Le groupe de protection sociale doit faire face au départ de Mutuelle Humanis familiale de son pôle mutualiste. Une nouvelle défection qui fait tache.
Paritarisme et mutualisme sont-ils compatibles ? Les déboires rencontrés par Humanis amènent légitimement à se poser la question. Le 17 mai dernier, les délégués de Mutuelle Humanis familiale (180 M€ de chiffre d'affaires et 300 000 personnes protégées) ont en effet créé l'événement en votant massivement en assemblée générale le départ du groupe de protection sociale. C'est la troisième fois qu'une mutuelle quitte Humanis, après Toulouse mutualité en 2011 - qui a depuis rejoint le groupe AG2R, réputé, jusqu'ici, moins centralisateur avec ses mutuelles - et, en 2012, GSMC, qui s'est alliée au courtier Henner (lire aussi l'enquête p. 8).
Parmi les paritaires, Humanis semblait pourtant avoir un coup d'avance, avec un pôle mutualiste de 650 M€ de cotisations pour 1 million de personnes protégées, des règles de concurrence bien établies et une feuille de route claire pour structurer son fonctionnement et orchestrer son développement.
Mais Pierre-Marie Hébert, président de Mutuelle Humanis familiale, explique cette décision par plusieurs griefs. Tout d'abord, des économies promises grâce aux synergies qui ne sont pas au rendez-vous. Ensuite, le fait que la centralisation nuit à la qualité de service rendu aux adhérents. Enfin, selon lui, la mutuelle a été « marginalisée au sein des instances du groupe Humanis, en dépit de son poids important ».
Retrouver son indépendance et ses 400 salariés
Reste que la mutuelle doit sa taille, effectivement importante, à... Humanis. Car elle est née le 1er janvier 2013 de la fusion-absorption de deux mutuelles adossées à Aprionis (Radiance Nord-Pas-de-Calais et Radiance Picardie) par la Mutuelle familiale (issue de Vauban Humanis), que présidait déjà Pierre-Marie Hébert.
Malgré une vaste opération de communication orchestrée par Humanis dans différents journaux locaux la veille de l'AG, Mutuelle Humanis familiale a choisi de détricoter ses liens avec le groupe de protection sociale, et de récupérer les salariés qui lui sont affectés (environ 400). Bref, de reprendre son indépendance pour rester présente sur le marché convoité du collectif et, pourquoi pas, de se développer sur des territoires dévolus à d'autres mutuelles d'Humanis, par exemple la Normandie.
Jean-Pierre Menanteau débute avec une épine dans le pied
Pour Humanis, ce départ crée un trou dans un maillage territorial où les mutuelles se voient chacune attribuer un terrain de chasse exclusif sur les segments des clientèles individuelles et des entreprises de moins de 50 salariés. Un fonctionnement propre au pôle mutualiste de l'IP, qui interdit aux mutuelles de se faire concurrence entre elles. Davantage, ce départ sème à nouveau le trouble, en particulier dans les régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie, déjà secouées par l'éviction du directeur général Damien Vandorpe, en janvier dernier.
Surtout, il constitue un épineux cas d'école pour Jean-Pierre Menanteau, DG d'Humanis depuis le mois avril. Il lui faut maintenant gérer la sortie de la mutuelle, orchestrée par son président Pierre-Marie Hébert, alors même que ce dernier est administrateur du groupe avec un mandat du Medef...
Dans la perspective de l'ANI, et alors que les paritaires, en particulier AG2R La Mondiale, se proposent comme partenaires aux mutuelles qui ne veulent plus rester seules mais sans vouloir fusionner, nul doute que la suite du dossier sera étudiée avec grande attention par le reste du marché.