Finance

Assurbanque : la fin d’un modèle ?

Publié le 4 décembre 2019 à 8h00

Marie-Caroline Carrère

2020 verra-t-elle la fin du modèle d’assurbanquier ? Entre Axa qui vend sa filiale dédiée en Belgique et entame en France un plan de transformation d’Axa banque, la cession avortée de Socram à Arkéa, et la société commune d’Orange et Groupama qui ne cesse de recapitaliser son établissement de crédit... L’occasion d’interroger un modèle de moins en moins dans l’air du temps.

Marie-Caroline Carrère
Nessim Ben Gharbia

Ils ne sont plus que quelques survivants à faire de l’assurbanque. En gros, Axa banque, Macif avec son offre Bleu Anis, et Groupama associé à Orange Bank sont les derniers à répondre à l’appel, mais jusqu’à quand ? En 2016, Groupama cédait 65 % des parts de Groupama banque à Orange donnant ainsi naissance à Orange Bank. Selon les derniers résultats publiés, Orange Bank enregistrait des pertes opérationnelles de 115 M€ sur les neuf premiers mois de 2019 qui s’ajoutent aux 262 M€ déjà engloutis en 2017 et 2018. Après trois augmentations de capital successives, de 100 M€ en 2016 et  2017 et 155 M€ en 2018, Orange Bank a encore reçu 100 M€ en février dernier dont 35 M€ ont été apportés par Groupama qui détient 35 % de la banque en ligne. Selon les termes du pacte d’actionnaires, les deux groupes se sont engagés à participer aux augmentations de capital à hauteur de leur quote-part respective jusqu’en 2022. Le projet de rachat de Socram, la banque des assureurs mutualistes niortais dont Macif, a, quant à lui, été abandonné début octobre par Crédit mutuel Arkéa et cherche toujours un repreneur. Covéa avait abandonné le modèle dès 2011 lorsque le groupe s’est retiré de Ma banque. Allianz de son côté se fait discret sur Allianz banque et la recentre sur l’activité patrimoniale.

Confrontés à la montée en puissance des bancassureurs notamment sur l’assurance dommages, « les grands assureurs positionnés sur l’assurance de biens et de responsabilité ont décidé de développer une activité bancaire dans les années 2000. Ils voulaient se différencier des banquiers et installer une relation client dans la durée », explique Maxime Letribot d’Eurogroup.

Une activité coûteuse

Marc-Philippe Juilliard, directeur chezS&PGlobal Ratings, estime que « le modèle n’est pas un succès phénoménal » notamment parce que « les assurbanquiers ne sont pas parvenus à gagner des parts de marché significatives face à la banque de détail ». Pour Valérie Broncard, directrice marketing et de distribution d’Axa banque : « L’assurbanque a beaucoup évolué depuis sa création, mais les fondamentaux sont restés. La distribution de la banque passe par nos agents généraux qui sont des indépendants et ont instauré un excellent climat de confiance avec leurs clients. » Elle poursuit : « L’objectif est de fidéliser le client par la banque. Nous avons démontré que le modèle favorise la rétention, un client d’assurance qui est aussi client d’Axa banque reste plus longtemps. Nous avions commencé par les livrets mais cette stratégie n’est plus possible aujourd’hui avec les taux obligataires négatifs. Nous nous sommes recentrés sur les comptes et les prêts personnels avec des taux compétitifs parce que ces produits de fréquence se couplent bien avec tout ce qui est auto et assurance. »

Des faiblesses commerciales

Les assureurs avaient tout pour réussir en tant que banquiers. Dans les faits, ils « n’ont pas tous la taille (nombre d’agences), ni l’expérience des banques classiques. De fait, il y a un arbitrage à réaliser entre la volonté de satisfaire le plus grand nombre de clients possible, et de l’autre la nécessité d’être rentable », résume Marc-Philippe Juilliard. Et Cyrille Chartier-Kastler, fondateur de Facts & Figures, de spécifier : « Pour concurrencer les banquiers, les assurbanques se sont lancées avec des offres sous tarifées donc structurellement déficitaires. Il a, ainsi, fallu chaque année éponger les pertes parce que les offres n’étaient pas vendues à leurs prix de revient. »

Selon Maxime Letribot, le « besoin de liquidité qu’implique la création d’une nouvelle activité » est également un écueil important. « S’installer sur le secteur bancaire est coûteux ; cela d’autant plus que les Français sont fidèles à leur banquier. Si l’activité de crédit, notamment immobilier, peut les motiver à changer, ces produits d’appel sont consommateurs de fonds propres. Cela nécessite, pour les assureurs qui s’engagent dans cette voie, de mettre beaucoup d’argent sur la table dans la durée. » Sans compter qu’un assuré dommage à affaire avec son agent tous les cinq à sept ans. Si l’activité bancaire permet aux assureurs de générer du trafic et du flux, il est difficile pour ces derniers de recontacter des clients qu’ils voient rarement pour leur proposer autre chose que de l’assurance. L’autre grande difficulté, selon Maxime Letribot, consiste « à installer dans l’esprit du consommateur le fait que l’assureur peut être un banquier. Cela nécessite qu’un grand nombre d’acteurs se mobilisent. C’est le degré d’implication et la communication constante des banquiers qui fait qu’ils sont quasiment tous devenus des assureurs aujourd’hui ». Or, un seul acteur est encore véritablement actif en assurbanque : Axa.

La force du maillage

En réalité, la problématique va bien au-delà, selon Cyrille Chartier-Kastler : « Les réseaux d’assurance ont une faible culture et productivité commerciale. (…) Que ce soit les réseaux d’agents généraux ou bien les mutuelles sans intermédiaire, les réseaux d’assurance ont un handicap de productivité commerciale. » Il note par ailleurs : « Les assureurs ont été dans l’incapacité de vendre des offres bancaires même quand elles étaient attractives pour le tiers final. Quand ils en ont vendu, cela s’est toujours fait avec un fort soutien financier de la part de la compagnie mandante. Le réseau était très bien rémunéré pour le temps passé à vendre de la banque. C’était littéralement du dumping ! » Il reste toutefois une lueur d’espoir pour l’assurbanque. « Une grande partie des banquiers font leurs résultats grâce à l’assurance et non plus sur la banque. Alors que l’on constate un recul du nombre d’agences bancaires, les assureurs, eux, arrivent à maintenir un réseau physique. Le nombre d’agents généraux a même cessé de baisser », analyse Maxime Letribot, alors même que c’est ce réseau physique qui faisait la force des bancassureurs. « Si le modèle de banque de détail que l’on connaît (avec beaucoup d’agences et de conseillers répartis sur le territoire) s’effondre, la force des banquiers pour développer l’assurance disparaît. L’assurance suffira-t-elle à financer le réseau physique des banquiers à l’avenir ? On peut en douter », conclut-il.

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