Matthieu Caillat, Directeur France d'Axa CS
Chef de rubrique
Fraîchement nommé à la tête d'Axa Corporate Solutions pour la France, Matthieu Caillat revient sur l'activité et les perspectives de l'entité d'Axa dédiée aux grands risques.
Pouvez-vous revenir sur l’exercice 2016 d’Axa CS ?
Malgré un environnement difficile, Axa Corporate Solutions a enregistré de bons résultats avec un chiffre d’affaires de 2,3 Md€, en hausse de 2,8 % et un résultat opérationnel de 122 M€, qui reflète à la fois la rigueur technique que nous avons toujours mise en œuvre et le dynamisme commercial indispensable qui découle de nos ambitions stratégiques. Cependant, dans plusieurs lignes d’activité, les niveaux de primes observés sur les marchés ne sont pas tenables sur le long terme.
En France, si le marché de l’automobile enregistre des mouvements à la hausse, la RC est toujours à des niveaux de primes trop bas dans un contexte économique tendu, alors que la sinistralité de cette ligne ne cesse de croître depuis 2010 sous l’effet d’un contexte contentieux plus marqué, et de l’utilisation des clauses plus larges.
En dommages en revanche, la sinistralité a été plus faible en 2016, notamment en termes de Cat Nat. Cette séquence de sinistralité atypique a permis au marché de rester équilibré en dépit des niveaux de primes actuels.
Dans les branches telles que la construction, les conséquences des années post-crise financière qui furent extrêmement difficiles pour l’industrie se font encore sentir, en France et plus largement en Europe. Les chantiers en cours et ceux des deux prochaines années reposent sur des bases économiques fragiles. Dans un contexte de forte sinistralité et de taux de primes trop bas, l’équilibre n'est pas facile à trouver.
Dans ce contexte ardu pour de nombreux assureurs grands risques, certains peuvent être tentés de montrer une plus grande réticence à payer les sinistres. Nos apporteurs témoignent de ces difficultés qui justifient de faire appel aux assureurs les plus fiables. L’équilibre doit passer par des niveaux de primes adéquats et non pas par une tension sur les indemnisations qui porte atteinte à la crédibilité de notre industrie en créant le doute chez nos clients.
Quelles sont les activités sur lesquelles vous performez ?
Pour ce qui est des produits récents, nous avons enregistré de beaux succès dans la branche cyber. Se protéger contre ce risque est devenu essentiel pour les entreprises. C’est pourquoi nous proposons désormais des polices dédiées qui couvrent des risques First ou Third party, y compris fraude. La couverture de dommages immatériels est évidemment plus compliquée, mais ces couvertures cyber sont largement meilleures que celles incluses dans les polices traditionnelles.
Le fort développement de nos activités paramétriques s’est également confirmé, démontrant là aussi le besoin croissant de couvertures pour des risques qui ne découlent pas d’un dommage au sens traditionnel du terme.
Nous avons également eu de bons résultats en flottes automobiles, un secteur dans lequel nous avons mis à profit notre qualité de gestion sinistre en collaboration avec les courtiers et les TPA, et notre capacité à mettre en œuvre des solutions internationales intégrées et éventuellement captivées, comprenant également un volet prévention. Aujourd’hui, 70 % de notre chiffre d’affaires automobile vient des programmes internationaux.
Pourquoi Axa CS a-t-elle réorganisé son entité française ?
Le portefeuille souscrit en France représente environ la moitié du chiffre d’affaires d’Axa CS et a toujours fait l’objet d’une attention particulière en termes d’innovation. L’enjeu est donc essentiel pour nous.
Quand j’ai intégré le comité executif d’Axa CS il y a plus de quatre ans, celui-ci était composé essentiellement de dirigeants français, qui exerçaient simultanément des responsabilités transversales internationales et d’autres spécifiquement françaises.
Afin de mieux accompagner nos clients dans le monde entier et de renforcer notre vision globale, Axa CS s’est internationalisé, comme en témoigne le profil de son comex. Il était dès lors nécessaire de doter la France d’une gouvernance dédiée, à travers des lignes hiérarchiques et un comex français spécifiquement en charge de ce marché clé.
En effet, outre la taille du portefeuille, nos activités en France jouent un rôle central, en avance sur les autres pays, pour construire les solutions de demain. La France est en quelque sorte pour nous le cœur du réacteur.
Quelle est votre politique en matière d’apérition ?
Nous poursuivons notre politique d’apériteur car nous sommes persuadés que c’est ainsi que nous pouvons apporter de la valeur ajoutée à nos clients. Par contre, nous observons aujourd’hui que le rôle de l’apériteur est de plus en plus lourd, et n’est pas toujours rémunéré à sa juste valeur.
L’afflux de capacité entraîne le développement de petites capacités qui déploient une stratégie de suiveur en coassurance. Si leur utilité existe pour les clients, il serait évidemment dangereux que cette approche soit aussi rémunératrice que celle des grands apériteurs, qui doivent être incités pour la valeur qu’ils apportent aux clients à travers la qualité de service, la capacité internationale et les aptitudes en prévention. Il faut donc s’assurer que le mécanisme de prix permette à l’apériteur d’offrir les services indispensables. Cela peut par exemple prendre la forme de commissions d’apérition, de placements « verticalisés », qui ne sont pas toujours suffisants aujourd’hui, en particulier dans certaines lignes comme le transport.
Il y a un distinguo de plus en plus net entre stratégie d’apérition et coassurance. Si le mécanisme de prix n’est pas capable de refléter cette différence, cela met en danger la capacité du secteur à offrir des programmes de qualité.
Quid de la réassurance ?
Historiquement, Axa CS n’a pas une stratégie de « fronteur », mais bien une approche d’assureur. Cela signifie que nous croyons en notre approche, que nous conservons les risques, et par là même la capacité à accompagner nos clients sans qu'ils ne dépendent de capacités opportunistes qu’ils ne connaissent pas.
Nous avons certes un programme de réassurance sophistiqué, mais notre stratégie est de prendre en charge le risque. Aujourd’hui, nous pouvons observer un certain nombre d’offres directes complètement « backées » en facultatives, avec toutes les questions que cela pose sur la continuité ou la gestion des sinistres, et ce n’est pas notre philosophie.
Quels sont vos objectifs pour 2017 ?
2017 sera une année de transformation pour Axa CS, notamment en France. Nous poursuivrons notre dynamique sur le cyber ou encore sur l’assurance paramétrique, mais nous souhaitons également accélérer notre activité énergie. C’est pourquoi nous venons de créer un pôle énergie & chimie qui regroupe les énergies renouvelables, le PowerGen (production électrique), les activités parapétrolières et la chimie lourde. La plupart de nos clients dans ce domaine traitent l’ensemble de ces activités. Nous avons donc créé une ligne d’activité dédiée avec une vision sur l’ensemble des expositions du client.
De plus, avec d’autres entités du groupe Axa, comme Axa Assistance, Axa Partners et encore Axa Collectives, nous proposons de plus en plus de solutions intégrées pour répondre aux problématiques de plus en plus larges des Risk Managers. De manière générale, la digitalisation nous permet de mieux comprendre les risques, et par là de mieux accompagner nos clients dans une démarche de partenariat.