Ladirectrice générale du grossiste Solly Azar, qui réalise près du quart de sesrevenus en santé individuelle, réagit à l’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier et tire à boulet rouge surl’avant-projet de loi.
Quelle réaction vous inspire la décisiondes partenaires sociaux de généraliser la santé collective ?
D’un point de vue sociétal, je suis plutôtencline à me réjouir de l’accord du 11 janvier ; la généralisation de lacomplémentaire santé constitue une avancée sociale, au moins pour les salariés.Il y a en revanche un risque élevé de démutualisation et donc de hausse destarifs pour les populations non concernées par l’ANI, à savoir les seniors etles inactifs. A l’inverse l’avant-projet de loi du 11 février m’apparaîtdélétère et constitue une double peine pour les acteurs actuels de la santéindividuelle puisqu’il réintroduit la notion de clauses de désignation. Soitl’assèchement du marché de l’individuelle d’un côté et l’impossibilité de sedévelopper sur le marché collectif de l’autre. C’est très préoccupant pournombre d’acteurs – MSI,mutuelles santé, assureurs traditionnels, courtiers grossistes – actifssur le marché des particuliers. Et, même si Solly Azar dispose depuis l’andernier d’un nouveau produit santé collective spécialement dédiée aux TPE-PME,les changements majeurs induits par l’ANI nous obligent à mener un grandinventaire des pistes possibles pour continuer de développer notre activité.
Que représente la santé aujourd’hui chezSolly Azar ?
Lasanté représente un quart du chiffre d’affaires du groupe, soit plus de 15 M€d’activité annuelle. Un petit tiers de cette activité santé est réalisé autravers de partenariats grands comptes, développés par notre structure dédiée,Solly Azar solutions, exclusivement en individuelle. Les deux tiers restant, c'est-à-direplus de 10 M€ de commissions, sont générés par notre activité de courtiergrossiste. Là encore, cette activité est très majoritairement individuelle, àprès de 90 %.
Quels seront vos relais de croissance dansle paysage post généralisation ?
Plusieurspistes s’ouvrent à nous. Les TNS, qui apriori restent en individuelle, constituent un axe fort de développementpotentiel. Même chose pour les sur-complémentaires, appelées à monter enpuissance. Solly Azar est l’un des rares acteurs à disposer de longue dated’une offre en la matière. Si cette expérience constitue un atout, il n’enreste pas moins que la sur-complémentaire reste un produit de niche dont lepilotage technique est complexe du fait de l’antisélection générée à lasouscription. D’autre part, faute de "noémisation" des flux, lagestion est plus lourde et donc les marges plus faibles. Mais, inévitablement,Solly Azar va devoir réorienter ses activités santé vers davantage d’assurancescollectives. Comme je vous le disais à l’instant, nous avons refondu notreoffre en la matière l’an dernier. Avec l’angle d’attaque des TPE-PME, toutparticulièrement concernées par l’accord du 11 janvier. C’est une chance pourle groupe d’avoir d’ores et déjà le produit qui va bien. Il n’empêche que nousallons devoir faire de gros efforts pour accompagner nos apporteurs vers cenouveau marché.
Quels sont les retours de vos partenairesdistributeurs ?
Leréseau est très inquiet. En particulier ceux des intermédiaires qui ont fait lechoix de se spécialiser en santé. Car ce mouvement, initié voilà une dizained’années, s’est fait au prix d’investissements conséquents, notamment surinternet, mais aussi pour certains en constituant une force de vente, avec desmandataires. Leurs inquiétudes sont nombreuses, mais la plus douloureuse portesur la valeur de leur fonds de commerce. Ceux des intermédiaires qui se sontspécialisés en santé et qui arrivent bientôt à la retraite se retrouvent sansplus rien à valoriser pour garantir leur retraite. Le coup est rude. D’autantplus dur que ce développement s’est fait quasi exclusivement sur la santéindividuelle : un marché qui va sérieusement s’assécher après la décisiondu 11 janvier prise par les partenaires sociaux de généraliser les couverturescollectives. Et si pour les plus jeunes d’entre eux il est envisageable, auprix tout de même de l’apprentissage d’un nouveau métier et d’une refontetotale de leur modèle économique, de basculer vers l’intermédiation desassurances collectives, cette reconversion ne paraît guère possible pour ceuxqui sont à deux ou trois ans de la retraite.
Pourquoi ?
Simplementparce que la distribution de la santé individuelle n’a pas grand-chose à voiravec celle de la santé collective. L’approche du client n’est pas la même etl’assurance collective est une matière complexe et hyper réglementée. Pourinvestir ce segment, en réalité un nouveau métier, les apporteurs vont devoirdépenser une énergie importante pour se familiariser avec les branchesprofessionnelles, les conventions collectives, la multitude des codes NAF, lesocle de base ou les clauses de désignation. Les courtiers vont devoir en outrechanger d’interlocuteur : les niveaux d’informations et de conseils àformuler au chef de famille n’ont pas grand-chose à voir avec ceux attendus parle chef d’entreprise.