Pourquoi le comparateur de Google a échoué

Publié le 2 janvier 2014 à 6h00    Mis à jour le 22 octobre 2015 à 12h38

Emmanuel Mayega

Google réussit généralement ses coups. A commencer par la vente de liens sponsorisés, qui assure au moteur de recherche une rente fort lucrative. Et même sur des terrains plus inattendus, comme celui de la prévision des épidémies de grippe, il a montré son savoir-faire (lire p. 47). Son arrivée sur le marché français de la comparaison auto devait révolutionner le secteur. Mais la France n'est pas le Royaume-Uni.

Outre-Manche, où la comparaison made in Google a réussi à percer, l'assurance de masse est marquée par une très forte volatilité des affaires, du fait notamment d'une absence de tacite reconduction. Ici, la loi Hamon n'est pas encore promulguée... Et l'assurance du particulier entretient sa singularité, qui, de fait, a eu raison de la (non) stratégie de Google.

Lourdeurs françaises

Annoncé depuis longtemps, l'opérateur est pourtant arrivé sans crier gare, via sa société BeatThatQuote.com. Avec un nombre limité de partenaires assureurs et surtout des marques pas toujours très connues. Impréparation ? Erreur d'estimation ? Selon Guillaume Rovère, cofondateur d'AssurDeal.pro, « Google n'a pas réellement pris la mesure des lourdeurs du marché français, qui est loin d'être mature comparé à celui du Royaume-Uni, par exemple. L'auto ne décolle pas sur les comparateurs, qui peinent généralement à atteindre le seuil de rentabilité ; quant à la santé, elle va s'étioler tranquillement du fait de l'avènement de l'ANI ». Serait-ce, par ailleurs, ce dernier point qui a poussé Hyperassur à passer sous pavillon Comparadise ? C'est en tout cas le point de vue de Simon Febvre, directeur marketing du courtier comparateur Add Value assurances. Et d'aller plus loin : « Le fait pour Google d'entrer directement sur le marché français avec un modèle payant n'a pas facilité son avancée sachant que l'une de ses finalités est d'engranger de la donnée exploitable à des fins de big data. »

La loi du mot-clé

En clair, les raisons économiques ont lourdement pesé dans le choix de Google de se retirer du marché. Une thèse également étayée par Guillaume Rovère : « En entrant sur le marché des comparateurs en France, le géant américain, qui engrange 35 % de ses revenus à travers la vente de mots-clés, notamment aux assureurs, peut-il légitiment se faire payer une deuxième fois, par les mêmes porteurs de risques, sur la transformation du business associé ? Au prix du mot-clé, qui a flambé ces derniers temps pour dépasser les 20 € par clic, il me semble qu'il y a un réel problème de positionnement, que Google a probablement découvert sur le terrain. » Autrement dit, le moteur de recherche avait tout intérêt à continuer à miser sur la vente des mots-clés, pour laquelle le retour sur investissement est bien plus important que sur un service de comparaison.

Faible attractivité

Pour Gaël Duval, manager de jechange.fr, « inutile de chercher trop loin, car le moteur de recherche aura été trop vite en besogne en estimant que la logique de marque et un formulaire auraient suffi à ramener le marché à sa faveur. Le nombre d'offres comparées était trop limité ; l'investissement marketing consenti en amont plutôt dérisoire. Que dire du manque d'attractivité de sa plate-forme qui ne proposait aucun contenu éditorial ? Sans oublier les relations avec les partenaires pas toujours au beau fixe pendant ces trois mois ».

En somme, pour beaucoup de spécialiste de l'e-assurance, Google a multiplié les erreurs qui ont précipité sa chute. Mais « il faut reconnaître à ces Américains l'agilité qui les pousse à sortir du marché dès que leur positionnement n'est pas en phase avec l'environnement », tempère Guillaume Rovère. Quitte à revenir plus violemment se tailler la part du lion après que les acteurs en mauvais état ont rendu l'âme sur un marché qui ne décolle pas ? Rien n'est exclu...

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