Gilles Dupin, PDG de Monceau assurances
rédacteur en chef
Quelques semaines après l’entrée en vigueur de Solvabilité II, Gilles Dupin, PDG de Monceau assurances, fait le point sur la mise en application de la directive au sein du groupe qu'il dirige et sur les sujets d’actualité du secteur.
Quel bilan dressez-vous de l’exercice 2015 pour Monceau assurances ?
Indépendamment de notre récente opération de croissance externe avec l’acquisition de Vitis Life, dont l’activité est intégrée dans nos comptes combinés 2015, le chiffre d’affaires de Monceau assurances progresse d’environ 10 % à périmètre constant. En IARD et réassurance, la croissance est de 2 % et de 16 % en vie et retraite (toutes structures confondues). Pro forma, c’est une année remarquable car nous avons réussi à combiner croissance et rentabilité en IARD, activité pour laquelle, à date, le résultat technique sera très satisfaisant. Ainsi, en dommages, nous maintenons nos marges et notre ratio combiné.
En tenant compte de l’acquisition de Vitis Life, Monceau assurances change de dimension et de physionomie ; le chiffre d’affaires 2015 devrait ainsi s’établir autour de 610 M€ contre 375 M€ en 2014. Soit une progression de plus de 60 %. Le résultat combiné devrait également être exceptionnel, et nettement supérieur à celui de l’exercice précédent (75 M€ en 2014).
Etes-vous dans les clous pour Solvabilité II ?
Tout est en place. Nos propositions de dirigeants effectifs ont été formulées. Il reste toutefois à restructurer notre organisation car, dans ce domaine, il a été impossible d’établir le dialogue avec l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Nous plaidions pour que la structure bipolaire historique du groupe, avec d’un côté la Mutuelle centrale de réassurance (MCR) et le pôle IARD, et de l’autre la mutuelle vie (Capma & Capmi) soit préservée. L’ACPR a refusé cette logique et, s’appuyant sur des arguments mal fondés, a décidé fin décembre que la MCR serait dominante, créant autour d’elle un groupe prudentiel sous Solvabilité II, décision que nous ne pouvions anticiper. Les instances du groupe en ont pris acte, et il convient à présent de se préparer en fonction de cette situation nouvelle pour nous.
Monceau assurances n’est plus qu’un label commun, et ne peut plus assurer la combinaison des comptes. Cette mission sera assumée par la MCR, en incluant les opérations de Capma & Capmi qu’elle réassure. L’existence de cette relation de réassurance entre les deux entités, mise en place en 1976, crée sans même évoquer Solvabilité II cette obligation de présenter des comptes combinés des deux entreprises, mission assumée, comme souvent en pareil cas, par le réassureur.
Utilisez-vous un modèle standard ?
Nous n’avons ni la taille, ni les moyens de développer un modèle interne. Et l’inepte directive Solvabilité II, conçue pour éliminer les acteurs petits et moyens, nous pénalise pour de multiples raisons dont deux principales. Tout d’abord, nos activités retraite sont mal appréhendées par la formule standard qui exige une marge de solvabilité très importante alors que, dans la logique retenue par Solvabilité II, les risques sont quasi nuls. Il n’est pas inutile de rappeler que les fonds de pension, auxquels ressemblent les régimes de retraites en points que nous gérons, ont été tenus à l’écart de Solvabilité II. Ensuite, les caractéristiques propres aux obligations indexées sur l’inflation ne sont pas correctement prises en compte et cela nous pénalise car notre portefeuille obligataire est essentiellement constitué d’obligations longues et indexées.
Pour autant, Monceau assurances est solide, comme en témoigneront nos résultats 2015. Le fait de couvrir près de sept fois les besoins de marge requis sous Solvabilité I nous met à l’abri.
Offrez-vous des bonus aux commerciaux qui incitent vos clients à aller sur les UC ?
Une telle pratique n’est pas compatible avec notre éthique mutualiste, qui ne saurait s’en accommoder. Nos commerciaux ne sont pas rémunérés de manière différente selon qu’ils distribuent des UC ou de l’euro. Monceau assurances est soucieux d’un traitement équitable appliqué à ses sociétaires. Nous n’incitons pas les réseaux à vendre des UC dans une logique de pilotage des besoins de marge de solvabilité, mais à conseiller au mieux les sociétaires en fonction de leur situation et de leurs besoins. Sans doute faut-il également rappeler que, selon l’article L 310-1 du Code des assurances, le contrôle de l’Etat s’exerce dans l’intérêt des assurés bénéficiaires de contrats. Comment, dans ces conditions, les autorités de tutelle peuvent-elles accepter des modes de rémunération différentiées ou des modes de répartition de la participation aux bénéfices en fonction de la taille du contrat et/ou de la part investie en UC ?
Le plan de sauvetage de l’eurocroissance vous paraît-il justifié ?
Monceau assurances ne distribuera pas d’eurocroissance, car ce n’est pas conforme aux préoccupations et à l’intérêt de notre sociétariat. Comment expliquer à un épargnant, souvent peu enclin à accepter des risques, qu’un investissement qui ne garantit son avoir qu’à un instant T est préférable à son contrat multi-supports actuel, incluant un fonds en euro à capital garanti ?
Ce qui n’est pas acceptable, et des associations comme la Faider ont épousé ce point de vue, c’est de transférer les plus-values latentes des contrats en euros pour doper la performance des contrats eurocroissance et favoriser leur lancement commercial. Le pire consiste à essayer de construire des argumentaires pour légitimer ce mécanisme, très discutable, et produire des textes réglementaires le permettant. Pourquoi parler de mutualisation alors qu’il s’agit seulement de prendre à certains épargnants pour reverser à d’autres et promouvoir un nouveau produit ? Le lancement d’un nouveau produit doit être financé par les actionnaires de l’entreprise qui le promeut, et non par la collectivité ! Ce qui est grave, c’est que l’ACPR prête une oreille attentive à ce type de proposition.
Où en est le dossier MTA aujourd’hui ?
Ce dossier est mal engagé parce qu’en juillet 2014, l’ACPR a commis une grave erreur en écartant contre toute logique la solution que nous proposions et en lançant une procédure de transfert de portefeuille. La publicité faite autour de cette opération a été destructrice pour MTA, notamment en termes de développement avec le courtage.
Nous avons continué en 2015 à soutenir MTA en tant que réassureur, mais sans nous intéresser à la reprise de l’activité. Le portefeuille a souffert, ce qui était perceptible au travers des sollicitations reçues du courtage par notre mutuelle de taxis [Mat assurances, NDLR] pour souscrire des affaires placées jusque-là auprès de MTA.
Aujourd’hui, la société a été placée sous administration provisoire. Elle a dernièrement procédé à un rappel de cotisations, ce qui n’est pas bon signe. Commercialement parlant, tout ceci est difficile, car encaisser un rappel de cotisations avec des réseaux de distribution que l’on maîtrise est déjà compliqué ; avec le courtage, c’est quasi impossible, avec des conséquences potentiellement lourdes dans les relations entre l’entreprise et ses distributeurs.
(Retrouvez la seconde partie de notre entretien avec Gilles Dupin dans le n° 211 de La Tribune de l'assurance.)