La validation par le Conseil constitutionnel de la faculté de résiliation annuelle de l’assurance emprunteur ne met pas fin pour autant aux freins précédemment rencontrés par les assurés dans l’exercice de la déliaison et de la substitution. « Depuis le 1er janvier 2018, nous recevons de nombreuses demandes de renégociation dans le cadre de l’amendement Bourquin. Nous constatons que certaines banques pratiquent toujours illégalement les frais de résiliation et tardent à répondre », remarque Astrid Cousin, porte-parole de Magnolia.
Pour mémoire, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) n’a pas, à ce jour, sanctionné d’établissements bancaires. Elle a choisi la pédagogie à travers une recommandation qui vise à mettre fin aux mauvaises pratiques.
Date d’échéance
Les travaux du Comité consultatif du secteur financier (CCSF), suspendus dans l’attente de la décision du Conseil constitutionnel, vont pouvoir reprendre. Ces derniers portaient notamment sur les modalités d’exercice de la résiliation annuelle. L’article L.113-12 du Code des assurances dispose que « l'assuré a le droit de résilier le contrat à l'expiration d'un délai d'un an, en envoyant une lettre recommandée à l'assureur au moins deux mois avant la date d'échéance ». Or, selon Isabelle Tourniaire, responsable des études chez BAO : « A part la date de l’émission de l’offre de prêt, qui n’a aucune valeur juridique dans le cadre de la résiliation annuelle de l’assurance emprunteur, l’assuré n’a bien souvent aucune information sur la date d’échéance de son assurance emprunteur. à défaut pour l’assureur d’avoir spécifié la date d’échéance dans la police d’assurance, l’emprunteur est en droit de résilier son contrat à tout moment en respectant le préavis de deux mois. Si la banque se prévaut d’une date, alors elle se doit de produire le document en attestant. »
Cependant, elle ajoute qu’ « il y a de nombreux assureurs qui ne gèrent plus les dates d’échéance et permettent a fortiori à leurs clients de résilier à tout moment leur assurance emprunteur moyennant un préavis d’un ou deux mois. Cela montre bien que ce n’est qu’une question de volonté des compagnies et des banques ». Le CCSF devrait proposer prochainement, en concertation avec les banques et les courtiers, une date commune. Maël Bernier, responsable de la communication et porte-parole chez Meilleurstaux, indique qu’ « à ce stade, nous avons choisi de communiquer sur la date d’acceptation de l’offre de prêt qui correspond à la date prévue dans le cadre de la loi Hamon et qui pourrait être retenue, à terme, comme date officielle pour la résiliation annuelle ».
Taux de l'usure
Pour Hervé Hatt, président de Finizy, « le vrai problème actuel est le taux de l’usure qui conduit à exclure beaucoup de gens du crédit alors qu’ils sont parfaitement solvables. La formule devrait être revue ». Il arrive en effet que les banques refusent l’assurance externe en arguant du fait que le taux du crédit dépasse le taux de l’usure. La prise en compte de la prime dans le calcul du taux annualisé effectif global (TAEG) peut conduire à dépasser le taux de l’usure alors même que le contrat d’assurance proposé par l’emprunteur présente de bien meilleures garanties que l’assurance de groupe de la banque. Il en va de même dans le cadre d’une prime Aeras.
Autre point, le taux de prime de l’assurance doit-il intégrer le TAEG ? Le professeur Jérôme Kullmann rappelle l’aberration de la position de la Cour de cassation : « Si la prise d’assurance est une condition suspensive de l’octroi du prêt, la prime doit être incluse dans le TAEG, mais si elle est stipulée comme une obligation contractuelle assortie d’une sanction de déchéance du terme du prêt, l’intégration est écartée. »
Selon Isabelle Tourniaire : « L’intégration du coût de l’assurance dans le TAEG n’est pas une bonne idée car l’objectif est de pouvoir comparer le coût d’un crédit et non pas celui des assurances dont les niveaux de garanties ne sont pas forcément les mêmes. Certaines banques truquent le TAEG en intégrant l’assurance qu’elles estiment obligatoire tout en excluant celle qu’elle juge facultative sans pour autant dire à l’assuré laquelle des deux est obligatoire. Toutes les banques s’y sont mises l’année dernière alors que c’était jusque-là la spécialité de deux établissements de crédit. Une banque va jusqu’à intégrer les garanties décès et invalidité dans le TAEG et non l’incapacité de travail alors qu’il est impossible de souscrire cette dernière sans les premières. Les emprunteurs peuvent difficilement aller à la concurrence. » La résiliation annuelle mettra fin à ces pratiques. « Le devoir d’information et de mise en garde qui pèse sur les assureurs alternatifs ainsi que sur les intermédiaires qui proposent une assurance externe peut être lourd à propos de l’équivalence des garanties. Les critères sont si nombreux, entre les exclusions, les délais de carences, les durées, qu’il est difficile aujourd’hui d’analyser l’équivalence des garanties », remarque également Jérôme Kullmann. Les litiges sont nombreux en matière d’assurance emprunteur. La lisibilité des garanties est encore difficile pour les assurés. Le médiateur de l’assurance est régulièrement saisi de réclamations à ce titre.
Dans son dernier rapport, il indique ainsi que « dans un souci de protection des droits de l’assuré, il s’avérerait pertinent de renforcer l’information faite, non seulement lors de la souscription, mais aussi en cours de contrat, en rappelant que la mobilisation de leurs garanties décès, perte totale et irréversible d’autonomie, ou encore incapacité temporaire et totale de travail, est conditionnée à leur âge et/ou à l’absence de mise en retraite (par exemple via la mise en place d’une information rappelant la faculté de résiliation ou l’approche du terme de la garantie) ».
Mutualisation des risques
Face aux difficultés rencontrées, Jérôme Kullmann rappelle le sens de l’histoire : « Lorsqu’on constate que le marché de l’assurance emprunteur ne répond pas aux besoins des assurés alors que cette assurance est socialement très utile et extrêmement répandue, on est sur la bonne voie pour la rendre obligatoire avec des garanties minimales qui assurent la mutualisation des risques, les assureurs restant libres d’offrir de meilleures garanties. »