Interview de la semaine

« En assurance construction, une partie des sinistres est encore à venir »

Publié le 9 janvier 2020 à 8h00

Nessim Ben Gharbia

Bernard Delas, vice-président de l’ACPR

Nessim Ben Gharbia
journaliste

Suite aux défaillances d'assureurs en libre prestation de services sur la branche construction, Bernard Delas, vice-président de l’ACPR, fait le point sur le sujet et évoque notamment la coopération renforcée entre régulateurs européens (retrouvez l'intégralité de cet entretien dans le n°253 daté janvier 2020 de La Tribune de l'assurance).

Où en sommes-nous par rapport à la problématique de la LPS en assurance décennale ?

Après la série de défaillances d’assureurs étrangers intervenant en LPS sur le marché français de l’assurance construction, la situation s’est stabilisée. Cette crise a révélé de graves dysfonctionnements du système européen de supervision. Des mesures ont été prises. L’EIOPA a fait de ce sujet sensible une de ses priorités et la communication entre le superviseur du pays d’origine de l’assureur et les superviseurs des pays d’accueil s’est fluidifiée. Cependant, des progrès sont encore nécessaires. L’objectif est de prévenir toute nouvelle défaillance. Pour cela, les superviseurs des pays concernés doivent accepter de se fier, même informellement, aux experts du pays d’accueil avant d’autoriser un assureur à exercer dans une activité particulière. C’est ce qui n’a pas fonctionné avec l’assurance construction. La RC décennale est une garantie de long terme qui n'existe sous cette forme dans aucun autre marché européen. Ceci étant dit, pour les assurés français, la crise n’est pas derrière nous. Une partie des sinistres est encore à venir et ils ne pourront malheureusement pas tous être réglés.

Certains acteurs craignent que cela ne se reproduise en RC médicale, quel est votre point de vue ?

La situation est un peu différente en RC médicale. C’est aussi, comme la construction, une branche longue dont la sinistralité dépend beaucoup des législations nationales et des décisions de jurisprudence. Cependant, contrairement à ce que nous avons connu en construction, les assureurs dont nous craignons qu’ils aient mal appréhendé les spécificités du marché français sont plutôt des assureurs d’une certaine taille, en général anglo-saxons. Nous sommes très attentifs à la situation car la RC médicale est une branche difficile et chroniquement déficitaire.

Quels acteurs gardez-vous à l’œil ?

Nous multiplions les réunions avec nos homologues européens. Nous leur expliquons les spécificités du marché français et les incitons à nous consulter avant d’autoriser un assureur à vendre en France des produits relevant de l’une de ces branches sensibles : la construction, la RC médicale ou le risque statutaire des collectivités territoriales notamment. Cette problématique des relations entre autorités de supervision se pose dans les mêmes termes pour les assureurs français. Lorsqu’ils souhaitent intervenir en LPS dans des marchés européens que nous connaissons mal, nous ne donnons notre accord qu’après une étroite concertation avec le superviseur du pays d’accueil car il est le seul à bien connaître le marché local. Il faut enfin préciser que ces dysfonctionnements de la LPS ont surtout été observés dans les risques des particuliers ou de très petites entreprises. Dans les grands risques, la LPS fonctionne bien et apporte un service très apprécié des entreprises clientes. Elle permet en effet à l’assureur de proposer une solution unique d’assurance pour tous les établissements d’un même groupe en Europe.

La concertation et la collaboration entre les régulateurs est-elle valable avec tous les pays ?

Je ne souhaite pas citer tel ou tel pays mais il est exact que la situation de Gibraltar est un peu particulière dans le contexte d’un Brexit dont nous ne connaissons encore ni la date ni les effets.

Vous avez publié en décembre une note incitant les assureurs à peigner leur portefeuille cyber, les assureurs français sont-ils particulièrement exposés ?

Le risque cyber est un défi majeur pour la société tout entière et il est donc normal que le superviseur suive de près la manière dont les assureurs l’appréhendent pour protéger leur propre exploitation, mais aussi pour proposer des couvertures d’assurance à leurs clients. Les garanties cyber sont appelées à se développer mais, s’agissant d’un risque émergent, le marché a encore des difficultés à le cerner et à définir des garanties parfaitement adaptées. Il doit aussi mieux identifier les « garanties silencieuses », c’est-à-dire non explicites, qui sont encore présentes dans certains portefeuilles. Il faudra encore du temps pour que le marché du risque cyber devienne mature, et que la frontière entre ce qui est assurable et ce qui ne l’est pas soit mieux précisée.

Qu’attendez-vous de la révision de Solvabilité II ?

Nous attendons beaucoup de la révision Solvabilité II. Je m’en tiendrai par conséquent aux trois objectifs majeurs de la révision du point de vue du superviseur : simplifier, ne pas défavoriser l’investissement en actions, et élargir les effets du principe de proportionnalité. L’exercice de révision devra en outre respecter une contrainte forte en ne conduisant pas, toutes choses égales par ailleurs, à des exigences de capital accrues.

 

 

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