Le dirigeant de l’Alfa revient sur les missions de l’association et sur la mutualisation des outils pour lutter contre la fraude.
Quelles sont les missions et le cœur de métier de l’Alfa ?
L’Alfa est une association professionnelle dont l’objet est d’organiser la lutte contre la fraude dans le secteur de l’assurance. Pour ce faire, elle met en œuvre des moyens techniques, fait le lien entre les entreprises privées et les administrations, et sert aussi d’intermédiaire entre les entreprises privées et les officiers de police judiciaire lorsque nous sommes dans un cadre judiciaire. L’agence compte 320 membres (France assureurs, Fédération nationale de la Mutualité française, instituts de prévoyance et réassureurs). Depuis ma prise de fonction en 2018, la stratégie développée repose sur deux axes : renforcer les compétences de l’écosystème en matière de lutte anti-fraude (correspondants anti-fraude, experts, formation) et affirmer un rôle opérationnel pour les fraudes qui touchent plusieurs assureurs (coordination de l’action, analyse des données). Fait marquant, face au déficit de formation en matière de lutte anti-fraude, nous avons identifié des formateurs et experts avec lesquels nous avons signé des conventions. Ces formateurs interviennent auprès de nos adhérents sur les thèmes de la détection de la fraude, son traitement en dommages ou en santé-prévoyance, l’investigation (expertise incendie, expertise vols et cambriolages, expertise cybersécurité) et la méthodologie d’investigation. Nous vérifions simplement que les collaborateurs en formation sont bien des correspondants anti-fraude, des acteurs de la conformité, du risk management ou de l’indemnisation.
Quelle est l’ampleur de la fraude en France et en Europe ?
Au niveau européen, le potentiel de fraude est estimé à 10 % des prestations payées. Pour la France, les assureurs ont vu 368 M€ de fraude en assurance-dommages (141 M€ pour la branche automobile, 217 millions pour la branche IARD). Il faut y ajouter 50 M€ répartis entre la prévoyance (35 M€) et la branche santé (15 M€). Au total, la fraude a représenté 409 M€ en 2020. Au cours des dix dernières années, les mutuelles se sont rendu compte qu’elles étaient confrontées à des menaces importantes. On risque de dépasser les 100 M€ de fraude pour les branches santé et prévoyance en 2021. Après consolidation des données, on devrait atteindre 500 M€ de fraude vue et non payée par les assureurs. En tendance, la fraude à l’assurance atteignable est de l’ordre de 5· % des décaissements en IARD [sur la base de 42 Md€ en 2019, NDLR]. Pour l’assurance santé, le potentiel de fraude est supérieur, de l’ordre de 7 %, car dans cette branche, on décaisse avant d’avoir obtenu l’information ; à la différence de l’assurance dommages où on peut bloquer le sinistre et arrêter le processus. La fraude en santé prévoyance est un risque qui n’est pas maîtrisé.
Pourquoi avez-vous contribué au livre blanc intersectoriel sur la fraude* publié par la société Deveryware ?
Toute l’ambition de Deveryware c’est d’avoir une vision à 360 degrés de la fraude. C’est une référence pour l’Alfa de s’inscrire dans cette démarche. Mon message consiste à affirmer que la fraude à l’assurance s’inscrit dans un ensemble beaucoup plus vaste et qu’il existe des outils à mutualiser. Le premier réflexe à avoir est le suivant : est-ce qu’il n’existe pas une brique d’outils déjà mis à profit dans l’entreprise ? Si votre besoin est d’utiliser les données transmises par vos assurés au niveau du sinistre pour alimenter des rapports d’expertise, c’est un type de besoins avec des outils spécifiques. Si votre besoin consiste à investiguer un grand nombre de données et à produire une visualisation de votre investigation, là encore c’est un autre type d’outils. L’idée est de faire comprendre que les outils existent et que chacun d’eux requiert des compétences spécifiques.
* « Fraude : le fléau aux mille visages - état des lieux et moyens d’action ». Livre blanc publié en avril 2022 par la société Deveryware.