Une sinistralité à la dérive

Publié le 4 février 2014 à 6h00    Mis à jour le 22 octobre 2015 à 12h38

Vincent Bussière

Alors que les défaillances d'entreprises ont atteint un pic l'année dernière, l'exercice 2014 ne se présente pas sous les meilleurs auspices. Et cela en dépit de l'intervention des pouvoirs publics.

Révolution globale ou simple changement dans la continuité ? Les avis sont partagés quant à la convention signée il ya quelques mois entre Bercy, la FFSA, la médiation du crédit et les assureurs crédit que sont Atradius, Axa, Coface, Euler Hermes et Groupama, qui représentent 98 % du marché. Cette convention vise à améliorer les relations entre les assureurs et leurs clients, et particulièrement les PME et ETI. Comme le précise Nicolas Delzant, président du directoire d'Euler Hermes France (lire l'interview ci-contre), cet impératif est né dès les prémices de la crise de 2008. Les conditions économiques ayant engendré des revirements des assureurs crédit dans leur politique de souscription et, donc, des incompréhensions chez les clients.

La convention prévoit ainsi d'informer davantage les sociétés, notamment en cas de révision de leur notation, afin qu'elles puissent anticiper les conséquences d'une dégradation sur leur situation financière et... l'éventuel désengagement de leur assureur. Si certains craignaient un raz de marée de contestations, il n'en est rien pour le moment. Peu de décisions ont fait l'objet de recours ou ont été remises en cause. En fait, les assureurs s'adaptent plutôt bien à cette nouvelle donne. Même si « le secteur reste encore trop dans le curatif, pas assez dans le préventif », regrette pour sa part Jérôme Pezé, le PDG et fondateur de Tinubu Square, société de services aux assureurs crédit.

63 000 faillites

Et si les porteurs de risques répondent plus ou moins présents en termes d'octroi des garanties aux entreprises, il n'en reste pas moins que ces dernières traversent toujours une situation très difficile. En effet, la sinistralité a poursuivi en 2013 sa croissance (+ 3 %) pour atteindre, selon Altares, 63 101 défaillances. Ce qui représente tout de même plus de 269 000 emplois ! Avec des secteurs plus touchés que d'autres, à commencer par la construction, le commerce, le service aux entreprises et la restauration.

« Nous avons vécu la pire année depuis la crise de 2008 et la poussée de 1993 pour le crédit interentreprise », confirme Jérôme Pezé. Et d'après les projections des spécialistes, cette tendance se poursuivra cette année, ou, pour les plus optimistes, ne s'infléchirait que très légèrement. Mais pas au point de faire repasser les faillites sous le chiffre symbolique des des 60 000 défaillances.

Pourtant, les lignes bougent imperceptiblement. Certes, comme l'indique Jérôme Pezé, « jusqu'à maintenant, on observait une hausse parallèle du nombre des défaillances d'entreprises et du montant des passifs en résultant. Aujourd'hui, ces derniers progressent plus vite, signe de l'augmentation de la taille moyenne des entreprises insolvables. Les taux de créances irrécouvrables représentaient en 2013 jusqu'à 3,5 % du chiffre d'affaires des entreprises en France, et dans certains secteurs et certains pays européens, jusqu'à 10 % ». Et alors que l'exercice 2012 avait été marqué par une succession de faillites ou de dépôts de bilan de très grosses structures, 2013 aura vu les sinistres de grande ampleur refluer, hormis quelques dossiers comme ceux du transporteur Mory Ducros et de La Redoute. « Le profil des sinistres redevient plus courant, plus normal : il s'agit non plus de grosses entreprises, mais de TPE ou de PME avec des passifs faibles et donc d'impacts moindres en termes d'emplois détruits. On assiste à un retour à une sinistralité plus habituelle, même si l'ensemble se situe, en nombre, à un niveau élevé », précise Cyril Charbonnel, directeur de Coface Europe de l'Ouest et France.

Moral en berne

Mais les professionnels de l'assurance crédit ne se risquent pas à parler d'une embellie durable... Certes, 2013 a apporté son lot de bonnes surprises, comme un ralentissement maîtrisé de l'économie chinoise et la confirmation d'une reprise solidement engagée aux Etats-Unis, doublée d'une jolie décrue (de 5 %) des défauts de paiement. De plus, les clignotants passent au vert chez nos voisins européens. Mais pas ou peu dans l'Hexagone, où la signalisation semble figée sur l'orange.

Pour 2014, on a du mal à croire à une réelle amélioration. L'économie française évoluerait plutôt dans un scénario de stabilisation. D'autant plus que « pour le moment, les clés du redémarrage des exportations ne se dévoilent pas. Le moral des entrepreneurs n'est pas vraiment remonté », pointe Cyril Charbonnel. Pour Nicolas Delzant, « Si la reprise se confirme en Europe, cela pourrait un peu tirer les exportations françaises, le seul moteur qui continue à progresser. D'où l'importance de surveiller de près les secteurs de l'emballage et des transports qui signaleront en amont un rebond ou une rechute de l'activité. Tout comme les premières indications de chiffre d'affaires de nos clients éclaireront sur le montant des futures primes, puisqu'elles sont indexées sur les facturations encaissées ».

Manque d'audace

Reste à savoir si les entreprises françaises pourront capter cette brise favorable. Jérôme Pezé émet des doutes : « Les PME et les ETI se montrent extrêmement prudentes vis-à-vis de leurs investissements et de leurs marges, et adoptent une gestion de plus en plus étroite de leurs besoins, pour ne pas s'endetter. Ce manque d'audace les prive d'opportunités intéressantes sur les marchés extérieurs, en Europe et dans le reste du monde. D'où une baisse de leur exposition au risque crédit. Cette résilience, cette prudence obèrent un peu leur avenir à moyen terme et leur compétitivité. » Voilà, pour le coup, les entreprises prévenues !

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