Interview de la semaine

« Il y a une volonté de répliquer, voire d’aller plus loin que le régime Cat Nat dans le projet catastrophe sanitaire d’assurance pandémie »

Publié le 22 mai 2020 à 8h00    Mis à jour le 22 mai 2020 à 11h06

Nessim Ben Gharbia

Sébastien Gros, avocat associé au sein du cabinet Hogan Lovells

Nessim Ben Gharbia
Journaliste

L'avocat spécialisé en assurance Sébastien Gros, associé au sein du cabinet Hogan Lovells, dresse les contours du projet de régime d'assurance pandémie.

Un certain nombre d’acteurs politiques et économiques presse les assureurs à indemniser la perte d’exploitation sans dommage, quelle est votre réaction ?

La plupart des polices perte d’exploitation souscrites nécessitent un dommage matériel direct aux biens pour déclencher la couverture. Or, dans la situation actuelle liée à la pandémie du Covid-19, il n’y a pas de tels dommages aux biens. La majorité des polices actuelles ne couvre pas les pertes d’exploitation des PME sans la survenance d'un dommage aux biens. Il existe des polices couvrant la perte d'exploitation sans dommage mais elles sont très rares et peu souscrites.

Le montant des pertes d'exploitation sans dommage liées à la pandémie de Covid-19 est actuellement estimé à 60 Md€, ce qui dépasse le montant des fonds propres de l’intégralité des organismes d'assurance non-vie. Les réserves constituées par les assureurs ont été calculées selon la probabilité de survenance d'un risque prévu par le contrat d'assurance (incendie, inondation, etc.) et demander aux assureurs de dédommager en PE sans dommage reviendrait, au regard du montant évoqué, à éteindre le marché de l’assurance dommage.

Des travaux sont actuellement en cours sur un régime inédit d’« assurance pandémie », quelles pourraient en être les grandes lignes ?

Selon la tendance qui se dessine, le nouveau régime d’« assurance des risques liés à des menaces sanitaires graves » serait inspiré du régime Cat Nat, instauré en 1982, et qui couvre d'une manière obligatoire tous les biens faisant l'objet d'une assurance dommages comme par exemple les automobiles. La principale différence entre le projet proposé pour la couverture des pandémies et le régime des catastrophes naturelles, c'est que ce dernier requiert toujours la survenance d'un dommage matériel direct à un bien causé par une catastrophe naturelle tandis que le régime d'assurance pandémie ne le nécessiterait pas pour couvrir la perte exploitation. Dans ce projet, il y a donc une volonté d’aller plus loin, en couvrant toute interruption d’activité sans existence de dommage matériel.

La garantie d’« assurance pandémie » discutée serait obligatoire mais n’aurait pas un effet rétroactif. Ainsi, la garantie couvrirait tous les contrats d'assurance dommages souscrits au lendemain de la publication de la loi. La garantie serait également applicable aux contrats d'assurance dommages déjà en cours et qui seraient renouvelés après l'entrée en vigueur du texte. C’est un point important, car les assurances dommages sont renouvelées annuellement. Cette nouvelle réglementation s’appliquerait même dans l’hypothèse où le contrat ne prévoit pas expressément la garantie « pandémie » dès lors que la contrat aura été souscrit ou renouvelé après l'entrée en vigueur du texte.

Enfin, cette nouvelle couverture des « pandémies » aura un coût certain. Pour les Cat Nat, le montant de la prime ou cotisation versée pour les assurances dommages comprend un supplément de 6 à 12 % de son montant. Ce coût est supporté par les souscripteurs. On pourrait imaginer les mêmes chiffres pour l’assurance « pandémie », le projet prévoyant un prélèvement ne pouvant dépasser 12 %. Bien entendu, un tel régime ne peut être mis en place qu’avec l’appui d’une réassurance publique couplée à une garantie de l’Etat, tel que c’est le cas sous le régime des catastrophes naturelles.

Des voix se sont élevées en faveur d'un remboursement des primes par les assureurs suite à la baisse de la sinistralité observée en dommages pendant le confinement, que pensez-vous de cette demande ?

C'est une autre approche qui peut être discutée. D'un point de vue strictement légal, il n’est pas obligatoire pour les assureurs de rembourser la prime versée en partie à cause de la baisse de la sinistralité. C'est quelque chose qui peut être envisagé mais qui ne suffira pas aux PME. Si on prend les chiffres : les dommages sont estimés à 60 Md€, et les montants de primes collectées ne sont pas suffisants pour couvrir les dommages subis par les entrepreneurs. Cela les aidera certes, mais il faudra mettre en balance cet effort des assureurs avec ceux que les pouvoirs politiques leur ont demandé de faire (contribution au fonds de solidarité et au plan d'investissement).

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