Garanties perte d'emploi

Bientôt le chômage pour tous

Publié le 19 juin 2019 à 8h00    Mis à jour le 19 juin 2019 à 16h47

Geneviève Allaire

Si le dossier sur l’indemnisation de la perte d’emploi des travailleurs non salariés par le régime d’assurance chômage n’est pas encore bouclé, il semblerait que la montagne accouche d’une souris. Un boulevard pour les rares assureurs présents sur cette niche ?

Geneviève Allaire
journaliste

àson arrivée à la tête de l’exécutif en 2017, Emmanuel Macron s’est engagé à mettre en place un système de chômage universel destiné à couvrir tous les actifs (salariés, artisans, commerçants indépendants, entrepreneurs, professions libérales et agriculteurs). Où en est le projet de création d’un système de chômage pour les indépendants qui viendrait s’inscrire dans la refonte globale de l’assurance chômage ? L’article 51 de la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » a effectivement étendu l’indemnisation par l’assurance chômage aux travailleurs indépendants à partir de 2019. Un indépendant ne pourra toutefois en bénéficier que sous certaines conditions (jugement de liquidation judiciaire ou de redressement judiciaire à l’encontre de son entreprise et conditions de ressources à remplir par l’intéressé).

A ce stade, le montant qui sera attribué mensuellement n’a pas été arrêté. Le décret attendu au premier trimestre a été repoussé. Faute d’en connaître la teneur, plusieurs sources s’accordent sur une indemnisation forfaitaire qui serait de 800 € par mois sur une durée limitée à un semestre si l’indépendant a été en activité pendant au moins les deux années antérieures et a perçu a minima un revenu de 10 000 € par an sur la période. Soit une réforme nettement moins ambitieuse que celle souhaitée par le président de la République lorsqu’il avait pris ses fonctions. Le nouveau dispositif sera financé par la contribution sociale généralisée (CSG).

« Une chose est sûre : tous les travailleurs non salariés (TNS) ne seront pas concernés par cette réforme. à tout le moins, elle a le mérite de mettre sur la table la question de l’assurance chômage des entrepreneurs », estime Anthony Streicher, président de l’association GSC qui protège chefs et dirigeants d’entreprise en cas de perte d’emploi subie. Pour sa part, Christian Jacq, directeur souscription lignes spécialisées d’Axa France, considère « cette réforme comme une première étape. A priori, vu le faible montant qui serait octroyé aux indépendants ayant perdu leur emploi, leur indemnisation par Pôle emploi n’entraînerait pas de concurrence avec les assureurs positionnés sur ce segment ».

Un marché à 25 M€ de primes

Dans la foulée du projet gouvernemental, l’Inspection générale des finances (IGF) et l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) ont publié en octobre 2017 un rapport sur l’« ouverture de l’assurance chômage aux travailleurs indépendants ». Selon ce document, le marché privé des assurances facultatives contre la perte d’emploi représentait environ 25 M€ de primes en 2016. Il couvre essentiellement deux catégories de population : les dirigeants d’entreprises et les mandataires sociaux et « semble, plus généralement, concerner essentiellement les travailleurs indépendants à forts revenus », indique le rapport. 73 % des travailleurs indépendants considèrent le chômage comme un sujet d’inquiétude mais cette préoccupation est encore plus vivement ressentie par les salariés du privé, 85 % d’entre eux ayant des craintes à cet égard. Le rapport pointe également que « les travailleurs indépendants apparaissent très partagés quant à l’intérêt que pourrait présenter pour eux une assurance chômage ». Y sont listés dix scénarios possibles afin d’organiser le chômage des indépendants, d’un système facultatif comme il existe actuellement à travers le marché privé assorti d’un éventuel soutien public en passant par un régime obligatoire forfaitaire ou un régime délivrant des revenus de remplacement, à l’instar de celui existant pour les salariés.

En 2018, 50 185 entrepreneurs ont perdu leur emploi suite à la liquidation judiciaire de leur entreprise, selon l’observatoire de l’emploi des entrepreneurs réalisé par le spécialiste de l’information sur les entreprises Altares pour GSC. Un nombre quasiment identique à celui de 2017. 35,8 % des entrepreneurs au chômage ont plus de 50 ans, la classe d’âge la plus représentée, les 41 à 50 ans et les 31 à 40 ans comptant respectivement pour 29,5 % et pour 24,8 %. Les gérants de TPE sont les plus touchés par le chômage, 74,8 % des dirigeants au chômage ayant travaillé pour une entreprise de moins de trois salariés tandis que 0,4 % était dans une entreprise de plus de 50 salariés. C’est dans le secteur du bâtiment que la perte d’emploi des dirigeants est la plus fréquente, à 25,3 % d’entre eux. Viennent ensuite le commerce à 23,5 % puis l’hébergement, la restauration et les débits de boissons à 14,5 %. Les activités en relation directe avec le consommateur sont particulièrement exposées. Sur les 3,3 millions de travailleurs indépendants en France, on évalue à seulement 26 500 ceux ayant souscrit une couverture perte d’emploi du dirigeant, soit moins de 1 %. Ce sont plutôt les dirigeants d’entreprise de grande taille qui souscrivent, bien souvent parce qu’un conseil (courtier d’assurances, expert-comptable, etc.) les a mis en garde contre une éventuelle défaillance de leur entreprise. « Les assurances perte d’emploi des dirigeants sont difficiles à vendre parce que les chefs d’entreprise ont souvent du mal à entendre qu’ils peuvent mettre la clé sous la porte et ils sont persuadés qu’ils n’ont pas besoin d’une telle couverture. Jusqu’au jour où les résultats de l’entreprise se détériorent. Ils perçoivent alors l’intérêt d’être couverts mais il est parfois trop tard », explique Christian Jacq. En revanche, les dirigeants d’entreprises de moins de dix salariés sont très rarement assurés. Or, c’est la catégorie la plus vulnérable. Du reste, un grand nombre d’entre eux ignore même qu’il est possible de se protéger contre la perte d’emploi.

Cinq opérateurs pour un micro-marché

Cinq acteurs se partagent le marché de l’assurance perte d’emploi des dirigeants. GSC est une association dont la gestion du régime est assurée par Groupama, assureur apériteur. Axa protège environ 1 400 dirigeants contre la perte d’emploi. Le courtier April et l’Association pour la protection des patrons indépendants (Appi), réassurée par Swiss Life et La Mondiale, sont également présents. Pour GSC, il convient toutefois d’adhérer à une organisation patronale afin de contracter une police. Un nouvel entrant, MADP assurances, vient de lancer son offre (voir encadré ci-dessous). Les garanties des assurances privées sont disponibles en cas de liquidation, cession ou dissolution pour contraintes économiques de l’entreprise à la suite d’une décision du tribunal de commerce ou lorsqu’un dirigeant est révoqué de son mandat de président ou de directeur général, bien souvent après un délai de carence de douze mois après la souscription du contrat. La durée d’indemnisation varie suivant les opérateurs et/ou les contrats. Par exemple, on peut souscrire une indemnisation de douze, dix-huit ou vingt-quatre mois auprès de GSC pour une allocation équivalente à 55 % ou 70 % de la rémunération nette imposable. Les cotisations correspondent à un taux appliqué sur la rémunération professionnelle perçue. Il existe également une garantie spécifique pour les créateurs d’entreprise où cotisations et allocations sont forfaitaires. Axa a renoncé à garantir les créateurs d’entreprise depuis 2012, après plusieurs années de résultats déficitaires sur ce segment. Il est vrai que, parmi les « jeunes pousses », environ la moitié disparaît avant leur cinquième anniversaire.

Anticipation

Pour le portefeuille de GSC, la sinistralité est de 3 % à 4 % par an. « Ce taux est faible parce que les entreprises dont les dirigeants sont assurés contre la perte d’emploi sont celles qui sont le plus accompagnées et elles sont dans l’anticipation », note Anthony Streicher. Un pool d’assureurs (Allianz, Generali, Groupama, SMABTP) porte les risques du régime.

En termes de ratio S/P, les assureurs impliqués et l’association veillent à équilibrer bon niveau de couverture, prix correspondant à la réalité du marché et rémunération satisfaisante des porteurs de risques et de l’association. « Pour autant, les tarifs de ces assurances sont inférieurs aux cotisations d’assurance chômage prélevées par le régime obligatoire sur les paies des salariés », souligne Anthony Streicher. Il déplore que les dirigeants d’entreprise ne soient pas informés davantage de l’existence de ce type de police : « Des entrepreneurs ont investi la totalité de leurs économies dans leur entreprise, notamment celles de moins de trois salariés. En cas de défaillance, s’ils n’ont pas souscrit d’assurance perte d’emploi, ils peuvent se retrouver en grande difficulté jusqu’à ne plus rien avoir. À mon sens, le fait qu’ils ne soient pas informés de l’existence d’une solution que peuvent leur apporter les assureurs privés relève quasiment d’un défaut de conseil ».

Pour l’heure, le système d’indemnisation du chômage que le gouvernement s’apprête à mettre en place pour les indépendants ne devrait pas remettre en cause cette niche d’activité des assureurs privés. « Si les travailleurs indépendants sont indemnisés sur la base d’un forfait et pour un montant limité, la porte restera ouverte pour les assureurs privés qui pourront intervenir en complément », souligne Christian Jacq.

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