Damien Vieillard-Baron, président de Gerep

« Les assureurs ont augmenté leurs tarifs santé bien au-delà de l’évolution du PMSS »

Publié le 7 mars 2024 à 9h00

Mehdi ElAouni    Temps de lecture 6 minutes

À l’occasion de la publication de son baromètre sur la consommation de soins des collectives en 2023, Damien Vieillard-Baron, président-fondateur de Gerep, revient sur les points saillants de l’étude et esquisse les perspectives 2024 du courtier spécialisé en collectives.

Quels sont les principaux points à retenir de votre baromètre sur la consommation santé 2023 ?

Au cours des cinq premiers mois de 2023, l’inflation médicale a été particulièrement soutenue, en partie imputable à la base de comparaison 2022 moins dynamique. Cela a contribué à une tendance annuelle projetée à +5 % avant un atterrissage finalement « limité » à +3,5 % pour 2023, plus en ligne avec l’inflation médicale des dernières années. Une observation intéressante concerne la saisonnalité des remboursements qui, depuis la pandémie, enregistre des variations, rendant difficile la projection basée sur les anciens modèles. Le début de 2023 a ainsi été marqué par une forte croissance, mais sur l’ensemble de l’année, nous observons un retour à la normale avec la fin du rattrapage Covid et des écarts saisonniers plus conformes à la période pré-pandémique.

Un deuxième constat concerne la performance du recours au « 100 % santé » en dentaire. Plus de la moitié des prothèses dentaires sont sans reste à charge ou avec un panier modéré (prix limites de vente). Cette évolution structurelle permet au plus grand nombre de bénéficier de soins dentaires à moindre coût. En 2021-2022, cette facilitation a entraîné une augmentation de la consommation, mais en 2023, l’inflation a cessé sur ce poste. L’effet de rattrapage lié au renoncement aux soins semble avoir été absorbé. Une autre tendance notable est l’augmentation significative du recours au pack bien-être (psychologie, ostéopathie, diététicien...), avec une utilisation croissante de ces garanties par près de la moitié des assurés. Ce poste progresse chaque année et est devenu presque aussi important que la partie consacrée aux consultations médicales et visites (9,29 %).

Comment expliquez-vous la hausse des remboursements des régimes optionnels à +8,9 % et la faible adhésion des médecins au DPTAM ?

Plusieurs explications peuvent être envisagées à cette situation. La première concerne la limitation des dépassements d’honoraires, notamment à travers le 100 % santé en dentaire et en audioprothèse. Dans le domaine optique, bien que le 100 % santé ne soit pas appliqué, la préexistence des réseaux de soins couvre environ 40 à 50 % des dépenses optiques, offrant une promesse similaire d’accès aux soins sans reste à charge. En parallèle de cet environnement de maîtrise tarifaire, les médecins facturent davantage de dépassements d’honoraires. Ce sont ces dépassements qui sont pris en charge par la partie optionnelle des régimes. Quant à l’engagement des médecins dans la maîtrise tarifaire (DPTAM), moins de 20 % des actes concernent un professionnel de santé ayant adhéré à cette démarche.

Quelles sont les tendances à l’œuvre sur le marché de la santé-prévoyance collective et quel bilan faites-vous des renouvellements pour Gerep ?

L’évolution du marché de l’assurance santé, déjà constaté en 2022, se confirme avec des politiques commerciales des assureurs moins flexibles, des hausses tarifaires généralisées et de strictes politiques de souscription. Dans ce contexte, disposer d’un courtier capable de piloter les risques à long terme permet aux entreprises davantage de visibilité sur leur compte de résultat et leur régime frais de santé et donc une meilleure capacité de négociation. Anticiper les évolutions réglementaires, de consommation médicale et d’absentéisme devient essentiel, nécessitant une politique d’achat proactive pour contrer les demandes d’augmentation des assureurs. Cette complexité persistante sur le marché, pour la deuxième année consécutive, demande une forte mobilisation des ressources de Gerep pour gérer le portefeuille clients. Cela souligne également l’importance croissante de l’analyse des données, du prédictif, du juridique, et de l’expertise actuarielle pour naviguer dans ce contexte mouvant.

Côté Gerep, les renouvellements se sont bien déroulés grâce à cette forte mobilisation, surtout lors des négociations avec les assureurs pour les convaincre d’adopter une approche différenciée au regard des résultats de chaque compte. Les assureurs ont augmenté leurs tarifs en santé de 7 à 10 %, bien au-delà de l’évolution du plafond de la Sécurité sociale (*). Gerep s’est notamment inscrit sur le long terme en négociant avec les assureurs pour tenter d’obtenir des conditions favorables sur les deux prochaines années. Par la suite, nous avons entrepris un effort pédagogique auprès des clients, des partenaires sociaux et des salariés pour expliquer les évolutions et négocier avec eux. Cette démarche nécessite d’importantes ressources en raison de la double négociation assureurs/assurés. Notre portefeuille est bien géré, de fait Gerep s’évite des problèmes de placement de risques en fin d’année, avec très peu de résiliations de comptes par les assureurs. Cette anticipation dans les négociations des renouvellements 2024 a été déterminante.

Quelles sont vos perspectives pour l'exercice en cours ?

Notre premier objectif est justement d’optimiser notre organisation sur le plan de l’expertise technique afin d’anticiper au mieux les négociations avec les assureurs. Nous procédons à ces négociations au premier semestre, idéalement avant l’été, pour éviter toute surcharge au moment des renouvellements en octobre. Nous encourageons nos partenaires à s’engager plus tôt dans l’année, renforçant ainsi nos capacités techniques et de données pour permettre à nos équipes chez Gerep de maintenir une dynamique commerciale à travers les appels d’offres et la prospection de nouveaux clients. Le lancement de notre année commerciale, traditionnellement en mars-avril, a été avancé en février pour anticiper ce travail sur le portefeuille et la prospection. Par ailleurs, Gerep s’engage résolument en matière d’intelligence artificielle et d’outils associés. Nous avons identifié et développons actuellement trois POC [proof of concept, NDLR] pour explorer comment l’intelligence artificielle peut créer de la valeur dans nos relations avec clients et fournisseurs.

* Le plafond mensuel de la Sécurité sociale (PMSS) s’élève à 3864€ en 2024 en hausse de 5,4 % [NDLR].

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