« Le point d'orgue de cinq années de projets structurants »

Publié le 4 février 2014 à 6h00    Mis à jour le 22 octobre 2015 à 12h38

Romain Beausoleil

En partance pour Natixis, Jean-François Lequoy revient sur l'exercice écoulé et liste les nombreux dossiers qui attendent son successeur. A commencer par l'assurance vie en déshérence.

Quel bilan tirez-vous après cinq ans au poste de délégué général de la FFSA ?

Je ne sais si c'est la période 2008-2013 ou la tradition au poste de délégué général, mais il y a toujours un sujet important à traiter par la FFSA ! Le dernier exercice a constitué un point d'orgue de cinq années de projets structurants pour la profession. Rien qu'en 2013, nous avons travaillé sur le futur cadre prudentiel des assureurs, la généralisation de la complémentaire santé à tous les salariés, la création de deux nouveaux produits d'assurance vie, ou encore sur la loi consommation avec l'instauration des actions de groupe à la française et l'avènement de la résiliation infra annuelle. Et n'oublions pas la loi Alur et les débats sur l'assurance des loyers impayés ou sur le rôle des assureurs en tant qu'investisseurs dans l'immobilier !

L'inflation législative se poursuivra-t-elle ?

Même si le rythme législatif devrait ralentir un peu, nous attendons toutefois au printemps une loi d'adaptation de la société française au vieillissement, qui devrait remettre le sujet de la dépendance sur le devant de la scène. A l'agenda figure également la future loi santé et la redéfinition du cahier des charges des contrats responsables. L'indemnisation des catastrophes naturelles, l'assurance agricole ou le préjudice environnemental devraient également occuper la profession cette année.

Et l'assurance automobile ?

Sans qu'il y ait un calendrier législatif ou réglementaire déjà programmé, l'assurance automobile pourrait également faire l'actualité du secteur. Le dossier de l'indemnisation des conducteurs responsables pourrait notamment être rouvert, avec l'idée de modifier le droit de la responsabilité civile. Une telle modification ne nous paraît pas être la bonne solution : la FFSA milite depuis de nombreuses années pour la montée en puissance de la garantie du conducteur qui offre une couverture adéquate en cas d'accident responsable.

Comment a évolué la branche assurance de biens et de responsabilités ?

La croissance du chiffre d'affaires est assez modérée, de l'ordre de 2 %*. Elle est tirée essentiellement par les assurances des particuliers, le marché des biens aux professionnels enregistrant une hausse inférieure à 1 %. La branche construction est même en décroissance (- 2 %), du fait de la poursuite du ralentissement des mises en chantier.

Quel est le bilan de la sinistralité ?

La situation continue de se dégrader puisqu'au global la charge des sinistres s'élève à 37 Md€, en hausse de 4 %. En auto, le ratio combiné devrait atteindre 105 %. Sur cette branche, nous constatons une baisse de fréquence de 3,5 % des sinistres corporels. Mais, en parallèle, leur coût moyen continue d'augmenter, de plus de 10 % en 2013. En sinistres matériels, la hausse du coût moyen est plus contenue, à 2,5 %.

Quel a été l'impact du transfert de la charge de la revalorisation des rentes du FGAO aux assureurs ?

La prise en charge de la revalorisation des rentes auto représente un coût de 350 M€ par an pour la profession. Et ce n'est pas la seule évolution pour la branche. L'indemnisation du dommage corporel a été touchée par un empilement d'évolutions, comme la généralisation par de nombreuses cours d'appel d'un référentiel indemnitaire assez inflationniste. Et ce n'est sans doute pas fini.

Qu'en est-il de la sinistralité en habitation ?

L'année présente un bilan particulièrement lourd du fait des conditions météorologiques. Sans sinistre majeur, mais avec une multitude d'événements de faible et de moyenne intensité, qui se situent dans la plupart des cas en dessous des seuils de cession à la réassurance. Le coût de la tempête Dirk, dernier événement 2013, devrait dépasser 100 M€. Outre ces événements qui représenteront une facture globale de près de 1,5 Md€, il est à noter que la fréquence des incendies a augmenté de 5 %. Et celle de la garantie vol s'est maintenue à un niveau très élevé. Au final, la branche affiche des résultats dégradés avec un ratio combiné net de réassurance de 106 %.

Concernant l'assurance de personnes, quel bilan dressez-vous de l'année 2013 ?

Les cotisations sont globalement en hausse de 6 %. Le marché vie et capitalisation progresse de 6 % et la branche santé et accidents continue d'augmenter de 5 % par an. L'assurance vie enregistre une collecte nette aux alentours de 11 Md€ après un épisode historique de collecte nette négative de plus de 6 Md€ en 2012. 2012 avait également enregistré, je vous le rappelle, une collecte record des livrets défiscalisés de 50 Md€ ; elle a été de 19 Md€ l'année dernière. L'exercice 2013, et en particulier le second semestre, marque à cet égard le retour à une certaine normalité. Nous observons aussi que les cotisations en unités de compte repartent à la hausse et représentent 16 % de la collecte.

Mais ce bilan est également entaché par la poursuite de la baisse du taux de rendement moyen...

Nous constatons en effet une légère érosion du taux de rendement moyen des fonds euros, qui devrait se situer aux alentours de 2,8 % contre 2,9 % en 2012. Il est impossible d'anticiper sur les taux qui seront servis dans les années à venir. Toutefois, la très lente remontée des taux obligataires observée depuis mi-2013 laisse à penser, si elle se poursuit, que les taux servis sur les fonds euros ne pourront croître que très modérément. D'où une légitimité renforcée pour le nouveau produit eurocroissance ! Avec la possibilité pour l'assuré d'allouer son épargne en fonction de ses besoins : une épargne de précaution - pour laquelle il bénéficie d'une garantie du capital à tout moment - et une épargne dynamique, avec la perspective de rendements plus élevés. Ce produit permettra en effet aux assureurs de mettre en place des allocations d'actifs plus dynamiques, ce qui sera bénéfique pour le rendement servi aux assurés, mais également pour le financement de l'économie.

Que pensez-vous de la proposition de loi en cours sur les contrats non réclamés ?

La proposition de loi Eckert était attendue. Elle fait suite à la mission confiée à la Cour des comptes sur le sujet. Sujet que nous souhaitons voir réglé définitivement, car il n'est pas sans conséquence sur l'image des assureurs. Nous avons donc une attitude résolument constructive dans ce débat et avons en particulier proposé que nous soient accordés des outils supplémentaires pour retrouver les bénéficiaires de ces contrats.

En santé, quelles seront les évolutions à moyen terme après le feuilleton de l'ANI ?

Je suis très heureux de la conclusion de ces longs débats et du retour à l'esprit de l'ANI du 11 janvier 2013, adopté par les partenaires sociaux. La généralisation de la complémentaire santé sera l'un des chantiers phares des assureurs cette année avec, à horizon du 1er janvier 2016, le transfert de quatre à six millions de salariés, assurés aujourd'hui en individuel, vers la santé collective. C'est une grande satisfaction de savoir que tous les organismes assureurs sont désormais sur un pied d'égalité pour opérer sur ce marché.

Est-ce l'amorce d'une explosion du marché de la surcomplémenaire ?

Ce marché se développera inévitablement. Toutefois, la priorité aujourd'hui pour les entreprises d'assurance est d'être des acteurs de la complémentaire avant d'être des assureurs de la surcomplémentaire. Ne serait-ce que parce que ce marché de la surcomplémenaire est plus facile à développer si vous êtes déjà l'assureur complémentaire santé.

La réforme de l'assurance emprunteur va-t-elle, selon vous, dans le bon sens ?

Sur ce point, il faut noter que l'Inspection générale des finances a fait un très bon travail de synthèse en poursuivant deux objectifs. D'un côté, permettre aux emprunteurs de faire jouer la concurrence entre les garanties d'assurance et, de l'autre, ne pas déstabiliser la mutualisation des assurés qui a permis de grandes avancées pour les profils les plus risqués, et notamment pour les personnes présentant un risque de santé aggravé. Le rapport de l'IGF a clairement écarté la possibilité de résiliation annuelle de ces contrats, mais a préconisé la possibilité de résilier le contrat dans les trois mois suivant l'offre de prêt. Le gouvernement a finalement pris l'option d'ouvrir cette possibilité dans un délai d'un an. Ce qui n'est pas la même chose, mais l'IGF a été suivie dans ses autres recommandations.

(*) L'ensemble des chiffres sont provisoires. Les résultats définitifs seront publiés en juin.

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