« Trois grands dossiers structurants pour l'assurance en 2011 »

Publié le 1 février 2011 à 6h00    Mis à jour le 22 octobre 2015 à 12h40

Angela Enriquez


Dépendance, réforme de la fiscalité du patrimoine et Solvabilité II. Voici les axes autour desquels la profession va se mobiliser au cours du premier semestre. Ceci dans un environnement économique difficile, peu favorable à l'assurance vie, et marqué par la hausse de la sinistralité en dommages.

Quels sont les enjeux de 2011 pour l'assurance française ?

C'est une année de défis pour l'assurance. Trois grands dossiers, qui seront débattus au cours du premier semestre, vont être extrêmement structurants pour l'avenir de notre industrie, à savoir la dépendance, la réforme de la fiscalité du patrimoine et Solvabilité II. Il s'agira pour nous d'être au cœur du dialogue avec les pouvoirs publics français et européens.

Quelle est votre position sur la dépendance ?

2011 est l'année du vaste débat national, lancé en décembre dernier par Nicolas Sarkozy. Quatre groupes de travail, mis en place par le gouvernement, ainsi que 26 débats en régions organisés à partir d'avril, mettront à plat l'ensemble des sujets concernant les personnes dépendantes. Le débat portera, bien au-delà de la problématique du financement, sur la démographie, les besoins, l'offre de services, etc. Des premières mesures devraient être intégrées dans le PLFSS 2012. Dans ce contexte, nous nous attacherons à rappeler la légitimité de l'assurance à intervenir dans le débat sur la prise en charge de la perte d'autonomie, nos trente ans d'expérience dans la gestion de ce risque de long terme, et la très bonne adéquation entre la nature de ce risque et les techniques assurantielles. Nous veillons actuellement à être associés aux différents groupes de travail en cours de constitution. Il est clair que ce vaste débat va mobiliser beaucoup d'énergies au sein de la profession.

Craignez-vous la réforme de la fiscalité du patrimoine ? Serait-elle de nature à changer la donne de l'assurance vie ?

Les menaces récurrentes qui pèsent sur la fiscalité de l'assurance vie nous semblent particulièrement préoccupantes. En effet, nous nous situons dans une configuration de baisse des rendements des supports en euros, alors que les taux des placements de court terme amorcent une remontée. Le taux du livret A passe ainsi à 2 % à compter du 1er février. Un nouvel alourdissement de la fiscalité de l'assurance vie aggraverait encore la situation. Rappelons en outre que certains avantages des contrats multisupport viennent d'être rabotés, avec l'instauration de prélèvements sociaux sur les capitaux décès en 2010, et leur prélèvement au fil de l'eau sur le compartiment en euros à partir de cette année. Aujourd'hui, les incitations liées à l'assurance vie "coûtent" seulement 1 Md€ aux finances publiques, alors qu'elles permettent de stabiliser 1 350 Md€ d'encours, essentiels pour le financement des entreprises et de la dette publique. Ne touchons surtout pas à cette richesse pour l'économie française, celle de l'épargne longue !

Quel serait l'enjeu financier d'un alourdissement de la fiscalité vie ?

Les recettes fiscales liées à une augmentation des prélèvements libératoires seraient très faibles, quelques dizaines de millions d'euros tout au plus. Alors que le danger de déstabiliser le premier support de l'épargne longue est réel et qu'une telle déstabilisation serait désastreuse pour notre économie.

Comment appréciez-vous la finalisation de la directive Solvabilité II, à l'aune des résultats du QIS5 ?

Il est clair que la situation a bien évolué par rapport à fin 2009. Les spécifications du QIS5 sont beaucoup plus raisonnables, et ne requièrent pas de besoins de recapitalisation pour l'industrie, contrairement aux paramétrages initialement proposés par le Ceiops. La mobilisation de l'assurance européenne en 2010, à l'occasion de laquelle nous avons expliqué qu'il ne fallait pas se tromper dans les besoins de fonds propres des assureurs et que l'hyper prudence aurait un hyper coût, a fini par porter ses fruits. Désormais nous sommes dans la dernière ligne droite de la finalisation de la directive, avec l'adoption définitive des mesures d'application par la Commission européenne en juin 2011. Les quelques mois qui restent doivent être mis à profit pour faire encore évoluer le dispositif dans un certain nombre de domaines, où des améliorations sont encore nécessaires.

Quel bilan tirez-vous de l'exercice 2010 pour l'assurance française ?

Le secteur de l'assurance a, une fois de plus, démontré toute sa solidité malgré un environnement particulièrement compliqué. D'une part, l'environnement financier était peu porteur. Le marché boursier est en effet resté peu favorable avec une baisse du CAC 40 de 3,3 % sur 2010, et les taux d'intérêt ont été globalement bas. D'autre part, la sinistralité en assurance de biens et de responsabilité reste à un niveau très élevé, en hausse encore de 1 à 2 %, après un exercice 2009 déjà marqué par une augmentation de la charge des sinistres de 12 %. 2010 confirme donc une vraie rupture avec les années précédentes, marquées par une sinistralité plus faible et assez stable. Cette dégradation structurelle, avec un ratio combiné qui reste élevé, pèse négativement sur la rentabilité des assureurs. C'est la raison pour laquelle ils sont contraints de mener des ajustements tarifaires.

Christine Lagarde a pourtant émis certaines réserves sur la légitimité des hausses de tarif...

Cette prise de position a surpris la profession. Elle démontre qu'il est nécessaire de faire preuve de pédagogie, de combattre les idées reçues et de montrer à nos différents interlocuteurs, preuves factuelles et statistiques à l'appui, la réalité de notre profession. La réalité, c'est que nos activités sont soumises à une très forte concurrence entre les acteurs. Or, il est impensable d'appliquer des majorations injustifiées dans un environnement où la pression concurrentielle est très élevée, comme c'est le cas en assurance automobile et habitation. Pour rappel, lorsque la sinistralité était plus clémente sur ces branches, les assureurs, toutes familles confondues, ont baissé leurs tarifs.

Face à la dérive de la sinistralité d'origine climatique, la réforme du régime des catastrophes naturelles redevient-elle une priorité ?

Le constat que nous faisons est que la fréquence ainsi que l'intensité des événements climatiques est en constante augmentation. Après Klaus en 2009, Xynthia a coûté, l'année dernière, près de 1,5 Md€ aux assureurs, et les inondations du Var plus de 600 M€. A cela s'ajoutent d'autres sinistres de plus faible ampleur. Il devient par conséquent indispensable de repenser les politiques de prévention. La réforme du régime "Cat Nat", même si elle était inscrite à l'agenda législatif 2011, ne pourrait régler, à elle seule, tous les problèmes.

Quelle évolution pour l'assurance vie ?

Les cotisations de la branche vie/capitalisation ont augmenté, en 2010, de 6 % par rapport à 2009 (fin novembre). Nous constatons que la part des fonds euros se situe à un niveau très élevé puisqu'ils ont capté l'année dernière près de 87 % de la collecte. A noter également que les prestations sont en hausse de 8 %, avec une très nette accélération sur les quatre derniers mois de l'année. Toutefois, nous ne voyons pas dans ce phénomène de rachat une quelconque défiance vis-à-vis de l'assurance vie, qui s'affirme, année après année, comme le produit d'épargne préféré des Français. Elle demeure en effet la valeur refuge par excellence dans un environnement financier encore très chahuté.

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