Une gestion sous contrainte

Publié le 5 novembre 2013 à 6h00    Mis à jour le 22 octobre 2015 à 12h38

Marianne Lagrange

Même si Solvabilité II fait office d'Arlésienne dans le monde de l'assurance, tout le monde a déjà pris en compte la gestion sous contrainte de ses fonds propres. Tout simplement, car chaque classe d'actif doit être couverte par suffisamment de capital conformément à la réglementation en vigueur (Solvabilité I). Le problème étant que rien n'est encore fixé dans le niveau des fonds propres demandé sous Solvabilité II. Ainsi, par acquit de conscience, le secteur s'est donc adapté en intégrant, dans l'ensemble, le taux maximal de capital demandé, et ce même si la directive n'entrera pas en vigueur avant le 1er janvier 2016.

Quoi qu'il en soit, les assureurs se sont organisés en fonction. Ainsi, à la MACSF, « on suit les différentes étapes et cela implique des adaptations, par rapport à la gestion actions notamment. Mais cela n'a pas fondamentalement modifié notre allocation », souligne Marcel Kahn, son directeur général. De son côté, Vincent Falantin, directeur de la stratégie des investissements d'Allianz France, estime plutôt que « même si nous avons mis en place un modèle interne pour Solvabilité II, la notationS&Pdu groupe contraint également nos investissements ». Dans la pratique, cela demande donc une adaptation des assureurs « qui vont passer d'une gestion d'actifs soumise à des règles de dispersion à une gestion sous contrainte de risque et de consommation en capital. Cela impliquera une diversification des actifs, et surtout un pilotage au plus fin des interactions actif-passif », insiste Denis Bourgeois, associé chez Périclès Actuarial.

La crainte des rachats

Mais le secteur de l'assurance doit faire face aujourd'hui à une contrainte bien plus importante et beaucoup plus réelle que celle liée à Solvabilité II. « Le contexte de taux bas reste mauvais pour les assureurs, car il génère des rendements faibles. La concurrence du livret A face aux fonds en euro est réelle, avec un risque de sortie des porteurs d'assurance vie », explique Mikaël Cohen, directeur des investissements de CNP assurances. Une hausse des taux n'est pas forcément négative pour les assureurs, car elle permet à court terme une augmentation des rendements malgré une dévalorisation des actifs. Mais « le vrai risque réside dans une augmentation des taux brutale et durable qui s'accompagnerait de rachats des assurés, alors que les actifs seraient en moins-value », s'inquiète Mikaël Cohen. D'ailleurs, certains vont augmenter leur poche de trésorerie afin de disposer de fonds en cas de rachat, mais aussi pour pouvoir réinvestir à des niveaux de valorisation des obligations plus bas. Quoi qu'il en soit, les assureurs doivent s'adapter et être plus réactifs face à la recherche de rendements.

Plus tactique, plus flexible

En effet, jusqu'ici, la gestion des assureurs était simple. D'un côté, une poche obligataire de l'ordre de 80 % en général, composée majoritairement de dettes d'Etat à long terme, portée jusqu'à échéance, assurant un coupon régulier. De l'autre côté, une poche de 20 % principalement investie en actions afin d'assurer des revenus. Certes, cette répartition reste d'actualité. Mais à l'intérieur de chaque poche, les arbitrages sont nombreux, demandant une réactivité plus grande de la part des assureurs.

De fait, « la gestion obligataire doit donc devenir plus tactique et plus flexible face à la duration des actifs. Mais les assureurs n'ont pas l'habitude d'une telle gestion, ce qui complique les décisions, estime Sylvain Favre-Gilly, managing director de BlackRock France. Le temps est donc venu pour les assureurs de passer d'un risque de marché à un risque de gérants. » Autrement dit, pour être capable de s'adapter aux conditions de marché, il faut disposer des équipes ou déléguer. Car tous n'ont pas la capacité de gérer activement et à court terme leurs allocations d'actifs, voire d'aller sur des nouvelles classes d'actifs. La délégation reste donc l'une des solutions dans ce nouvel environnement.

La tentation de la délégation

Chez les gros assureurs, 90 % de la gestion est assurée par la société de gestion captive de la compagnie d'assurance, les gérants externes intervenant sur des actifs plus risqués et illiquides. En revanche, les mutuelles de taille plus modeste disposent généralement d'équipes internes capables de gérer les actifs classiques et notamment la dette. Mais la nécessité de rendement leur demande une diversification vers des actifs auxquels elles n'ont pas toujours accès. Ainsi, « les obligations de mise en transparence des OPCVM et la nécessité de mettre en place des outils de pilotage pour gérer au mieux l'adéquation actif/passif pourraient pousser les petites mutuelles à déléguer davantage aux sociétés de gestion », considère Denis Bourgeois. Une nouvelle ère pourrait donc s'ouvrir pour le secteur...

Dépêches

Chargement en cours...

Dans la même rubrique

«Marsh France est en croissance de 10 % sur 2024»

Fabrice Domange, à la tête de Marsh France depuis 2016, revient sur une décennie de transformations...

Panorama 2025 des capacités grands risques

À l'occasion des 32 Rencontres de l'Amrae, qui se tiennent à Deauville du 5 au 7 février, retrouvez...

Anticiper l’inattendu, un impératif stratégique

Dans un monde où les crises s’intensifient et se diversifient – des cyberattaques aux catastrophes...

Voir plus

Chargement en cours...

Chargement…