Guy Van Hecke, directeur de la réassurance chez Axa Global Re
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Au sortir d’un exercice 2017 pendant lequel Axa a été épargné par les grandes catastrophes naturelles, l’assureur décline sa stratégie et les principaux enjeux à venir en matière de réassurance.
Quelle est la politique de cession/rétention du groupe Axa ?
Il y a plus de quinze ans, Axa a été l’un des premiers acteurs du marché à mutualiser tous les risques du groupe au sein d’une seule et même entité de réassurance (Axa cessions à l’époque). Désormais, toute la réassurance dommages et vie du groupe passe par Axa Global Re.
Progressivement, cette discipline a d’abord permis un achat de réassurance plus efficace. L’ensemble de nos risques est diversifié mais nous nous présentons d’une seule voix devant les réassureurs. Ensuite, cela a permis une homogénéisation des politiques de souscription. Nous avons accès, grâce à ce véhicule, à l’ensemble des portefeuilles des différentes filiales du groupe, avec une connaissance très pointue de leur évolution et de leur performance.
Avez-vous évolué depuis ?
Désormais, nous sommes passés à une mécanique plus sophistiquée et moins systématique dans notre rétrocession. Nous orientons notre rétention en fonction de notre « risk appetite », par branche ou par territoire. Nous sommes par exemple beaucoup plus en rétention sur le risque tempêtes en Europe que sur un péril au Kazakhstan, où nous ne sommes pas forcément les plus attendus.
Nous sommes également plus sophistiqués dans notre optimisation du capital. Du fait de la réglementation, en particulier Solvabilité II, certains risques se diversifient mieux à l’externe, ce qui nous permet aujourd’hui de le rétrocéder davantage qu’il y a cinq ans.
Nous sommes selon les courtiers du marché dans une moyenne haute de rétention, notamment sur le risque tempête, à cause de notre taille importante. Mais nous sommes surtout pragmatiques et agiles en fonction des cycles du marché et nous aurons par exemple tendance à rétrocéder un peu plus dans un marché soft.
Quid de la réassurance proportionnelle ?
Solvabilité II pousse les opérateurs à réfléchir davantage sous l’angle réassurance proportionnelle, car sur le risque de capital il est aujourd’hui possible, et ce quelle que soit la cédante, d’être plus ou moins prudent.
Nous sommes nous-mêmes amenés aujourd’hui à signer des traités en réassurance proportionnelle alors que nous étions moins ouverts à ce mécanisme il y a quelques années, mais cela ne représente qu’une part faible au sein de la réassurance du groupe.
Les ouragans Harvey, Irma et Jose vont-ils réellement impacter les tarifs de la réassurance ?
Ces événements marquent sans doute la fin d’un cycle. Nous observons un souhait des réassureurs d’un redressement des prix, restés faibles depuis plusieurs années. Mais l’erreur serait de croire que le marché va se renverser complètement.
Si la fréquence de ces événements survenus coup sur coup a surpris le marché, ce type de catastrophe et son intensité sont très bien modélisés. Certes, il faut reconstituer les marges, notamment sur le marché américain très impacté, mais il n’y aura pas de révolution. Tous les réassureurs continuent à montrer de l’appétit, mais plus à n’importe quel prix.
Nous avons la chance d’être une cédante qui n’a pas coûté beaucoup aux réassureurs car nous avons peu d’expositionsP&Caux Etats-Unis. Cela nous permet donc d’avoir des discussions sereines sur les tarifs avec nos interlocuteurs.
Faites-vous appel à la réassurance alternative ?
Axa fait appel aux Cat Bonds depuis une dizaine d’années. En 2017, nous en avions deux : un en tempête et un en mortalité. Pour plusieurs raisons, nous avons décidé de ne pas renouveler le Cat Bond de tempête au 1er janvier 2018. D’abord parce que les fonds qui soutiennent ces Cat Bonds se sont grandement professionnalisés, soit en créant eux-mêmes des véhicules de réassurance, soit en s’adossant à d’autres réassureurs qui sont porteurs de risque pour le compte de ces fonds. En tant que rétrocessionnaire relativement modeste, nous considérons que ce travail doit être fait par les réassureurs traditionnels.
Si le coût du transfert de risque entre réassurance traditionnelle et alternative est aujourd’hui relativement similaire, le coût de mise en place d’un Cat Bond reste à la fois élevé et assez lourd juridiquement. De plus, alors que le marché des Cat Bonds continue de montrer son efficacité aux Etats-Unis ou au Japon, sur l’Europe, la capacité traditionnelle est aujourd’hui suffisante.
Toutefois, nous ne sommes pas figés sur notre position, et si le marché alternatif devenait plus compétitif à l'avenir, nous pourrions y faire notre retour.
Y a-t-il selon vous une remise en question du modèle alternatif ?
Ces ouragans ont été un très bon test pour le marché des Cat Bonds qui a très bien fonctionné sans freiner l’appétit des investisseurs sur la zone. La demande est telle sur place qu’il n’y a pas assez de Cat Bonds pour faire face aux capacités disponibles.
Ces événements ont créé un appel d’air, mais si remontée des prix il y a, elle ne va pas durer compte tenu des capacités déjà disponibles et des nouveaux fonds qui viendront rapidement remplacer ceux « collatéralisés » pour payer les sinistres.
Quels sont les profils des réassureurs que vous sollicitez ?
La sécurité financière et la notation sont des éléments déterminants dans notre choix. Quand les ratings sont orientés à la hausse, nous avons tendance à diversifier nos choix mais en gardant en tête le « tail » de la branche que nous plaçons.
Sur le « short tail » (essentiellement sur les risque Cat), nous sommes relativement ouverts et plutôt davantage diversifiés que la moyenne. Il s’agit de la principale cession pour le groupe Axa. Sur le « long tail » en revanche (les risques longs comme le corporel en automobile), nous sommes beaucoup plus concentrés. Sur le « short tail », nous travaillons aujourd’hui avec plusieurs dizaines de réassureurs alors que sur le « long tail », ils se comptent sur les doigts d’une main.
Nous sommes également attentifs à la stratégie de diversification des réassureurs avec qui nous travaillons, et notamment chez ceux qui font de l’assurance directe. Même si nous savons faire la distinction entre les deux activités, nous considérons que ce n’est pas le même métier.
Nos parts de cessions dépendent aussi de la taille des réassureurs et de leurs actifs. Nous surveillons activement la part que nous représentons dans leurs portefeuilles pour ne pas être trop liés à leur sort. Les réassureurs globaux sont mieux diversifiés, alors que les réassureurs locaux ont une expertise très forte sur un marché donné. C’est la fonction risk management du groupe qui nous épaule dans nos choix, de manière quasi quotidienne, notamment dans notre processus de renouvellements.
Pourquoi avoir pris une participation dans Africa Re ?
Axa a toujours eu une présence en Afrique, principalement héritée de l’UAP, mais peu développée ces vingt dernières années. Depuis cinq ans, le groupe a reconsidéré le continent africain dans sa stratégie et décidé de réinvestir dans différents outils sur la zone. Notre participation minoritaire dans Africa Re s’inscrit dans une logique de meilleure connaissance du continent pour y accompagner de nouveaux risques.
Quels sont les prochains grands enjeux réassurance du groupe ?
Il y a d’abord un très beau chantier qui se dessine autour du risque cyber pour lequel le marché n’est pas mûr. Sur ce sujet, nous avons démarré des discussions avec la plupart des réassureurs de la place. Que ce soit en termes d’identification du risque, de pricing, de modélisation ou de maîtrise des engagements dans le monde entier, nous faisons face à des enjeux inconnus auparavant.
Il est impératif que le marché de la réassurance s’organise de manière volontariste sur ce sujet, notamment à propos des problématiques de cumuls. Certains opérateurs sont encore trop timides sur un sujet aux scénarios qui touchent tous les portefeuilles.
Le second enjeu du groupe concerne enfin l’optimisation du capital pour laquelle notre apprentissage des règles de solvabilité nous amène à envisager des solutions nouvelles, comme mélanger les réassurances vie et non vie pour diversifier encore plus le risque.