La condamnation de la seule personne morale Crepa à un blâme et 300 000 € d'amende le 19 juillet par l’ACPR est loin d’épuiser les interrogations sur la santé financière de celle-ci, selon plusieurs sources proches du dossier et selon le rapport du contrôle que La Tribune de l'assurance a pu consulter.
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Dans le landerneau des robes noires, plusieurs sources évoquaient sous couvert d’anonymat le système mis en place par la précédente présidence du conseil d’administration de la Crepa et de certains de ses administrateurs, dénoncé par Le Canard enchaîné dans son édition du 15 juillet 2015. En cause notamment des versements d’indemnités en provenance du fonds de fonctionnement du paritarisme contraires au principe de gratuité des fonctions d’administrateur et la conclusion de conventions contraires à la réglementation. La condamnation à une amende de l’ACPR intervenue le 19 juillet dernier reprend d’ailleurs ces deux points.
La question du remboursement des sommes concernées sera pour sa part tranchée par la justice. Une enquête préliminaire est en cours depuis dix-huit mois à la section financière du parquet de Paris à la suite d’une plainte contre X pour abus de confiance déposée par l'ex-député et avocat Michel Gonelle qui avait été poursuivi en diffamation à ce moment-là par l'ex-présidente de la Crepa, action dont elle a été déboutée.
Interrogé par La Tribune de l'assurance, Matthieu Dulucq, actuel président de la Crepa depuis octobre 2015, assure qu’il proposera aux administrateurs lors du prochain conseil d’administration le 9 septembre que l’institution se porte partie civile et d’engager toutes les actions utiles pour réparer le préjudice subi par la Crepa. Le président pourrait mettre sa démission dans la balance.
Il assure que la condamnation pour un montant de 300 000 € sera financée entièrement sur les réserves et qu’elle ne sera donc pas à la charge des cotisants. Le président, et son directeur général Eric Chancy depuis février 2014, soulignent également les actions correctrices entreprises depuis leur arrivée en matière de gouvernance et l’étroite collaboration avec l’ACPR. Le régulateur souligne d'ailleurs dans sa décision la volonté de coopération de la nouvelle équipe. Matthieu Dulucq assure également que plus aucun administrateur mis en cause pour des versements d'indemnités ne siège actuellement au conseil d’administration.
La faiblesse du provisionnement du régime de retraite supplémentaire
Selon un proche du dossier, « l'existence de la Crepa reposait sur un monopole résultant de la clause de désignation dont elle était bénéficiaire. Aujourd'hui, sa pérennité même se trouve menacée. Ses tarifs en prévoyance sont excessifs et elle pratique un taux d’appel très élevé vis-à-vis des avocats et de leurs salariés. En outre, un contentieux sur la gestion du régime de retraite supplémentaire, que la Crepa avait sous-traité à Humanis, dure depuis des dizaines d’années et a déjà coûté très cher en honoraires. Ce contentieux est relatif au calcul des provisions du régime de retraite de la Crepa ».
L’actuelle direction se veut rassurante et affirme disposer pour l’ensemble de l’IP Crepa de 106 M€ de fonds propres en SI, et d’un taux de couverture de 200 % en SII pour l’année 2015.
Pourtant dans son rapport intitulé Gouvernance et qualité de l'information prudentielle de septembre 2015, l’ACPR écrit : « Dix ans après la mise sous surveillance spéciale, principalement motivée à l’époque par la faiblesse du provisionnement du régime de retraite supplémentaire, la situation de la Crepa apparaît encore très précaire. Les équipes se sont renforcées de compétences comptables et techniques. Toutefois, l’absence de dispositif de contrôle interne et, de façon plus générale, de formalisation des travaux actuariels (…) fragilise la réalisation des calculs actuariels et la fiabilité de leurs résultats. Cela conduit à remettre en cause la qualité des inventaires techniques tant dans le domaine de la prévoyance (…) que dans celui de la retraite supplémentaire. »