Une frilosité sélective

Publié le 5 novembre 2013 à 6h00    Mis à jour le 22 octobre 2015 à 12h38

Marianne Lagrange

Longtemps considérés comme des instruments de diversification efficaces dans les portefeuilles des assureurs, les placements alternatifs sont moins à la fête qu'autrefois. A commencer par l'investissement dans les hedge funds. Pour certains assureurs, le scandale Madoff a marqué l'arrêt total de l'investissement dans cette classe d'actifs. Pour d'autres, cette gestion est aujourd'hui trop chère par rapport aux besoins de fonds propres à mettre en face, soit 49 % de l'investissement.

Sortir des hedge funds (ou pas)

Selon Vincent Falantin, directeur de la stratégie des investissements chez Allianz France, « l'objectif est de sortir à terme des hedge funds, car la charge en capital est trop importante par rapport aux rendements espérés », encore réduits par des frais qui peuvent atteindre 200 à 300 points de base. Constat relevé aussi par Mikaël Cohen, directeur des investissements de CNP assurances, qui souligne que « la crise a montré que les hedge funds ne sont pas aussi diversifiants qu'on le pensait. Par ailleurs, depuis 2008, le levier n'est plus aussi facilement finançable, ce qui a encore baissé le rendement final. Nous descendons donc notre allocation à moins de 0,25 % de nos actifs ». Une allocation marginale dans le portefeuille global. Et tout ceci, « sans compter les problématiques de transparisation (détail des positions) des fonds et de coût en fonds propres », continue-t-il.

Ainsi, « les petits assureurs ont certes été échaudés par les hedge funds. Mais les gros reviennent aujourd'hui via des comptes dédiés, ce qui implique une transparence plus importante avec des reporting appropriés », estime Sylvain Favre-Gilly, managing director de BlackRock France. Et de poursuivre : « Cela reste une réponse à la volatilité en Europe et certains l'ont bien compris. » C'est le cas notamment d'Axa qui « revient légèrement sur cette classe d'actifs via des comptes dédiés, en particulier sur les stratégies crédit, même si cette allocation demeure mineure », souligne ainsi Laurent Clamagirand, directeur des investissements du groupe Axa. Autre signe de ce frémissement, La Française AM, qui était un acteur important avant la crise, se remet en ordre de marche sur sa multigestion alternative en rationalisant sa gamme et surtout en baissant de 50 % ses frais de gestion.

Oui au capital investissement... en France !

Le capital investissement, quant à lui, demeure un bon moyen de trouver des rendements réguliers sur une longue période, en adéquation avec les passifs longs. Ainsi, Olivier Désert, directeur général de la Mutuelle de Poitiers assurances, qui investit 2 % de ses actifs dans le capital-risque, relève que « depuis 30 ans, il n'y a pas eu de catastrophe sur ce segment ». En tout cas en France ! Les gros acteurs investissent soit en direct, soit via des fonds, soit en co-investissement. La MACSF, quant à elle, a adopté une autre stratégie en entrant au capital du groupe Tikehau Capital Partners, disposant d'une entité cotée, Salvepar, qui investit dans le non-coté. Mais, généralement, la gestion de cette classe d'actifs est déléguée à des sociétés de gestion, les compétences demandées étant très spécifiques. C'est le cas à la Maif et la CNP, cette dernière disposant tout de même d'un engagement de 3 Md€ sur des fonds de LBO.

L'immobilier, une valeur sûre

Enfin, l'immobilier fait partie des portefeuilles des assureurs depuis la nuit des temps et la période actuelle ne fait pas exception à la règle. Et pour cause, puisque ce segment permet de dégager des rendements réguliers de plus de 5 % par an. Une aubaine dans le paysage actuel où rendement rime avec absent, au moins sur les actifs classiques. Ainsi, bureaux et commerces sont les cibles, à Paris ou en province. Marcel Kahn directeur général de la MACSF, souligne ainsi que « c'est une poche à développer, car c'est ici que l'on trouve du rendement en moyenne de 6 à 7 %. En province, nous avons investi dans des projets d'une vingtaine de millions dans des constructions neuves occupées par des entreprises locataires de premier plan avec des baux de 9 à 15 ans ». Mais cet engouement est loin d'être partagé par tout le monde. Ainsi, si Vincent Falantin estime que le marché parisien reste concurrentiel, il souhaite néanmoins « diversifier son exposition géographique en Europe vers des actifs de bureaux ou des centres commerciaux ». D'autres misent sur le côté environnemental et sociétal de leurs investissements en allant sur « des bâtiments labellisés HQE ou des OPCI (organismes de placement collectif immobilier) résidences seniors et étudiants avec un rendement proche de 5 % en 2012 », comme le souligne Eric Berthoux, directeur délégué de la Maif. Seul hic, les OPCI sont considérés comme des actions dans le cadre de Solvabilité II avec un choc à 39 % alors que l'immobilier direct ne supporte que 25 % de charge en capital. La sécurité liée à la diversification des actifs a donc un prix !

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