Romain Godefroy, directeur général d’Axeria IARD
Rédacteur en chef
A la tête d’Axeria IARD depuis 2012, Romain Godefroy a repositionné la compagnie et enregistre de très bons résultats. Le petit assureur qui monte entend désormais jouer dans la cour des grands.
Quelle est la genèse d’Axeria IARD?
La société d’origine, basée à Lyon, s’appelait Siara et était le mandataire en France de la compagnie italienne Veneta, membre de Winterthur. Elle a été agréée en tant que compagnie d’assurance en 1992 sous le nom de Rhodia assurances. Elle a fonctionné durant ses premières années un peu comme une mutuelle régionale et a développé une gamme de produits du particulier, ainsi qu’une multirisque professionnelle. Pour financer son développement, la compagnie est progressivement devenue filiale de Winterthur.
C’est lorsque Crédit suisse a décidé de vendre l’assureur helvète qu’en 2004 le groupe April a acquis cette société, et l’a rebaptisée Axeria IARD. Pour le groupe de Bruno Rousset, il s’agissait alors de répliquer en dommages le modèle de sa compagnie Axeria prévoyance : c’est-à-dire favoriser l’innovation en portant les risques des courtiers grossistes April.
Quelle stratégie avez-vous déclinée depuis votre arrivée à la tête de la structure ?
De façon itérative, le modèle d’affaires d’Axeria IARD avait déjà beaucoup évolué quand j’ai pris la direction générale en 2012 car la réplication du modèle de la prévoyance sur l’IARD n’avait pas produit les résultats escomptés.
À mon arrivée, nous avons choisi deux grands axes stratégiques clés: nous spécialiser sur les risques d’entreprise (flotte auto et dommage aux biens et immeubles), et être exclusivement distribués par le biais du courtage direct. En effet, notre structure ne pouvait pas lutter face aux géants sur l’assurance de masse. Nous avons donc délaissé les risques du particulier au profit des risques d’entreprise, là où nous pouvions faire la différence grâce à notre technicité et notre agilité.
En effet, ces clients attendent une grande réactivité, de la technicité et une relation personnalisée. Nous avons considéré que notre taille et nos valeurs nous permettaient de mieux répondre à ces attentes. Pour cela, nous avons d’abord beaucoup investi avec nos 62 collaborateurs pour faire de chacun des techniciens experts et autonomes sur nos métiers, développer des guidelines précis, renforcer nos process et notre système d’information.
Notre stratégie de distribution nous a imposé de prendre une réelle autonomie avec le groupe April même s’il demeure notre unique actionnaire. Il s’agissait de mettre en avant auprès de nos courtiers apporteurs l’indépendance de la compagnie vis-à-vis des activités de courtage de sa maison mère.
Pourquoi cette volonté d’indépendance ?
C’est surtout une nécessité car il faut garantir à nos courtiers que leurs affaires seront traitées de manière équitable et sans conflit d’intérêt. Cette stratégie est partagée puisqu’April, en tant que courtier, a aussi besoin de sécuriser ses partenaires assureurs, et leur garantir qu’Axeria IARD ne prend pas leurs meilleurs risques. Concrètement, alors qu’Axeria IARD a généré jusqu’à près de 70 % de ses primes avec April, nous avons réduit tous les ans cette part, et en 2016 moins de 2 % du chiffre d’affaires a été réalisé avec le groupe. Cette transparence nous a permis de bâtir des relations solides avec les principaux courtiers de la place, comme Gras Savoye, Verspieren, ou Filhet Allard… Sans pour autant devenir dépendant d’aucune de ces majors du courtage.
C’est-à-dire ?
Axeria travaille avec environ 350 courtiers dont dix réalisent plus d’un million de primes. Mais aucun n’apporte une part de l’activité si importante qu’elle pourrait nous mettre en risque.
Quel bilan dressez-vous de la mise en œuvre de cette stratégie depuis votre arrivée ?
En cinq ans, le chiffre d’affaires a augmenté de 267 % pour atteindre 118 M€ en 2016, le résultat net est passé d’une perte en 2011 à un bénéfice de 4,6 M€ en 2016 grâce à un ratio combiné à 90 %. La stratégie est donc validée par les chiffres et Axeria IARD a trouvé son positionnement sur le marché et auprès de ses courtiers. En se focalisant sur les risques de l’entreprise et de spécialités, la société capitalise sur la qualité de ses équipes, sa taille et son agilité. D’ailleurs, la crédibilité d’Axeria IARD et de sa stratégie est maintenant reconnue par les plus grands clients puisque des jumbos comme Total, Bouygues, EDF ou encore PSA font désormais partie de nos clients.
Quelles sont les lignes qui performent le mieux ?
Tous les marchés progressent sur l’exercice. L’activité flotte automobile de 15 %, celle du dommage entreprise, des immeubles et des professionnels de plus de 10 %. Par ailleurs, la forte progression des primes est aussi portée, à hauteur de 20 M€ pour 2016, par un programme affinitaire noué avec le courtier SFAM.
Qu’en est-il de la sinistralité ?
En dépit d’un ratio combiné de très bonne facture, la sinistralité n’était pas absente en 2016. Les inondations de la Seine, notre lancement sur l’assurance-récolte l’année où les intempéries ont battu des records, ou encore un important incendie industriel, se sont conjugués pour dégrader légèrement nos ratios techniques. À titre de comparaison, le ratio combiné s’était arrêté à 82 % en 2014 et 81 % en 2015.
Y a-t-il d’autres particularités du modèle Axeria IARD ?
Notre taille et les risques que nous souscrivons, avec 50 M€ de capacité en dommage, les risques de spécialités (bijouterie, campings, climatique, déconstructeur, aquaculture, etc.) ou le risque auto, avec des flottes de plusieurs milliers de moteurs en portefeuille, nous exposent à une volatilité des résultats techniques et donc in fine des bénéfices. En tant que filiale d’un groupe coté comme courtier, nous devons limiter la volatilité des résultats. Pour ce faire, nous sommes fortement réassurés. En 2015, nous avons cédé 70 M€ de primes à nos réassureurs et 14 M€ de résultats techniques.
Axeria IARD est donc une cédante importante du marché de la réassurance malgré sa taille, et compte un large panel de réassureurs parmi lesquels tous les principaux comme Swiss Re, Munich Re, Hannover Re, ou encore Scor.
Comment se sont déroulés les renouvellements de vos traités ?
Cette campagne était intéressante, nous avons perçu un mouvement assez nouveau de retrait de réassureurs de certains programmes lorsqu’ils jugeaient les conditions inadéquates. Sans parler de retournement, je pense qu’un plancher est aujourd’hui atteint. Pour Axeria IARD, nous avons renouvelé nos traités avec nos réassureurs actuels pour 2017 et 2018, tout en obtenant de nouvelles améliorations. Leur solidité financière reste excellente car plus de 50 % de nos provisions sont cédées auprès de réassureurs notés AA ou plus. Cela s’explique par la relation stratégique de long terme qui dépasse le simple apport de capacité, car les réassureurs nous apportent également de l’aide technique pour nous développer de manière rentable. Cela apporte à Axeria IARD une garantie de stabilité dans sa politique de souscription. La réassurance, que nous achetons sous toutes ses formes, est également mieux valorisée avec le régime de Solvabilité II, notamment la quote-part.
Quelles sont vos ambitions pour l’exercice en cours ?
Nous continuerons à exécuter notre stratégie ambitieuse et nous nous adapterons aux évolutions du marché. J’ai perçu 2016 comme une année pivot avec par exemple la faillite de trois assureurs actifs en France. Ce n’était pas arrivé depuis très longtemps. Mon sentiment est que cela pourrait continuer.
De même, les marchés financiers ont marqué une solide rupture de tendance. Si la hausse des taux obligataires des derniers mois continuait, à 1,10 % début février contre un plus bas pour l’OAT dix ans à 0,08 % en 2016, il pourrait y avoir une retarification du coût du risque, qui est le prix de la matière première de notre industrie. En plus de se tenir prêt en matière de gestion des actifs, cela pourrait être discriminant sur la stratégie des assureurs, qui peuvent avoir des profils de risque très différents selon les acteurs.
De la même façon, la hausse du risque géopolitique entraîne une probabilité de choc accrue sur de nombreuses classes d’actifs déjà jugées chères. Enfin, la réglementation européenne, Solvabilité II ou la directive distribution à venir, a déjà des conséquences sur une compagnie comme Axeria IARD qui ne travaille qu’avec le courtage. Et d’autres effets sont attendus. C’est notre analyse des opportunités créées par cet environnement qui guidera notre stratégie de gestion et de souscription pour 2017 et l’avenir.