Christophe Pardessus, directeur sinistres, juridique et conformité, Marsh France
journaliste
Rencontre avec le directeur juridique et sinistres du courtier Marsh, également très actif au sein de la commission juridique du syndicat Planète CSCA.
Quelles ont été les premières conséquences du confinement sur l’activité réglementaire des courtiers ?
Les courtiers ont tous été tout à coup confrontés à la dure loi du réel après avoir préparé ces dernières années leur plan de continuité d’activité. Sachant que les courtiers de toutes tailles en délégation de souscription, de gestion et de règlement de sinistres sont soumis aux mêmes obligations que les assureurs en cas de crise majeure depuis l’entrée en vigueur de Solvabilité II [plan de continuité d’activité et plan de reprise informatique, NDLR]. Les courtiers qui n’avaient pas largement opté pour la formation en ligne doivent également adapter leur plan de formation dans le cadre de la DDA, sachant que tout n’est pas forcément faisable en vidéo.
La pause réglementaire, souhaitée par nombre de courtiers ces derniers mois, s’impose-t-elle d’elle-même avec la crise ?
Effectivement, la crise du coronavirus gèle ou ralentit les processus d’élaboration ou de révision des réglementations. Ainsi, le rapport sur l’application de la directive sur la distribution d’assurance qu’EIOPA devait livrer en février 2020 (conformément à l’article 41 de la DDA), qui avait déjà été reprogrammé au printemps 2021 du fait du report de la directive elle-même, devra vraisemblablement attendre encore un peu plus longtemps. Les délais paraissent difficiles à tenir car les priorités des autorités ont changé, ce qui est compréhensible.
L’ordonnance du 25 mars a également un effet de report sur les délais échus pendant la période d’urgence sanitaire. Quelles sont les conséquences pour les courtiers, clients et assureurs ?
D’abord, il faut bien avoir en tête que cette ordonnance n’a qu’un effet limité car il s’agit d’un report et non d’une suspension au sens juridique du terme. Avec une suspension, on aurait eu un report d’autant de jours que la suspension aurait duré. Là ce n’est pas le cas. D’ailleurs, les délais arrivant à expiration juste après le 24 juin sont maintenus. La deuxième limite est qu'il s'agit des délais légaux et réglementaires mais non contractuels. De façon très concrète, on observe aussi que la vie judiciaire est désormais réduite au strict minimum donc la majorité des procédures sont reportées. Le traitement des sinistres antérieurs est largement pénalisé et les experts ne peuvent plus faire de constatations de visu pendant le confinement, sauf exceptions.
Quels sont les impacts pour la vie quotidienne des courtiers ?
La FFA a donné à ses membres des consignes de bienveillance, laquelle se comprend aussi comme une bienveillance à l’égard du fonctionnement en mode dégradé des assureurs eux-mêmes. Nous avons beaucoup de questions en suspens sur l’articulation des couvertures.
Toujours en matière de fonctionnement quotidien d’un cabinet, les courtiers qui seraient encore en retard pour la conformité au règlement RGPD vont voir ce retard s’allonger car il est très difficile de refondre des processus et outils informatiques dans le contexte actuel. Rappelons enfin que le télétravail accroît les risques d’attaques cyber et de fraude même si c’est à chacun de se faire sa religion sur les outils utilisés et les moyens à mettre en œuvre.