Loi Eckert

« O’connor » : l’anti-déshérence d’Axa France

Publié le 13 mai 2016 à 8h00    Mis à jour le 13 mai 2016 à 9h36

Thierry Gouby

Visite chez Axa France où la cellule O’Connor s’active pour retrouver les bénéficiaires des contrats d’assurance vie non réglés.

Thierry Gouby
Chef de rubrique

Mises très sérieusement sous pression par le régulateur depuis plus d’un an au sujet des contrats d’assurance vie en déshérence, les compagnies doivent faire face depuis le 1er janvier 2016 à de nouvelles dispositions prévues par la « loi Eckert ». Nombre d’assureurs s’activent depuis dans la recherche des bénéficiaires des contrats non réglés en portefeuille. Axa France a déployé il y un an un programme dédié baptisé « O’Connor » pour « Objectif contrats non réglés ».

Car l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ne plaisante pas lorsqu’il s’agit des contrats d’assurance vie non réclamés : depuis avril 2014, déjà quatre enseignes (Cardif, CNP, Allianz et Groupama Gan vie) ont été sanctionnées par le gendarme du secteur et ont dû payer plus de 100 M€ d’amendes cumulées pour non-respect des règles relatives à la recherche des bénéficiaires. « Axa France s’est engagé dans une série de transformations liées à la nouvelle donne réglementaire. Au même titre que le digital, cela doit être une opportunité pour transformer l’expérience client et mobiliser toute une série de compétences opérationnelles et juridiques », explique Julien Steimer, alors secrétaire général d'Axa France et désormais directeur général de la région Sud-Ouest de l’assureur.

« Le programme O’Connor fait partie intégrante de cette transformation, tout comme des projets lancés pour mieux recueillir les données clients en épargne, permettant à Axa d’exercer son devoir de conseil et ses obligations dans la lutte contre le blanchiment. Sur le sujet des contrats en déshérence, le régulateur demande de formaliser davantage nos actions avec plus de transparence. Il y a une obligation de résultats demandée par l’ACPR et pas une obligation de moyens mis en œuvre », poursuit-il. C’est à Nanterre, au milieu des bâtiments d’Axa France, que se trouve le cœur du réacteur.

L’assureur y a mobilisé ses équipes de recherche et utilise beaucoup de moyens (Internet, appels sortants, courriers, enquêtes de voisinage, etc.) pour retrouver quelques centaines de bénéficiaires. Axa a mis en place un plan média expérimental (dans le Sud-Est et le Nord-Pas-de-Calais) pour tenter de faire réagir les gens. Même les agents et commerciaux du groupe ont été mobilisés pour tenter, avec la data dont ils disposent, de fiabiliser ces données. Axa a également noué une quinzaine de partenariats avec des généalogistes et des enquêteurs pour compléter son travail de recherche. L’assureur a exploité ses archives papiers stockées sur le site historique de Soissons (Aisne). « O’Connor mobilise presque tous les métiers de l’entreprise : conformité, actuaires, opérationnel, services clients, commerciaux, agents généraux… Jusqu’à 500 personnes ont été mobilisées sur le projet. Aujourd’hui, les équipes sont constituées de 250 à 300 personnes », précise Julien Steimer.

Clause bénéficiaire

Au milieu d’un immense open space, la machine O’Connor ne s’arrête presque jamais et les petites mains du programme traitent dossier sur dossier. « Afin de rechercher le(s) bénéficiaire(s) d’un contrat d’assurance vie non réglé, nous formons nos collaborateurs à différentes techniques de recherches [voir ci-dessous] », explique Jean-Yves Calvo, responsable du programme O’Connor. « Une de nos difficultés vient de la clause bénéficiaire des contrats, notamment ceux souscrits avant les années 80, la formulation étant moins précise ou incomplète. Les documents papiers étaient moins détaillés qu’aujourd’hui. Les clauses nominatives, avec noms et prénoms des bénéficiaires, nous aident davantage. »

Entre les clauses standard, les clauses guidées ou les clauses nominatives, les équipes d’O’Connor doivent également composer avec de vieux contrats datant du début du siècle et souscrits auprès de compagnies, disparues ou rachetées depuis par d’autres enseignes. « Lors des recherches, nous essayons d’abord d’avoir des informations sur les conjoints, les enfants nés ou à naître, le plus en amont possible, ou à savoir si les familles ont été décomposées. Pour consulter le répertoire national d’identification des personnes physiques par exemple, il faut avoir des données de naissance à jour. Disposer du nom de naissance pour les femmes est donc très structurant. Si nous retrouvons un bénéficiaire décédé, nous cherchons alors ses héritiers, précise ensuite Jean-Yves Calvo. Il faut savoir que la plupart des contrats non réglés concernent des petits montants [le montant médian réglé est de 300 € chez Axa, NDLR]. Pour les sommes plus importantes, les contrats ont été plus souvent mis à jour et rédigés avec plus de minutie. »

Alors que la Cour des comptes estime entre 3 et 5 Md€ le montant des contrats non réclamés en France, l’ACPR devrait très prochainement rendre un nouveau rapport sur le sujet avec un volume et un montant actualisé. De son côté, Axa a fait auditer de manière indépendante son programme O’Connor pour présenter sa façon de travailler à l’autorité de contrôle. « Nous avons aujourd’hui retrouvé 90 % des bénéficiaires des contrats en déshérence dans nos portefeuilles. Il nous reste encore quelques milliers de contrats à régler. Le programme sera donc poursuivi et achevé en 2016. Nous voulons qu’il y ait de moins en moins de contrats non réglés à l’avenir et nous intégrons d’ores et déjà cette préoccupation dans le quotidien de nos équipes. Par mesure de prévention, nous travaillons de plus en plus sur des clauses « standard » pour guider au mieux les souscripteurs de contrats d’assurance vie et nous travaillons davantage au sein de la profession de manière mutualisée, entre compagnies », conclut Julien Steimer.

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