L'éviction de l'éphémère directeur général du n° 1 français du courtage, Patrick Werner, et son remplacement par un inconnu du sérail, François Varagne, ne lassent pas d'étonner le marché.
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Un mois après les faits, l'inquiétude reste vive chez les salariés de Gras Savoye. Des interrogations d'autant plus légitimes que l'indéboulonnable leader hexagonal du courtage traverse une passe délicate. Avec une grande première dans l'histoire du groupe : la contraction de son chiffre d'affaires (- 1,5 % en 2011 à 555,4 M€).
Certes, l'éviction de Patrick Werner et l'arrivée surprise de François Varagne, ex-PDG d'Antargaz, cristallisent l'attention. Mais le gros challenge de Gras Savoye est bien le remboursement de la dette (150 M€), contractée à l'occasion d'un LBO en 2009 et de l'entrée au capital du fonds d'investissement Astorg, remboursement qui doit intervenir d'ici 2015.
Le tout dans un contexte économique délétère pour le grand courtage en général et pour Gras Savoye en particulier. Ainsi, pour 2012, le groupe part avec un handicap sérieux suite à la sortie de son périmètre de l'activité de courtage de réassurance de Willis Gras Savoye Ré. L'internalisation par la Société générale de la gestion de ses assurances moyens de paiement, jusque-là déléguée à Gras Savoye, pèsera lourd également. Dès lors, l'activité internationale fait figure de dernier relais de croissance pour Gras Savoye (23 % du CA total). Même les régions, traditionnel point fort du courtier, pâtissent de quelques départs.
Actionnaires sourcilleux
Outre ces difficultés conjoncturelles, le débarquement du DG ressemble à s'y méprendre à la situation vécue, successivement, par Marsh France à l'orée de la décennie 2000 et par Aon France plus récemment. Les points communs entre les situations sont nombreux. Mêmes méthodes expéditives de révocation de la part d'actionnaires anglo-saxons peu soucieux de faire dans la dentelle. Même tendance à confier les rênes à des dirigeants issus de la banque ou de la distribution de produits de masse pour les particuliers. Et peu ou prou étrangers aux particularités du modèle du courtage où les affaires se nouent avant tout par les hommes...
La version officielle de Gras Savoye mentionne les difficultés de communication du DG Patrick Werner avec le trio d'actionnaires du groupe. Elle est confirmée ici ou là par les observateurs, qui évoquent des tensions entre le patron de Willis, Joe Plumeri, et Patrick Werner, à propos du budget 2012. Mais est-ce une raison suffisante pour évincer un DG qui, arrivé en septembre 2011, n'aura même pas eu le temps d'obtenir ne serait-ce que les premiers résultats de sa stratégie ?