Jean-Paul Faugère, vice-président de l'ACPR
Journaliste
Vice-président de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) depuis l’été dernier, Jean-Paul Faugère dévoile les objectifs du superviseur pour l'année à venir et dresse un premier bilan de la régulation de l'assurance en 2020 (retrouvez l'intégralité de cet entretien dans le n°265 de février de La Tribune de l'assurance).
Quelles sont les priorités de l’ACPR pour l’exercice 2021 ?
À l’évidence, deux grandes priorités et une série d’enjeux spécifiques s’imposent à l’ACPR pour 2021. D’abord, le suivi des conséquences de la crise sanitaire et du choc économique qui en résulte sur l’assurance. Cela supposera de la part de l’ACPR une surveillance renforcée de la solvabilité des principaux acteurs du secteur. Dans ce cadre, nous serons en liaison avec l’EIOPA qui prévoit une série de stress-tests au niveau européen. Il s’agit d’une action globale, coordonnée, et nous effectuerons des contrôles plus ciblés sur les organismes les plus exposés. Dans ce contexte, le sujet des dividendes qui a déjà été traité en 2020 sera encore sur la table en 2021, même si c’est différemment, au regard de la recommandation des autorités de décembre 2020. La deuxième grande priorité est liée à l’environnement de taux bas, voire négatifs, qui a des répercussions sur l’assurance non-vie comme sur l’assurance vie. À l’évidence, cela pèse sur la solvabilité, avec une tendance à la décroissance des taux de couverture même si leur niveau reste très confortable. À long terme, cette situation interroge la soutenabilité de certains modèles d’affaires, ce qui pourrait amener à des restructurations et à des évolutions du paysage de l’assurance français. L’ACPR est particulièrement attentive à ces évolutions, en particulier en cas de cession de portefeuilles ou d’entités, puisque notre responsabilité d’un point de vue légal est de veiller à l’intérêt des assurés. Ces orientations stratégiques ont été arrêtées par le collège de l’ACPR en décembre 2020, mais nous avons bien conscience que les aléas subsistent pour 2021 et nous nous réservons la possibilité de nous adapter aux circonstances.
Continuez-vous de promouvoir la modération des taux servis ?
L’ACPR recommande depuis des années d’être extrêmement prudent et de lisser dans le temps la rémunération des épargnants. Compte tenu du niveau des taux, les assureurs doivent rester très attentifs. Les épargnants ne peuvent espérer sur les fonds euros une rémunération déconnectée du marché. Les rendements ont baissé, mais les taux d’intérêt ont baissé encore plus, cette évidence s’impose à tous.
S’agissant des UC qui viennent compléter les contrats multisupports, il est fondamental que les épargnants soient avertis de la volatilité des marchés. La part de risque supportée par l’assuré doit être assumée et correspondre à son appétence au risque. S’agissant du PER, là aussi il convient d’expliquer les caractéristiques de l’offre aux épargnants. Je crois que la relance de l’épargne retraite avec la loi Pacte est une bonne chose. La préparation à la retraite est une priorité pour tous, et le démarrage de ce produit montre qu’une fraction de la clientèle l’attendait.
Le devoir de conseil dans le cadre de la vente à distance a continué d’alimenter les contentieux en 2020, faut-il renforcer les contrôles, voire les sanctions ?
Je suis convaincu que les intermédiaires sont très scrupuleux et ont le souci de bien faire sur ce sujet. Il y a certes des manquements qui sont relevés, l’aspect pédagogique que nous promouvons n’a peut-être parfois pas suffi. Mais je suis persuadé que l’avis du CCSF va faire changer les choses : la profession a participé à son élaboration, et le respect des règles est un impératif assimilé. Nous continuerons à être très vigilants, mais je veux croire que les procédures de contrôle et de sanction, aussi bien à notre initiative qu’à celle de la DGCCRF, ont changé les pratiques.
Les sanctions prévues par la loi Naegelen sont extrêmement lourdes, nous avons changé d’échelle sur ce sujet. Au-delà de l’aspect disciplinaire, c’est l’image, la crédibilité et la confiance envers la profession qui sont en jeu. Nous n’avons plus le droit à l’erreur à cet égard, et évidemment nous suivrons la mise en œuvre de l’avis avec attention. Notre pouvoir de contrôle s’étend à tous les acteurs de la chaîne qui interviennent sur le marché français, fussent-ils à distance. Effectivement, certaines pratiques opérées depuis l’étranger sont particulièrement à surveiller mais je crois que ce qui est important c’est que les professionnels procèdent à des contrôles de conformité et maintiennent une procédure d’enregistrement pour qu’il y ait une manière d’auditer précisément les pratiques commerciales.
Quelle conséquence du Brexit sur l’activité des assureurs, notamment pour ceux qui exercent en LPS ? L’ACPR vient d’agréer la compagnie Millenium, comment avez-vous procédé ?
Depuis le 1er janvier 2021, les assureurs installés au Royaume-Uni et à Gibraltar, s’ils n’ont pas de structure dans l’Union européenne, ne peuvent plus exercer et devront gérer leurs contrats en extinction. Toutefois, la plupart des assureurs du Royaume-Uni actifs sur le marché français se sont organisés pour pouvoir continuer d’opérer via une structure implantée au sein de l’UE. Les procédures d’agrément sont très scrupuleuses, et j’observe que l’assureur Millennium est le seul localisé à Gibraltar qui a fait le choix d’un agrément en France. Dans le cadre de la révision de la directive Solvabilité II, une grande attention est portée sur les conditions dans lesquelles les assureurs exercent en LPS, avec l’ambition d’une garantie minimale qui soit acquise au niveau européen. C’est un objectif du gouvernement français que l’ACPR soutient.