Interview de la semaine

« La MGP passe du corporatisme à l’affinitaire »

Publié le 13 décembre 2018 à 8h00

Marie-Caroline Carrère

Benoît Briatte, président de la MGP

Marie-Caroline Carrère
Jounaliste

Nouveau logo, nouveau nom : la Mutuelle générale de la police devient la MGP, la mutuelle des forces de sécurité. Elle élargit son champ d’action à l’ensemble des acteurs de la protection. Benoît Briatte, son président, expose sa stratégie et dresse le bilan d’Unéopôle.

En devenant « la MGP, la mutuelle des forces de sécurité », la MGP change-t-elle de stratégie ?

Je n’irai pas jusqu’à parler de changement stratégique mais plutôt d’une évolution notoire de stratégie. La MGP est une mutuelle qui a toujours su ce qu’elle voulait faire. Le plan stratégique Elan 2016 avait pour objectif de stabiliser la MGP et surtout de trouver des alliances avec des acteurs de notre environnement. Nous l’avons concrétisé avec Unéopôle.

La MGP a toujours évolué avec le périmètre du ministère de l’Intérieur. Nous sommes toujours en cohérence par rapport à notre fonctionnement. Aujourd’hui, le ministère fait évoluer ses missions de sécurité et les populations qu’il accompagne. En l’occurrence, on trouve de plus en plus de policiers dans les opérations Vigipirate. Sur les autoroutes, les douaniers sont aussi de plus en plus au côté des policiers, ils sont partie intégrante des forces de sécurité. Les policiers sont, également, au quotidien avec les agents de la pénitentiaire.

En outre, le ministère de l’Intérieur a fait un gros travail sur les entreprises de la sécurité privée qui entrent désormais dans son périmètre et de fait dans le nôtre.

Nous sommes attachés à la fois à la proximité et au service que nous donnons et que nous proposons à nos adhérents, nous irons les rencontrer dans leur quotidien pour leur expliquer que le meilleur des acteurs, celui qui les connaît le mieux, c’est la MGP.

Nous avions un concurrent qui est désormais une mutuelle pour tous. Il a une stratégie différente de la nôtre en s’ouvrant sur l’intégralité des populations. Ils pensent qu’il est important d’avoir une assise plus grande pour être compétitif et pour servir au mieux leurs adhérents. Ils ont choisi une assise tous publics. Nous estimons que notre assise doit rester sur le monde que nous connaissons et nous connaissons bien la sécurité.

Comment va se traduire cette évolution stratégique ?

Elle va se traduire par de la proximité et des services tout à fait spécifiques. Nous le faisons déjà, mais nous allons ajouter des services en permanence afin de démontrer à nos adhérents, actuels comme futurs, que notre couverture est différente. Ce sont des femmes et des hommes qui ont un métier particulier, qui ont besoin d’une protection et de services propres. Nous serons là pour répondre à leurs besoins.

Nous passons du corporatisme à l’affinitaire. Dès 2019, nos adhérents verront en inclusion de leurs contrats de nouveaux services qui leur seront proposés. Ces derniers seront très affinitaires, afin de leur démontrer que la MGP, la mutuelle des forces de sécurité, les accompagne de façon spécifique et affinitaire en fonction des attentes d’une profession qui est tout à fait spécifique et qui mérite un regard adapté.

Vous êtes dans Unéopôle depuis deux ans, avez-vous réussi à garder votre indépendance ?

Tout à fait. Unéopôle est une union de groupe mutualiste (UGM), c’est-à-dire que chaque acteur reste ce qu’il est, chaque maison reste totalement indépendante. Dans tous les mariages, l’important est de connaître les périmètres, savoir ce que chacun fait pour que ça se passe bien. C’est ce que nous avons fait avec Unéo et GMF. Unéo s’occupe de toute la partie défense et entreprises de la défense. GMF nous apporte l’ensemble des services que ne peuvent pas porter des mutuelles comme la MGP, et nous prenons l’intégralité de la partie sécurité.

Pour autant, il est vrai que dans notre nouveau plan stratégique Pacte 2020, à chaque fois que nous engageons un chantier, un des axes de travail est d’avoir le réflexe Unéopôle. Dès que l’on a une idée, que nous avons un besoin, nous regardons d’abord avec nos partenaires si nous pouvons trouver une solution ensemble. Par exemple, on nous a imposé de nous mettre en conformité avec le dispositif Tracfin. Acheter l’outil nécessaire ensemble nous permet de le mutualiser. À chaque fois qu’il se passe quelque chose, nous pensons d’abord Unéopôle.

Autre exemple : nos policiers vont de plus en plus à l’étranger et la solution que nous avions n’était pas satisfaisante. Désormais, nous les orientons vers Unéo monde, une solution plus adaptée d’Unéo qui a souvent des militaires sur des théâtres d’opérations à l’étranger. Nous essayons de mutualiser un maximum de choses, nous le faisons de la manière la plus cohérente possible.

Unéopôle a-t-il permis de repenser votre distribution ?

C’est une évolution qui se met en place en ce qui concerne notre réseau de distribution. Il y a deux ans, nous l’avons fait évoluer. Pour autant, nous n’avons pas voulu abandonner la proximité avec nos adhérents. Au lieu d’avoir des agences ouvertes cinq jours par semaine, nous en avons une ouverte une journée par semaine ou par mois au sein d’agences de la GMF. Nous rentabilisons nos réseaux communs.

Dans le cadre d’Unéopôle, nous faisons des actions à trois mais aussi en binôme comme avec Unéo monde par exemple ou avec GMF et le partage d’agence, mais aussi de l’indication croisée.

Quel est le bilan d’Unéopôle pour la MGP ?

C’est un vrai succès. D’aucuns pourraient dire que ça ne transpire pas encore suffisamment. Pour moi, c’est un véritable succès parce que nous avançons par étapes dans une vraie confiance et une totale transparence entre les trois acteurs qui composent Unéopôle. Cela nous permet de sceller durablement l’ensemble des actions que nous réalisons entre nous. Je pense qu’il y a, aujourd’hui, trop d’unions, trop d’ententes, voire de mariages qui se font très rapidement et qui très vite échouent. Vouloir bousculer les choses rapidement se traduit souvent par des dissensions, des difficultés entre les partenaires qui finissent par se séparer brutalement.

Nous voulons construire durablement ensemble et nous nous accordons du temps pour cela. Nous avons la chance d’avoir trois maisons solides qui ont les moyens et qui n’ont pas le couteau sous la gorge. Nous pouvons prendre notre temps et nous n’avons aucun élément extérieur qui vient nous presser. Cela nous laisse aussi cette liberté de pouvoir tranquillement monter les choses et construire ensemble.

Depuis quatre ans, les risques professionnels de vos adhérents ont très fortement augmenté, comment vous êtes-vous adaptés ?

Nous avons la volonté de servir au mieux et d’accompagner de manière spécifique nos adhérents, ce qui veut dire par exemple que, depuis quatre ans, et non seulement pour nos adhérents mais parce que nous estimons que l’ensemble des membres des forces de sécurité doivent être accompagnés dans les moments les plus difficiles, nous avons mis en place une assistance offerte à tous dans le cadre des risques psychosociaux. Les missions des agents sont de plus en plus difficiles. Ils sont confrontés à des situations qui sont de véritables situations de guerre sur le territoire national. Ils ne sont pas toujours préparés à cela. Si l’on ajoute les difficultés de fonctionnement au quotidien, plus les difficultés personnelles, c’est important de pouvoir leur dire « nous sommes à vos côtés, nous vous accompagnons avec des psychologues cliniciens spécialisés qui sont à votre écoute ».

Dans le même sens, nous sommes attachés à la proximité, nous avons un réseau de 1 500 représentants-adhérents, 200 ont accepté de se former et de faire partie d’un réseau sentinelle : je connais, je détecte et je suis capable d’alerter quand un collègue se trouve en difficulté.

À côté de cela, nous avons mis en place depuis plus de quatre ans une allocation spécifique en cas de blessure ou de décès pendant une opération de police. Les métiers de la sécurité sont dangereux et s’il arrive quelque chose, il faut apporter un soutien aux familles pour leur permettre de redémarrer après un événement aussi tragique.

Comment se positionne la MGP vis-à-vis du 100 % santé ?

Comme toutes les mutuelles, nous sommes impactés par le 100 % santé. Je pense que sur l’année 2019, l’impact sera limité. L’appellation n’est pas adaptée. Le 100 % santé va forcément se traduire sur les trois années à venir par un transfert de charge vers les complémentaires santé. Cela implique forcément une consommation plus importante de nos adhérents.

Contrairement à ce que beaucoup pensent, les mutuelles n’ont pas d’autres ressources que celles de leurs adhérents. Quand on nous demande de dépenser de l’argent en plus, il faut bien qu’on demande à nos adhérents de nous en donner plus. Il n’y a pas d’autre solution.

Nous avons une petite déception : aujourd’hui, plus l’État se désengage, plus il réglemente et plus il nous impose la manière dont il veut voir les choses se dérouler. C’est dommage parce qu’à la MGP, nous faisions déjà le zéro reste à charge grâce à notre partenariat avec Santéclair.

Demain, le réseau sera totalement ouvert avec tous les praticiens, tous les matériels… Je ne sais pas vraiment ce que l’on va servir dans le cadre de ces tarifs extrêmement encadrés. C’est dommage de ne pas nous avoir laissé la main sur un sujet comme celui-là où nous savions déjà très bien faire. En ouvrant à tous les professionnels de santé, j’ai peur que cela ne se traduise par une augmentation de la consommation et des tarifs, notamment en optique.

Et pour l’épargne retraite ?

C’est une question qui se pose aussi pour nous. Nous avions un petit produit d’épargne. Nous sommes malheureusement convaincus qu’il est juste impossible de faire de l’épargne en propre aujourd’hui, au regard de la législation qui s’impose à nous. Pour moi, il est plus qu’essentiel de garantir à un adhérent que nous serons en capacité de lui rendre au minimum le capital qu’il nous a confié au départ.

Les règles qui s’imposent à nous sont draconiennes et, rien qu’en frais de gestion, l’impact est énorme. C’est un sujet que nous traiterons dans le cadre d’Unéopôle parce que là, adossés à Covéa, il y a peut-être quelque chose à faire sur l’épargne et sur la retraite. En propre, c’est quelque chose que l’on n’imagine même plus.

Toutes ces réformes et ces nouvelles réglementations ont-elles participé à vos nouvelles orientations stratégiques ?

Les réglementations, passées ou à venir, n’ont pas changé notre stratégie. Nous essayons toujours d’anticiper, de trouver le meilleur des angles pour faire de ce qui nous est imposé un atout plutôt qu’une contrainte. Pour autant, il est vrai que cela nous a amenés à revisiter le fonctionnement d’une mutuelle comme la MGP.

Depuis la mise en place de Solvabilité II, des profils différents sont venus enrichir le fonctionnement de la MGP et nous sommes tenus d’intégrer des travaux supplémentaires. Ça a effectivement été un grand changement dans le cadre de notre fonctionnement.

Nous avons fait évoluer notre gouvernance avec un conseil d’administration plus investi, plus formé, plus engagé, des commissions qui sont plus prégnantes et qui travaillent sur les sujets majeurs au sein de la MGP. Il est clair que nous avons dû revisiter le fonctionnement de notre gouvernance technique et politique mais tout cela sert au final les intérêts de nos adhérents.

A lire également : Descente de la MGP sur la sécurité

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