L’abandon de laparité fixe euro et franc suisse, intervenu en début d’année, a relancé laquestion des emprunts toxiques contractés par les collectivités publiques. ChristopheGreffet *, président de l’APCET, fait le point au lendemain des électionsdépartementales sur les conséquences de cette décision pour les collectivitéslocales.
Quels sont lesmontants en jeu quand on parle d’emprunts toxiques ?
Beaucoup de chiffres contradictoires circulent. On peut néanmoinsles estimer à au moins 10 Md€, dont un peu moins de la moitié sont assis sur lefranc suisse. Avec la flambée du franc suisse, les taux et frais de cesemprunts sont multipliés jusqu’à quatre fois. Et ce n’est pas fini puisque lesparités évoluent toutes les heures !
Si nous prenons l’exemple de l’Ain, le département a souscrit un emprunt de 8 M€en 2006. Les frais financiers de la dernière échéance, en avril 2014, étaientde 920 000 €. Cette année, ils augmentent d’au moins un million !
Quelle peut-êtrel’issue de ce problème ?
Nous pouvons continuer de payer, rembourser par anticipationou dénoncer ces crédits. La première option impose de payer pendant de trèsnombreuses années des échéances qui ne vont cesser d’augmenter. Pour laseconde, les banques demandent des indemnités parfois équivalentes au montantemprunté, par le simple jeu des cliquets liés à ces variations de change et detaux d’intérêt. Le fonds de soutien de l’Etat est insuffisant : il nedispose que de 1,5 milliard alors qu’il faudrait au moins 3 à 4,5 Md€ ! Etencore, il ne couvre que le quart des sommes à verser aux banques, comme laSFL, qui s’est substituée à Dexia et détient près des trois quarts de cescréances, BNP ou Deutsche Bank. Dans l’Ain, nous cessons de payer les intérêtsd’un emprunt au Crédit agricole. Nous allons aussi déposer une plainte auprèsde la Commission européenne. La loi votée le 2 juillet dernier nous prive dudroit de faire valoir la clause d’absence de taux effectif d’acquisition dansles contrats. C’est une violation du droit européen. D’ailleurs, aucunedécision de justice n’a été prise depuis qu’elle a été votée.
Iriez-vous jusqu’àintenter une class action ?
Ce dispositif n’est pas pertinent. Nous avons demandé auPremier ministre d’inciter les banques à abonder davantage le fonds de soutien.In fine, leur participation à cesauvetage ne dépasserait pas 10 % des besoins si rien n’est fait.
Concrètement,qu’est-ce que ça va changer dans les finances de vos adhérents ?
L’abandon de la parité fixe euro et franc suisse se conjugueà la baisse des dotations gouvernementales et des recettes fiscales. Beaucoupde nos adhérents – notre association a recruté plus d’une centaine de nouveauxmaires après les municipales de 2014 – ont déjà reporté ou annulé desinvestissements. Nous devons assurer des dépenses obligatoires : 45 % denos budgets vont à l’action sociale. Nous ne pouvons pas diminuer cesprestations, mais certaines aides aux associations seront réduites et desactivités supprimées. Voire des emplois.
Que se passerait-ilen cas de défaut de paiement d’une collectivité locale ?
Ce n’est juridiquement pas possible. Les créanciers peuventsaisir le préfet, qui après avis de la Cour régionale des Comptes, ordonneraitleur paiement. S’il constatait une carence de ressources, il pourrait imposerdes annulations ou des réductions de dépenses, et des hausses des impôtslocaux.
* Christophe Greffet était vice-président du conseil généralde l’Ain jusqu’aux dernières élections départementales.