Cédric Thevenot, avant que le ministre de la Santé énonce l’interdiction des manifestations réunissant plus de 5 000 personnes dans un espace confiné, si les organisateurs d’événements, qu’il s’agisse d’entreprises ou de collectivités locales, prenaient la décision d’annuler de leur propre initiative, ils n’étaient pas couverts par l’assurance annulation éventuellement souscrite ». Depuis que le stade 2 est déclaré et que les autorités ont proscrit les rassemblements en milieu confiné de plus de 5 000 personnes*, les organisateurs concernés non seulement peuvent mais doivent annuler si une préfecture ou une municipalité leur retire leur autorisation et seront dans ce cas couverts par leur contrat – sous réserve bien sûr qu’ils aient racheté le risque épidémie éventuellement exclu. La mesure adoptée ne règle toutefois pas complètement la question concernant les événements en plein air ou en deçà de 5 000 personnes. « D’autant qu’il peut être compliqué d’interpréter ce chiffre, commente Cédric Thevenot, en particulier lorsqu’un salon se déroule pendant plusieurs jours avec des visiteurs de passage. Comment calculer alors le nombre de participants ? » On pourra, par exemple, avoir recours à des systèmes de comptage qui bloquent l’entrée de nouveaux visiteurs tant qu’un certain nombre n’a pas quitté les lieux, de manière à ne jamais excéder le nombre autorisé.

Le report d’événement, moindre mal

En règle générale, les polices annulation prévoient également la couverture des frais supplémentaires induits par un simple report de la manifestation. « Les assureurs préfèrent qu’une manifestation soit reportée ou délocalisée, si cela coûte moins cher qu’une annulation pure et simple, confirme Cédric Thevenot. Dans ce cas, on raisonne en économie de pertes et l’assureur prend en charge tous les frais engagés pour éviter l’annulation. Si par exemple, une police annulation prévoit une couverture de 100 000 € en cas d’annulation et que le report coûte 95 000 €, l’assureur économise ainsi 5 000 € ». Le courtier se félicite de la possibilité de tenir aujourd’hui des assemblées générales à distance depuis un PC grâce au vote électronique, d’autant que nous entrons dans une période d’approbation des comptes de l’année écoulée. « Si une grande banque ou une société cotée décide de maintenir son AG dans les prochaines semaines en visioconférence, les frais liés à l’adaptation de l’événement à ce média seront pris en charge par l’assurance. »

« L’organisateur a lui-même intérêt à reporter l’événement plutôt que de l’annuler, souligne Gilles Jacquier d’Allianz France, car l’important pour lui n’est pas tant de faire jouer ou pas un contrat d’assurance, que de tenir ses engagements vis-à-vis de tiers (clients, publics, clients…) et de préserver sa réputation. »

Accompagner le client

« L’assureur a un rôle à jouer dans la mise en place de ces plans B et plus largement dans l’accompagnement du client en présinistre, indique Laurent Cellot, directeur sports & loisirs chez Gras Savoye. Nous regardons avec lui, poste par poste, contrat par contrat, notamment ceux conclus avec les fournisseurs, afin d’évaluer l’impact qu’une annulation risque d’avoir. Nous avons alors un rôle de conseil. » Gras Savoye a d’ailleurs mis en place une cellule de crise pour gérer les sinistres en cours et à venir, « avec l’espoir que l’épidémie aura pris fin d’ici l’été ».

* au 8 mars sont interdits les rassemblements de plus de 1 000 personnes non indispensables à la continuité de la vie de la nation.

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