Interview de la semaine

« Le digital est un puissant facteur de transformation dans l’assurance »

Publié le 28 janvier 2016 à 10h31    Mis à jour le 28 janvier 2016 à 16h25

Thierry Gouby et Manuelle Tilly

Thierry Gouby et Manuelle Tilly
journalistes

Le président de l'Afa livre à La Tribune de l'assurance les premiers chiffres du marché en 2015 et aborde les principaux chantiers auxquels le secteur va s'attaquer cette année.

Quel bilan de l’exercice 2015 pouvez-vous dresser pour le secteur de l’assurance en France ?

2015 a été marquée par la continuité, ce qui n’est pas anodin dans un monde où les ruptures se multiplient. Dans ce contexte, l’assurance vie a bénéficié de son statut de produit fiable et souple. L’effet de l’environnement de taux bas a évidemment joué un rôle important, avec notamment la fin de l’effet d’aubaine qui s’exerçait pour le livret A.

En chiffres, la collecte nette 2015 s’établit à un peu plus de 20 Md€, en hausse par rapport à l’an dernier, pour un encours de près de 1 600 Md€. Nous sommes sur une pente ascendante, à relativiser toutefois par rapport aux niveaux de collecte pré-crise financière.

De manière plus significative, nous notons une hausse de la collecte en UC, en particulier au 1er semestre 2015. Au global, plus de la moitié de la collecte nette de 2015 est en UC. Cela s’explique d’abord par les performances de la Bourse et par la recherche de meilleurs rendements. L’élément neuf, c’est que les épargnants français acceptent de prendre une part du risque. En assurance de biens et de responsabilité, sur l’exercice 2015, les cotisations augmentent de 1 à 2 %. En termes de sinistralité, l’année a été marquée en automobile par la nouvelle augmentation du nombre de morts sur la route. En habitation, nous assistons à une stabilisation du nombre de cambriolages, en légère baisse par rapport à l’année précédente.

Quel est l’impact de la loi Hamon sur les résiliations infra-annuelles ?

La résiliation infra-annuelle liée à la loi Hamon est un élément encore difficile à mesurer. Au bout de trois ou quatre mois, les chiffres étaient quasiment les mêmes avant de bouger quelque peu au second semestre. A date, nos estimations sur les taux de résiliation montrent que celles-ci passent de 13,8 % à 15,2 % entre 2014 et 2015 en assurance automobile et de 12,6 % à 14,3 % en assurance habitation.

S’il n’y avait pas eu la loi Chatel, cela aurait eu un effet plus important. Mais, en pratique, les possibilités de résiliation existaient déjà. Au total, la loi consommation introduit une souplesse supplémentaire, mais le profit est modeste pour le consommateur.

Cette loi constitue une piqûre de concurrence supplémentaire dans un marché déjà ultra concurrentiel, avec pour effet pervers de créer un accélérateur de churn [taux d'attrition, NDLR] des portefeuilles qui va occasionner des coûts supplémentaires pour les opérateurs sans réel bénéfice pour les assurés.

On vous a vu défiler aux côtés du mouvement « Les Abeilles » avant l’adoption du PLFSS 2016. Avez-vous le sentiment d’avoir été entendu ?

C’était d’abord l’occasion de marquer notre solidarité avec la profession en général, et aussi d’essayer de cadrer entre les différents acteurs de la place les termes du débat sur les contrats santé proposés aux plus de 65 ans. Ce qui nous rassemble, c’est que nous ne voulons pas d’une offre ni d’un prix étatisés, c’est-à-dire standardisés au détriment de la qualité du service offert.

Nous avons été entendus en partie dans le cadre du débat parlementaire, car nous avons évité un mécanisme strict reposant sur la sélection par l’Etat des offres éligibles au label que nous combattions. Le problème de la fixation des garanties minimum assorties de tarifs encadrés demeure une préoccupation. Surtout, l’idée que les tarifs des contrats labellisés ne peuvent pas augmenter plus vite que le niveau de l’Ondam (Objectif national de dépenses d’assurance maladie) nous paraît inappropriée. Nous allons désormais travailler avec l’administration sur les décrets et essayer d’améliorer les textes en nous appuyant sur des éléments techniques.

Vous étiez notamment aux côtés de Patrick Evrard, le nouveau président d’Agéa, quel est le niveau de dialogue avec la fédération ?

Il n’y a jamais eu de problème dans nos relations. Nous sommes toujours restés en relation avec les agents, notamment par l’intermédiaire du CDIA (Centre de documentation et d’information de l’assurance) et la FFSA par définition a vocation à pratiquer le dialogue pour fédérer au mieux les acteurs concernés.

Le digital pourrait avoir un impact négatif sur l’emploi dans l’assurance. Que préconisez-vous pour limiter ce risque dans les années à venir ?

Il est clair que le digital est un puissant facteur de transformation dans l’assurance comme dans tout le reste de notre économie. Il convient de faire de ce processus « schumpeterien » une opportunité pour notre secteur. Les assureurs s’y emploient activement. Ils suivent de près toutes les innovations, notamment toutes celles qui permettent d’apporter à l’assuré un service à plus forte valeur ajoutée, dans tous les domaines.

Concernant l’emploi, nous avons pris dès 2014 des engagements forts : recruter 38 000 salariés dont 5 000 apprentis sur trois ans, et délivrer un certificat digital à l’ensemble des collaborateurs de la branche. C’est un signal visant à démontrer que la maîtrise du digital doit faire partie du bagage commun de tous ceux qui travaillent dans l’assurance. Au niveau fédéral aussi, nous travaillons avec intensité grâce à la commission numérique.

Au niveau des entreprises, une transformation d’ampleur est en cours car le digital modifie l’organisation et la hiérarchie au sein des entreprises. Il faut apprendre à manager la jeune génération digital native. La majorité des assureurs a noué des partenariats avec des acteurs majeurs du numérique. Bref, le secteur n’aborde pas cette mutation sur la défensive mais au contraire en la percevant comme une opportunité.

(Retrouvez la suite de l’entretien avec Bernard Spitz dans le numéro de février de La Tribune de l’assurance.)

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