Bruno Rostain, directeur général de BlackFin Capital Partners
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A la tête de la galaxie Comparadise, BlackFin Capital Partners fait le point sur le marché français de la comparaison d'assurance. Bruno Rostain, le directeur général du fonds d'investissement, revient sur les perspectives de développement du modèle, notamment auprès des compagnies d'assurance.
Quelle est votre vision du marché de l’assurance en ligne aujourd’hui ?
Une chose est certaine, le marché français ne ressemble pas et ne ressemblera jamais au marché anglais. Les différences vont demeurer. Toutefois, l’usage d’Internet à un moment ou à un autre lors de l’achat d’assurance est en train de se systématiser. De plus en plus de gens vont sur les comparateurs et la richesse du trafic de ces derniers est une réalité. C’est une très bonne base pour se développer.
Pour concrétiser ces perspectives positives, il faut d’abord balayer les quelques idées reçues sur les comparateurs. En termes de comportement, et au fur et à mesure que le recours aux comparateurs se banalise, les assurés venus par les comparateurs se rapprochent progressivement de la moyenne. Et si les taux de transformation sont ce qu’ils sont, la richesse d’informations sur les prospects qui viennent de ces plates-formes reste sous-utilisée. Les assureurs subissent la baisse du trafic dans leurs agences et regrettent de mal connaître leurs clients. Beaucoup se sont dotés de moyens pour acquérir directement des prospects sur Internet. Pour autant, l’information dont disposent les comparateurs est inégalée et peut répondre à certaines des préoccupations des porteurs de risques.
Faire appel aux comparateurs n’est pas juste une manière d’optimiser et de compléter les acquisitions de mots clés sur Google. Mais c’est aux comparateurs de démontrer aux entreprises d’assurance qu’ils peuvent être des partenaires précieux pour mieux comprendre les besoins et comportements des internautes qui peuvent être de simples prospects, mais souvent aussi leurs propres clients. Il y a un dispositif gagnant-gagnant à inventer entre comparateurs et porteurs de risques.
Pourquoi selon-vous les leads qualifiés issus des comparateurs restent-ils sous-exploités ?
Il y a plusieurs éléments de réponse. Il faut d’une part créer de la valeur avec les internautes qui ne vont pas jusqu’au bout du processus de choix d’un produit d’assurance, notamment via le retargeting comme cela se pratique déjà sur tous les autres sites de e-commerce.
Les comparateurs, d’une manière générale, sont encore très focalisés sur des modes de comparaison à l’anglaise axés sur le prix. De fait, certains assureurs refusent par principe de participer au panel de comparaison. Mais il y a différents moyens pour sortir de cette opposition. Nous venons par exemple de négocier deux partenariats avec des assureurs à réseaux en Italie, pour diriger les internautes venus sur nos sites de comparaison vers leurs agents. Chaque agent choisit ses prospects sur la base des informations fournies, portant notamment sur les différentes offres proposées à ce prospect par le comparateur.
Alors que certains grands assureurs ont des dispositifs lourds pour aller chercher des prospects sur Internet et les amener en agence, le trafic des comparateurs peut utilement venir en complément. Et ce ne sont que quelques exemples de tout ce qu’il est possible de faire, bien sûr dans le respect de la réglementation (CNIL).
Les sites corporate des compagnies ne sont-ils pas suffisants ?
L’évolution naturelle du trafic va vers les comparateurs. La comparaison des prix mais aussi des garanties correspond à une attente légitime des prospects. En tout état de cause, c’est le choix de chaque internaute et pour lui, les dispositifs sont plutôt complémentaires. A nous de faire en sorte de travailler en bonne intelligence avec les compagnies pour trouver des dispositifs gagnant-gagnant.
La réglementation actuelle est-elle un frein aux affaires ?
Nous essayons de distinguer la réglementation qui porte sur la manière dont les acteurs doivent exercer leur métier, par exemple la réglementation prudentielle, ou la protection des consommateurs, des dispositions qui peuvent subitement bouleverser un marché.
Sur le premier point, même si le courtage n’est pas et de loin l’activité la plus réglementée au sein du secteur des services financiers, nous devons respecter notamment tout ce qui relève des obligations de conseils ou encore, avec Solvabilité II, les obligations qui portent sur les prestataires dans le cadre des délégations consenties par les assureurs. Cela pousse mécaniquement les coûts à la hausse, avec pour conséquence une accélération attendue de la consolidation entre acteurs pour atteindre une taille critique, notamment dans le secteur de la gestion pour comptes de tiers.
Dans les secteurs plus fortement réglementés, une prise de participation majoritaire d’un fonds de capital-investissement peut s’avérer très difficile. C’est notamment le cas des porteurs de risques dans l’assurance.
A contrario, la loi Hamon et l’ANI font bouger directement les marchés, progressivement pour la loi Hamon, plus brutalement pour l’ANI. Du point de vue d’un investisseur tel que nous, ce type de changement réglementaire peut être positif : c’est quand les marchés bougent que les acteurs les plus agiles peuvent creuser l’écart. A l’inverse, en santé, l’accumulation des reformes est compliquée à vivre pour tous les acteurs qui manquent de visibilité et qui ont consacré beaucoup d’énergie à simplement adapter leurs offres et leurs systèmes aux nouvelles règles s’appliquant aux contrats, sans bénéfice bien identifié tant pour les clients que pour les différents acteurs du marché.
(Retrouvez la suite de l'interview de Bruno Rostain dans le numéro 212 daté d'avril 2016 de La Tribune de l'assurance.)