Interview de la semaine

« Face au marché haussier, les captives permettent de maintenir des couvertures à des prix abordables »

Publié le 24 septembre 2020 à 8h00

Nessim Ben Gharbia

Fabien Graeff, Partner Corporate Risk Services, Optimind, actuaire certifié membre de l’Institut des actuaires et membre de l’Amrae

Nessim Ben Gharbia
journaliste

Partenaire Corporate Risk Services et actuaire, Fabien Graeff analyse l’impact d’un éventuel rapatriement des captives sur le marché français de l’assurance.

Pourquoi l'implantation des captives en France reste-t-elle limitée ?

Avec la Grande-Bretagne, la France est le principal marché utilisant ce type de véhicules en Europe. Les entreprises françaises comptent environ 250 à 300 captives situées principalement au Luxembourg. Environ 80 % des entreprises du CAC 40 détiennent au moins une captive. Leur utilisation et la bonne mise en œuvre de leur gouvernance sont de plus en plus contrôlées. Le problème est que l’utilisation et la mécanique sous-jacente des captives sont souvent mal comprises ou interprétées. Or, cela est indispensable pour promouvoir un domicile juridique et fiscal sereinement. Les captives n’ont pas, par exemple, de capacité de mutualisation comme les assureurs peuvent l’avoir sur un portefeuille d’assurés diversifiés.

On constate que les pays qui accueillent avec succès les captives intègrent souvent un principe de provision d’égalisation globale permettant aux captives de mutualiser les risques sur la durée. La réglementation française n’autorise pas de provision d’égalisation globale et systématique pour une compagnie de type captive. Par exemple, au Luxembourg, pour les compagnies de réassurance, l’ensemble des profits alimentent cette provision qui est uniquement reconnue et taxée dès lors qu'un certain seuil est franchi. En France, ce mécanisme n’existe pas.

Les seules exceptions permises par la législation française pour les provisions d’égalisation concernent certains risques très spécifiques. A titre d’exemple, nous pouvons constituer des provisions d’égalisation sur les risques atomiques, agricoles, de crédit, ou encore à composante systémique. Ces provisions sont très encadrées, et ce n’est pas une provision globale pour tous les risques. La problématique de rapatriement des captives en France est donc moins fiscale que technique.

Les risk managers sont naturellement favorables au rapatriement des captives sur le sol français. Leur requête consiste à bénéficier de conditions réglementaires proches de celles d’autres pays comme le Luxembourg. Dans ce cadre, la mise en place d’une provision d’égalisation en droit français devrait être en discussion avec le Trésor, tout comme quelques autres simplifications administratives.

Quels avantages pourraient tirer les entreprises françaises du rapatriement ?

Le rapatriement règlerait avant tout un problème logistique et pratique. Le fait d’installer une captive dans une autre juridiction nécessite pour l’entreprise d’utiliser une équipe de gestion locale, qui est en contact avec le régulateur, ce qui entraîne des déplacements et des frais supplémentaires, et certainement une perte dans la compréhension et le pilotage de la captive. L’intérêt du rapatriement est d’abord de régler toutes ces contraintes logistiques et d’avoir un contact plus régulier avec le régulateur national. Les problématiques de substance et fiscales seraient bien entendu réglées de fait.

Et pour l'environnement de l'assurance, que changerait un rapatriement des captives ?

Le rapatriement des captives en France aura peu d’impacts directs pour le marché de l’assurance puisque les domiciles actuels restent principalement en Europe et donc dans le marché commun. Le principal avantage serait le rapatriement de l’activité autour des captives (gestion des actifs, gestion des entreprises, actuariat…) et une incitation forte à la création de captives de groupes français en France permettant, de facto, de renforcer les partenariats avec les assureurs.

Quel avenir à moyen terme pour ces véhicules ?

Nous observons un changement drastique du marché de l’assurance ces deux dernières années avec un retournement en cycle haussier dit « hard market ». Aujourd’hui, les assureurs se retirent de certaines lignes, ou baissent les capacités proposées, ce qui conduit à une augmentation des prix. Face à cela, les captives permettent de maintenir des couvertures à des prix abordables.

Nous observons une réelle transformation de la nature des captives. Là où elles étaient considérées comme un outil tactique d’arbitrage budgétaire, elles deviennent un outil stratégique pour couvrir les risques clés de l’entreprise. Les captives s’inscrivent désormais dans une stratégie globale et à long terme de gestion de ces risques.

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