Elu "assureur de l'année" par le Club des assureurs, Eric Lombard revient sur les difficultés du secteur vie et détaille sa stratégie pour y faire face. Il expose également ses ambitions sur la branche santé et dommages, en France comme à l'international.
Après un exercice 2011 difficile, comment se portent vos activités d'assurance vie depuis le début de l'année ?
Après un premier semestre 2011 plutôt favorable, la crise des dettes souveraines a suscité le retournement des marchés à partir de l'été. Cependant, notre collecte nette globale, bien qu'en baisse par rapport à 2010, est restée largement positive à plus de 2,4 Md€ sur l'ensemble de l'année. Cela signifie que le moteur de l'assurance vie fonctionne bien, même s'il a pu ralentir en fin d'année dernière. Signe encourageant : nous constatons, depuis début 2012, un regain de confiance. Après des mois de janvier et février prometteurs sur le plan de la collecte, la dynamique s'est un peu essoufflée en mars, comme pour tout le marché, sans doute du fait d'un certain attentisme des épargnants.
Les incertitudes sont donc encore bien présentes...
Certains ménages font le choix de se désendetter au lieu d'investir sur des marchés qui, il faut bien le dire, n'ont pas encore retrouvé toutes leurs couleurs. Mais les Français ont raison de faire confiance à l'assurance vie. Si le contexte économique a pu favoriser d'autres supports d'investissements, il est clair que nous n'observons pas de grands mouvements de balancier envers l'épargne court-termiste, à commencer par le livret A.
Mais n'y a-t-il pas eu de réorientation de l'épargne orchestrée par les réseaux bancaires ?
Très sincèrement, il est difficile d'imaginer une réorientation de l'épargne du simple chef d'un canal de distribution, même si les groupes bancaires auront besoin de disposer davantage d'épargne bilantielle pour être en phase avec le cadre prudentiel à venir. L'orientation de l'épargne est simplement guidée par le choix des clients qui cherchent, encore plus en période de crise, à optimiser le couple sécurité/rendement.
Est-ce la raison pour laquelle vous misez sur un contrat euro diversifié ?
Ce n'est pas l'unique raison. L'atout de ce produit réside dans la garantie du capital dans le temps avec une couverture allant de 8 à 30 ans. Mais, surtout, le produit diversifié propose au souscripteur de choisir les modalités de sortie : soit en rente, soit en capital. Et, à chaque fois, de récupérer le capital versé pendant la durée du contrat, à la date d'échéance choisie par le souscripteur et augmenté des plus-values enregistrées en cas de performances des marchés de taux et d'actions. C'est la raison pour laquelle ce produit, qui s'inscrit dans une pure logique assurantielle, répond à la demande des clients souhaitant préparer leur retraite sans prendre le moindre risque financier. Nous sommes donc convaincus du succès de notre offre "BNP Paribas avenir retraite". Et c'est pourquoi nous avons beaucoup investi pour mettre sur pied un système informatique capable de gérer efficacement ce produit un peu plus complexe que les solutions d'épargne classiques.
Ne craignez-vous pas que ce produit soit trop complexe à commercialiser ?
Il est vrai que cette typologie de produits nécessite de fournir davantage de pédagogie qu'un fonds euros classique. Mais les premiers résultats démontrent que les conseillers sont à l'aise avec cette offre et qu'ils n'éprouvent aucune difficulté pour l'expliquer aux clients. Après seulement quelques mois de commercialisation, nous comptabilisons déjà près de 60 000 souscriptions uniquement dans notre réseau de détail. Nous venons de lancer notre offre à destination de la banque privée et de nos CGPI partenaires qui sont en demande de ce type de solutions innovantes. D'ailleurs, je suis convaincu que cet engouement dépassera bientôt le cadre de BNP Paribas Cardif et que d'autres assureurs nous suivrons sur cette voie.
Mais certains de vos concurrents semblent davantage attirés par les variable annuities...
Il s'agit également d'un produit intéressant que nous avons étudié de près. Nous estimons cependant qu'il est soit trop risqué sur le plan financier pour l'assureur, soit trop coûteux pour le client. C'est une équation difficile à résoudre et qui nous a poussés à prendre la décision de ne pas nous lancer dans ce type de produit.
Le futur cadre prudentiel Solvabilité II a-t-il joué un rôle dans la mise en place de ces produits ?
Il est clair que la réforme Solvabilité II joue un rôle dans les choix que nous avons fait de favoriser des produits diversifiés par rapport à un produit de type variable annuities. Il est vrai aussi que les contrats diversifiés nécessiteront moins de fonds propres avec la réforme à venir. En réalité, l'un des principaux sujets qu'entraîne cette réforme concerne la gestion d'actifs. L'un des écueils de la réforme prudentielle est d'avoir une vision du risque à un an, alors que les horizons de placements des assureurs sont de plus de 10 ans. Elle incite donc à diminuer la poche actions en portefeuille, ce qui n'est pas dans l'intérêt des souscripteurs puisque les rendements seraient alors moins importants. En revanche, la réforme est positive sur les aspects de gouvernance et va dans le sens d'une modernisation. Et pour notre part, en tant que bancassureur, nous avons déjà été habitués avec la mise en place de Bâle 2.
Où en est votre activité d'assurance dommages ?
Nous avons enregistré, l'année dernière, une croissance forte sur l'ensemble de notre gamme. Plus précisément, la part du chiffre d'affaires "dommages", hors assurance emprunteur, est passée de 26 à 36 %. Comme vous le savez, cette activité "protection" est logée en France au sein de Natio assurance, une structure détenue à parité avec Axa, qui a dégagé un chiffre d'affaires de 140 M€ en 2011, en hausse de 8 %. Cette croissance s'explique par les bonnes performances commerciales en auto et MRH avec un apport net en affaires nouvelles. Après avoir revu récemment notre offre auto, nous poursuivons activement la diversification de notre gamme de produits.
Quel regard portez-vous sur les débuts de La Banque postale Iard ?
Ils enregistrent de bons débuts et je les félicite. Les clients qui font le choix de souscrire un produit d'assurance dans les réseaux bancaires viennent en très grande majorité des canaux des distributions dits "traditionnels" que sont les MSI et les compagnies à agents généraux. La concurrence entre bancassureurs est en quelque sorte indirecte.
Concernant la dépendance, vous êtes très discret. Est-ce à dire que le sujet ne vous intéresse pas ?
Non ! Il est vrai que nous avons fait le choix d'attendre pour proposer une offre. Mais sans vous dévoiler le contenu de nos projets, je peux vous dire que la dépendance est un sujet sur lequel nous travaillons. Compte tenu de l'allongement de la durée de vie, le financement de la perte d'autonomie constitue un sujet crucial pour les années à venir. Dans la mesure où les pouvoirs publics ont reporté leurs engagements, il était nécessaire que la profession se structure afin que le marché de la dépendance prenne son envol. D'où l'idée d'un référentiel commun développé par la FFSA qui se caractérisera par la publication d'un label. Il s'agit d'un très bon projet que je soutiens. Le label aura pour mérite de donner davantage de lisibilité à un produit encore peu connu par le grand public.
Plus globalement, quelles sont les relations du G11 avec la FFSA ?
La Fédération réalise un gros travail auprès de toutes les parties prenantes pour défendre les intérêts de la profession tant à Paris qu'en région ainsi qu'à Bruxelles. Le Groupement français des bancassureurs (G11) est associé à toutes les décisions et nous sommes en phase avec les orientations qui sont prises. Le G11 apporte également sa contribution puisque de nombreux experts participent aux commissions de travail.
Et que pensez-vous de la réforme des statuts de la FFSA ?
Il est sans doute possible d'apporter des améliorations statutaires pour rendre encore plus efficiente la Fédération. Il n'y aura pas de révolution, mais plutôt une modernisation, un toilettage de l'organisation. C'est d'ailleurs une décision sage qui nous convient parfaitement.
Concernant l'international, sur quels pays misez-vous en priorité ?
Pour BNP Paribas Cardif, le développement à l'international est très important. Nous avons fait cette année plus de la moitié de notre chiffre d'affaires hors de France, le fruit d'investissements engagés depuis de nombreuses années. En Amérique latine par exemple, nous avons dépassé les 1 M€ de primes en "protection" cette année. Mais notre objectif se situe nettement sur le marché asiatique qui est en plein développement. Nous y réalisons aujourd'hui 12 % de notre activité et nous espérons arriver à 25 % d'ici cinq ans. Concernant l'Europe, nous poursuivons également notre développement, notamment en "protection".