Un marché qui aiguise les appétits

Publié le 4 mars 2015 à 6h00    Mis à jour le 22 octobre 2015 à 12h35

Marianne Lagrange


Ah ! les TPE/PME ! Avec un potentiel de plusieurs millions de clients et à l'heure de l'ANI, cette cible - d'ordinaire peu friande d'assurances - attise les convoitises. Et si la marque blanche était la solution pour pénétrer ce marché ?

Dans le tissu industriel français, les TPE et PME sont les plus nombreuses. Elles représentent plus de 95 % des sociétés françaises, soit près de 3,5 millions d'entreprises. Elles concentrent plus de 50 % de l'emploi en France et près de 40 % du chiffre d'affaires. Une manne pour les assureurs, tant en dommages qu'en santé-prévoyance. Mais savoir les approcher se révèle un exercice délicat.

Pour Emmanuel Vallée, directeur développements et projets chez Solly Azar, « l'arrivée de l'ANI devrait redistribuer les cartes pour les assureurs, les besoins se déportant du salarié vers le chef d'entreprise ». Tous les acteurs se mettent donc à regarder ce segment de clientèle, avec plusieurs stratégies possibles pour tenter de la conquérir. Au final, soit les assureurs sont déjà présents sur la santé et vont développer une offre en risque professionnel, soit ils disposent déjà d'une offre multirisque professionnelle et vont la compléter avec d'autres produits. « C'est ce que nous cherchons à faire chez Solly Azar, avec un produit d'appel en multirisque professionnelle dommages », précise-t-il.

Un marché sous-équipé

En assurance de personnes, dirigeants et salariés sont encore peu couverts. Ainsi, 41 % des entreprises disposent d'une couverture santé, 24 % d'une assurance décès et 23 % d'une garantie invalidité. Selon Valentine Studer, directrice assurances de personnes et affinités chez Ace en France, « les dirigeants ont un souci commun : assurer la pérennité de leur entreprise. S'ils travaillent beaucoup, les sujets d'assurance - que ce soit pour eux, pour l'entreprise ou pour leurs salariés - ne sont pas leur préoccupation principale ».

Jusqu'à récemment, les assureurs préféraient plutôt intervenir auprès des grandes entreprises que des TPE/PME, les frais auprès de celles-ci étant trop élevés par rapport aux primes perçues. Les grossistes, eux, sont présents de longue date sur ce marché. « Les TPE/PME se voient proposer des packages "offre santé + prévoyance" créés par les courtiers grossistes, parfois en marque blanche, et distribués par les réseaux de proximité », assure Valentine Studer. Mais, à la croire, ces packages ne sont pas toujours bien adaptés aux besoins de l'entreprise.

La généralisation de la santé à tous les salariés a bouleversé la donne. Même en dommages, le marché change son fusil d'épaule et s'intéresse de plus en plus aux TPE-PME.Alors que jusque-là, seules les assurances obligatoires des TPE suscitaient un peu d'intérêt de la part des porteurs de risques, leurs offres s'élargissent actuellement. Il en va ainsi de la responsabilité civile obligatoire, au taux d'équipement élevé et qui est, peu ou prou, la seule assurance souscrite par les dirigeants sans sourciller. Aujourd'hui, les packages dédiés à cette cible sont légion. D'après Valentine Studer, « les offres adaptées aux besoins des TPE se multiplient avec des produits multiligne permettant d'assurer la pérennité de l'entreprise en cas de coup dur ». Des produits regroupant RC, RCMS et autres garanties de dommages ou de responsabilité. Encore faut-il que ces produits soient abordables sur le plan tarifaire.

La proximité comme vecteur de commercialisation

Sur un marché en pleine mutation, la marque blanche apparaît comme un bon moyen de s'approprier cette nouvelle clientèle. Et les assureurs ou autres intervenants préfèrent externaliser la mise en place de ces produits car, faute de volumes, ils ne peuvent pas rentabiliser l'investissement requis. « C'est sur ces sujets que nous sommes aujourd'hui très consultés via les appels d'offres, souligne encore Emmanuel Vallée. Nous pouvons y répondre en proposant nos produits, cela permet de mutualiser les coûts pour nos partenaires. Mais nous pouvons aussi construire des produits sur mesure, avec un nombre de services importants. »

La marque blanche permet ainsi d'équiper une cible avec des produits développés par un acteur (assureur, courtier grossiste et même réassureur...) au savoir-faire éprouvé. Un modèle de développement prisé par les bancassureurs et la grande distribution. Tous désireux d'avoir une offre d'assurance de bonne facture destinée à leurs clients déjà en portefeuille. Depuis un peu moins longtemps, la marque blanche fait aussi fureur sur internet. Et pour toucher les TPE/PME, le web constitue un canal incontournable.

Pour Valentine Studer, « cette cible est de plus en plus sensible aux services en ligne, que ce soit en amont lors de la recherche d'information ou en aval pour suivre ses dossiers. Mais le face-à-face reste de mise au moment de la souscription ». Le réseau physique reste donc incontournable. « La proximité est très importante pour la vente de ces produits, car les TPE/PME ont des besoins particuliers. Il faut donc une forte présence sur le terrain et instaurer une confiance avec les dirigeants que seul le face-à-face permet », développe Emmanuel Vallée. Et de conclure : « Les courtiers et les agents ont un rôle essentiel à jouer. »

Ainsi, « dans le cadre des produits en marque blanche, la compagnie n'apparaît pas nécessairement comme l'information principale lors de la commercialisation, mais reste fortement présente et un gage de qualité pour le client dans la documentation contractuelle », note encore Ace.

Le partenariat au centre de la réussite en marque blanche

Mais pour que ces marques blanches se développent, nouer des partenariats entre l'assureur qui porte le risque, le gestionnaire et le distributeur du produit, est essentiel. Chez Partner Re, ce segment de clientèle constitue une cible à part entière : « Nous avons constaté que les TPE/PME ont une demande croissante de produits spécialisés qui ne se trouvent généralement pas dans la gamme de produits de l'assureur Iard », souligne Valérie Baucher, directrice France de PartnerRe Wholesale. En effet, les risques sont faibles en termes d'intensité, mais assez élevés en termes de fréquence et, pour les assureurs, le coût de gestion de cette fréquence est prohibitif. Ils ne sont pas tous prêts à investir les ressources nécessaires pour gérer ces "petits contrats".

« Nous avons donc choisi de mettre à disposition de nos partenaires notre expertise tout en leur offrant, à travers des produits RC professionnelle, RC dirigeant, en marque blanche notamment, la capacité d'un acteur de l'assurance noté A + », poursuit Valérie Baucher. D'où la proposition de PartnerRe Wholesale articulée autour d'un partenariat clés en mains pluriannuel qui va de la création de nouveaux produits répondant aux besoins spécifiques des clients jusqu'à l'offre de solutions en ligne. Et d'ajouter : « Nous développons ces partenariats avec les acteurs du monde de l'assurance qui souhaitent pénétrer ou renforcer leurs offres TPE/PME en France, en Europe, ou ailleurs dans le monde. » Un moyen pour Partner Re de mettre à disposition sa dimension internationale, son savoir-faire et son assise financière, tout en visant le plus grand nombre jusqu'aux plus petites entreprises.

Pour les assureurs, ces partenariats en marque blanche permettent d'atteindre une clientèle qu'ils connaissent déjà mais pour laquelle ils n'ont pas d'offre adéquate. Ce sont aussi des acteurs qui veulent se développer sur les TPE, mais sans porter le risque ; l'objectif étant alors de "tester" leur présence sur cette cible. Un modèle de développement largement usité par les bancassureurs en dommages lorsqu'ils se sont lancés dans les années 1990 sur le marché des particuliers. C'est aujourd'hui un modèle repris notamment par les mutuelles santé prévoyance pour se diversifier vers le dommages, ou toujours utilisé par les bancassureurs pour se développer sur les TPE, quand ils n'ont pas le produit ni même la volonté ou les moyens techniques de le concevoir.

Un marché en devenir ?

Chez April, le principe de la marque blanche est bien connu puisque la société s'est notamment développée sur cette base. Et pour Philippe Maire, directeur général de Cetim, la filiale d'April dédiée à la gestion pour compte, « nous proposons de la délégation de gestion sur mesure en assurance collective santé et prévoyance. Et notre conviction est que la marque blanche ne pourra que se développer avec l'ANI au regard des 4 millions de personnes non encore couvertes en collectif ». L'ANI, qui rentrera en vigueur le 1er janvier 2016, fait déjà l'objet de grandes manœuvres chez les acteurs puisqu'à compter de cette date, toutes les entreprises seront obligées de proposer une couverture collective à leurs salariés. Cetim est d'ailleurs sur le pied de guerre pour en profiter.

Là encore, la marque blanche démontre tout son intérêt. « Les outils nécessaires à la gestion des remboursements et l'efficience des processus nécessitent un effet d'échelle que certains porteurs de risques pris individuellement n'ont pas. Ces derniers cherchent donc naturellement à s'adosser à des gestionnaires disposant déjà des équipes et des effets d'échelles souhaités », explique Philippe Maire.

Dans la pratique, chaque entreprise définit son niveau de risque et de remboursement voulu, le contrat est alors taillé sur mesure. Le distributeur du produit en confie la gestion au délégataire. « Par ce biais, nous répondons aux demandes des assureurs et mutuelles qui veulent faire des contrats à leurs couleurs et se concentrer sur le développement de leur activité en s'appuyant sur des partenaires experts de la gestion », précise Philippe Maire. Un moyen pour les assureurs de couvrir la cible sans porter la totalité des investissements requis ni même le risque.

Au final, combien cela coûte-t-il ? Secret défense ! Chez Cetim, « chaque partenariat est spécifique et le modèle financier est défini au cas par cas » quand chez Ace, « chaque partenariat est différent, le rôle et la rémunération de chacun variant selon le produit et le mode de distribution », détaille Valentine Studer. Du côté de Solly Azar, « en règle générale, nous recevons une commission de gestion de la part des assureurs partenaires. Si le partenaire n'est pas un assureur, nous proposons la mise en place d'un appel d'offres afin d'obtenir les meilleures conditions en termes de garanties et tarifs », prévient Emmanuel Vallée.

" Nous proposons de la délégation de gestion sur mesure en assurance collective santé et prévoyance. Et la marque blanche ne pourra que se développer avec l'ANI au regard des 4 millions de personnes non encore couvertes en collectif. "

Philippe Maire

Cetim

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