Interview de la semaine

« Avec le régime catastrophes exceptionnelles, il faut prendre le temps de l’expertise et de la réflexion »

Publié le 25 juin 2020 à 8h00

Nessim Ben Gharbia

Lionel Corre, sous-directeur des assurances à la direction générale du Trésor

Nessim Ben Gharbia
Journaliste

Alors que le premier round de négociations touche à sa fin, avec une remise attendue du rapport fin juin, Lionel Corre, sous-directeur des assurances à la direction générale du Trésor, dresse un premier bilan des discussions avec les professionnels et analyse les enjeux du futur dispositif de couverture des pertes d'exploitation.

La FFA a récemment remis sa contribution sur le régime Catex, des parlementaires travaillent sur le sujet, ne craignez-vous pas un éparpillement des efforts ?

La contribution de la FFA est importante, elle était attendue, mais ça reste une contribution. D’autres acteurs (courtiers, PME, risk managers) ont également exposé leurs visions, et il y a onze propositions de loi qui ont été déposées sur ce sujet. Nous avons la chance au sein de notre commission de travail de canaliser beaucoup de ces contributions, en réunissant les représentants des principales parties prenantes, des experts, ainsi que des parlementaires. Il est normal qu’il y ait beaucoup d’idées et de débats. La problématique est nouvelle et il n’existe pas à ce jour de dispositif, en France comme à l’étranger, qui nous semble y répondre et que nous pourrions étendre ou dupliquer. Nous prévoyons de rendre notre rapport au gouvernement à la fin du mois de juin. Pour autant, cela ne sera pas la fin de l’histoire. Nous allons continuer à travailler et l’étape suivante sera une consultation publique très large cet été sur les pistes qui se dégagent.

Comment concilier l’urgence de garantir les pertes d’exploitation et la nécessité de créer un régime qui tienne sur la durée ?

Il faut que nous prenions le temps de l’expertise et de la réflexion. Nous sommes en train de nous engager sur des décennies. Reprendre un schéma existant pour aller vite, ce ne serait pas satisfaisant, ni d’un point de vue intellectuel, ni surtout au regard de nos objectifs de politique publique et d’intérêt général.

Pourquoi n’avons-nous pas de régime clé en main ? A l’étranger, il n’existe pas de régime associant secteur privé et puissance publique et qui couvre les pertes d’exploitation suite à une pandémie. Au niveau français, les deux régimes souvent cités, Cat Nat et Gareat, n’apparaissent pas directement transposables. En particulier parce que dans les deux cas, il s’agit pour l’essentiel de couvrir des dommages matériels et leurs conséquences, alors que dans la pandémie on recherche une couverture financière permettant de compenser des pertes d’activité. Dans le cas des catastrophes naturelles, à titre d'exemple, nous avons aussi un continuum d’événements climatiques ou sismiques qui permet de répartir les risques entre privé et public, des séries historiques qui permettent de la modélisation, ainsi que des possibilités de mutualisation entre zones géographiques touchées et non touchées, ce qu’on n’a pas du tout dans le cas de la pandémie.

L'élargissement du champ des périls du régime Catex est-il pertinent ?

L’une des clés du succès du régime Cat Nat, c’est qu’il est mis en œuvre régulièrement, c'est un régime vivant. Nous recensons près de 3 000 déclarations d’état de catastrophe naturelle par an. Pour ce qui est des catastrophes sanitaires, nous sommes en train de nous engager sur des décennies pour traiter des crises futures, ce qui nous interroge sur un dispositif qui fonctionne aussi dans des cas de figure autres qu’une pandémie qui, espérons-le, ne se reproduira pas avant de nombreuses années. Car le risque avec un régime qui ne fait que collecter des primes et accumuler des réserves sur des décennies, c’est qu’il soit remis en question avant même de servir. En élargissant le champ des périls, on en fait un outil vivant dont on peut mesurer l’utilité plus régulièrement. Mais ce faisant, on augmente la charge financière et donc le coût pour tout le monde.

Justement, quels coûts auront à supporter les entreprises pour un tel régime ?

En réalité, le coût du dispositif est une résultante des choix qu’on va faire (définition des périls qui seront couverts, montants versés aux entreprises et dans quel cas). Il faut que ce que nous proposions soit à la fois utile et supportable pour les entreprises, sinon cela ne peut pas fonctionner.

Ce qui pose aussi la question du caractère obligatoire ou facultatif du dispositif. Nous sommes agnostiques à ce stade car les deux peuvent se justifier. L’avantage d’un régime obligatoire, c’est un plus grand degré de mutualisation et une absence d’aléa moral. En revanche, il faut que nous, pouvoirs publics, soyons sûrs de l’utilité du dispositif pour créer une charge obligatoire pour les entreprises. Ce n’est pas évident. Nous devons donc envisager d’autres options comme des extensions de garanties plus ou moins souscrites, voire des options totalement facultatives. A ce stade, nous n’avons pas de préférence, c’est une question qui ne sera pas tranchée dans le rapport.

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