Interview de la semaine

« La chaire DIALog veut mettre l’IA au service de l’assurance »

Publié le 5 mars 2020 à 8h00

Stéphane Tufféry

Xavier Milhaud, maître de conférences à l’Institut de science financière et d’assurances, et Anani Olympio, responsable recherche et prospective stratégique CNP assurances

Stéphane Tufféry
rédacteur en chef

Sous l’égide de la Fondation du risque-Institut Louis Bachelier, CNP assurances lance une chaire d’excellence Digital Insurance And Long Term Risk – DIALog – portée par une équipe de chercheurs du Laboratoire de sciences actuarielle et financière (LSAF) de l’université de Lyon 1 et d’autres universités partenaires dont l’université catholique de Louvain en Belgique et consacrée à l’intelligence artificielle au service de l’assurance.

Pourquoi CNP assurances s’engage-t-elle dans le mécénat d’une chaire de recherches sur l’intelligence artificielle ?

Anani Olympio : La structuration des travaux de recherche et développement chez CNP assurances a débuté en 2012 avec la création d’un service deR&Dau sein de la direction technique groupe. Cette dynamique de recherche appliquée nous a conduit, en 2015, à encourager la création d’une activité autour des applications des méthodes de la science des données et de l’intelligence artificielle pour la résolution des problématiques du secteur des assurances dans un contexte de données massives. Le R&Data’Lab groupe est devenu une référence dans le secteur et l’originalité de cette démarche au sein d’un grand groupe comme CNP assurances a été reconnue, notamment au travers de ses publications. Ce succès a conduit à lancer en avril 2018 Diwise by CNP assurances dans le cadre d’un projet d’intrapreneuriat. Diwise est une start-up proposant notamment des services d’intelligence artificielle pour accompagner nos filiales et partenaires. Enfin, à ce jour, nous comptons dans nos équipes des chercheurs et des collaborateurs en interactions régulières avec le monde académique. C’est dans ce contexte que nous lançons cette chaire pour soutenir et favoriser la recherche académique autour des problématiques proposées.

Concrètement, comment ce mécénat va-t-il se décliner ?

Xavier Milhaud : La chaire DIALog (Digital Insurance And Long Term Risk) que CNP assurances financera est hébergée par la Fondation du risque-Institut Louis Bachelier à Paris. Ces travaux s’étaleront sur cinq ans et traiteront de l’intelligence artificielle appliquée aux problématiques assurantielles. C’est une importante initiative de recherche co-portée par Katrien Antonio, statisticienne de l’université catholique de Louvain et moi-même du laboratoire SAF (Sciences actuarielle et financière) de Lyon. Outre les deux co-porteurs et leur laboratoire respectif, DIALog réunit une dizaine de chercheurs issus d’universités américaines (Stanford), belges et françaises (Marseille, Paris-Dauphine, etc.) qui sont spécialistes de l’informatique, de l’IA, de l’actuariat, des probabilités ou encore des statistiques. La dimension internationale et les profils variés des chercheurs attachés à la chaire étaient une volonté forte de CNP assurances.

Pourquoi CNP assurances arrête-t-elle son choix sur ces travaux spécifiquement ?

A.O. : C’est la dimension assurantielle et actuarielle qui a motivé notre engagement. Bien entendu, la concrétisation opérationnelle des travaux universitaires qui seront menés nous rassemble et nous mobilise. Les perspectives de simplification de l’expérience client et les services complémentaires proposés aux assurés sont prometteurs.

Sur quels thèmes vont porter vos travaux de recherche ? Seront-ils limités au périmètre d’activité sur les assurances de personnes du mécène et quel sera le calendrier ?

X.M. : Trois thèmes majeurs ont été arrêtés avec des calendriers différents. Nous ne nous sommes pas limités dans le champ de nos recherches qui porteront aussi bien sur l’IARD que sur les assurances de personnes. Le premier thème de nos travaux se déroulera sur les deux ou trois premières années et portera sur le comportement des assurés et l’apport de l’IA sur la valorisation du client. Au-delà de l’approche purement financière, nos travaux chercheront des pistes pour probabiliser cette valeur et optimiser le parcours et l’expérience clients en fonction d’événements liés au contrat et aux comportements.

A.O. : Ces travaux doivent permettre de fournir davantage de services et d’améliorer l’expérience client pour rendre tangible le contrat d’assurance.

Les portefeuilles de CNP assurances vous sont-ils ouverts pour mener ces travaux ?

X.M. : Il s’agit de travaux universitaires qui seront accessibles à toute la communauté. Il peut arriver que nous soyons amenés à travailler sur certaines données de CNP Assurances en respectant la réglementation en vigueur sur l’utilisation des données. CNP Assurances pourra ainsi si elle le souhaite capitaliser sur nos recherches et ce sera sa décision de mettre en production.

Quels sont les autres thèmes de recherches de DIALog ?

X.M. : Le deuxième thème concerne la discipline actuarielle : il porte sur le cœur de métier de la tarification, du provisionnement et de la gestion des sinistres.

A.O. : C’est un champ très vaste d’optimisation. Bien entendu, l’automatisation porte un risque accru de fraude qu’il faut prendre en compte, mais ces travaux sont prometteurs en termes de satisfaction client et de rapidité de l’indemnisation. Nous devons préserver la mutualisation qui constitue la base du métier d’assureur et nous interroger sur le risque de segmentation à outrance. Mais l’IA peut apporter beaucoup à la modélisation, sachant que les limites des modèles traditionnels sont déjà connues.

X.M. : Enfin, nous allons travailler sur un horizon de long terme sur le thème de la santé et de la vie humaine en lien avec la RSE. Nous allons nous attacher en particulier à modéliser le réchauffement climatique et les impacts de la pollution sur la santé. L’IA doit nous permettre de prendre en compte les signaux faibles et de les modéliser pour anticiper l’évolution à long terme de notre environnement.

A.O. : Ce troisième thème pourrait déboucher sur des suites opérationnelles dans les domaines de la prévention et de la gestion des risques. De façon globale, DIALog permettra de mieux servir le client et de mieux orienter l’offre formulée par l’assureur en tenant compte de l’évolution démographique, y compris la durée de vie au travail et la montée en puissance du risque dépendance.

Quels sont vos objectifs pour DIALog ?

A.O. : Nous souhaitons faire avancer la réflexion sur les applications de l’intelligence artificielle au service de l’assurance et des clients.

X.M. : La conférence d’ouverture aura lieu prochainement. Nous nous sommes fixé des objectifs d’une dizaine de publications scientifiques chaque année et aussi un rendez-vous trimestriel pour rendre accessible et vulgariser nos travaux. Le comité de pilotage doit se réunir à trois reprises tous les ans.

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