Afin d'asseoir leur visibilité et leur notoriété, les assureurs n'hésitent pas à multiplier les opérations de parrainages sportifs. Un moyen également de réaffirmer leur engagement sociétal auprès du grand public.
Tandis que la publicité fait grise mine, le parrainage sportif, lui, se porte bien. Les moyens alloués à ces opérations ne sont pas remis en cause. Mieux, les partenariats signés pour financer un sportif, une équipe, une manifestation sportive ou encore un stade continuent d'augmenter.
Les entreprises d'assurance ne sont pas les dernières à être séduites par le concept. Ainsi, pour retrouver une ligne financière plus athlétique, Generali a entamé un régime draconien marqué par son absence des écrans télés depuis deux ans. Mais la marque accentue ses soutiens au monde sportif. Idem chez Groupama. Touchée mais pas coulée par la crise financière, la mutuelle a réduit la voilure. Bien que ramenée au seul maxi-trimaran barré par Franck Cammas, son budget est tout de même évalué entre 4 et 5 M€ par an.
Au printemps et à l'été, une rafale de contrats a été annoncée : le basketteur Tony Parker et le perchiste Renaud Lavillenie ont signé chez April, et le biathlète Martin Fourcade à la MGEN. « Martin a le potentiel pour devenir l'un des sportifs les plus médaillés. Il gagne sans se doper et a toujours clamé haut et fort le dégoût que cela lui inspire. Il incarnera très bien notre message de prévention-santé par le sport. C'est aussi un bon vivant qui préférera toujours un sandwich aux truffes à un burger, ce qui le rend encore plus sympathique », sourit Sif Ourabah, directeur de la communication de la mutuelle des enseignants. D'autres que lui rêvent d'un bilan aussi époustouflant que celui d'AG2R La Mondiale. Son directeur général délégué peut revendiquer une victoire sur tous les tableaux (voir encadré ci-dessus). En cyclisme, les exploits de son équipe sur l'édition 2014 du Tour de France lui offrent des retombées médiatiques équivalentes à une grosse campagne télé. La performance est renouvelée dans la voile où l'arrivée au finish de sa Transat du même nom a pulvérisé quelques records d'audience sur la Toile.
70 M€ investis en 2013
L'assurance plébiscite donc le parrainage sportif. Au point de voir un jour ce dernier supplanter la communication traditionnelle ? Loin s'en faut. Certes, les dépenses du secteur en sponsoring paraissent élevées : Kantar Media, qui scrute les campagnes de pubs des grands annonceurs, les évalue à 70 M€ en 2013. Soit une goutte d'eau dans l'océan d'achats d'espaces dans la presse, la radio, la télévision et sur internet. Doit-il pour autant être considéré comme "la com' du pauvre", comme certains pourraient le penser ? Sûrement pas ! Car ce dynamisme se double d'un changement profond de sa finalité comme de sa physionomie.
D'abord, le fait du Prince appartient à un passé révolu. La crise, les contraintes de la bonne gouvernance et un contexte concurrentiel tendu ont eu raison du mythe de "la danseuse du président". Hier décrétés par des dirigeants autocrates sélectionnant des disciplines ou des compétitions en rapport avec leurs ambitions statutaires, ces investissements se sont professionnalisés. Désormais les décisions collégiales, validées et auscultées en comité exécutif, deviennent la norme. Ne serait-ce que pour emporter l'adhésion des salariés. « Ces actions procèdent de choix où prime l'influence que l'on veut acquérir, les valeurs et l'image d'Allianz que l'on veut véhiculer en interne et en externe », indique Anne-Dominique Legrand, directrice de la communication et de la marque d'Allianz France. « Nous passons beaucoup de temps à convaincre nos sociétaires que le sponsoring est indispensable pour recruter de nouveaux adhérents et qu'il est aussi une preuve de solidité de notre marque », reconnaît Sif Ourabah. Au fil du temps, la fierté l'emporte chez les salariés des enseignes : chez Axa, Eric Lemaire, directeur de la communication et de la responsabilité d'entreprise, revendique un taux de satisfaction de 81 % au sein des équipes pour le sponsoring du rugby.
Accélérateur de réseau
Car le rôle du sponsoring ne se cantonne plus à l'assurance d'une visibilité médiatique à moindre coût. Certes, les parrainages sportifs demeurent de puissants accélérateurs de networking, c'est-à-dire d'entretien de son réseau professionnel ou commercial, à coups de petits-fours, de champagne et de déplacements plus ou moins lointains. Là encore, les pratiques s'assagissent avec des invités toujours choyés, mais triés sur le volet : ne peuvent approcher les stars ou vivre telle compétition sur place et en direct, que celles et ceux pouvant prétendre apporter une réelle plus-value technique ou commerciale à la marque. Pour certains assureurs et mutuelles, ces opérations créent également des synergies avec leurs métiers. Le marché du nautisme ne pèse que 1 % des revenus de Generali. Mais l'Italien clame haut et fort ses origines maritimes, à l'origine de son arrivée et de sa percée en France, sous son nom et celui de certaines de ses acquisitions. A partir de l'assurance plaisance créée en France et de soutiens à des courses nautiques, l'assureur a pu développer des polices pour les fédérations sportives et pour leurs licenciés. Au point de titiller un autre acteur historique du sport français, les AGF passés sous l'ombrelle de l'allemand Allianz, partenaire officiel du CNOSF (Comité national olympique et sportif français). Dans un autre registre, Generali n'a pu décrocher la couverture de Roland-Garros, suite au veto posé par BNP Paribas et sa filiale dédiée. Le Lion de Trieste a cependant emporté l'assurance des adhérents de la Fédération française de tennis. « Nos engagements dans le sport varient en fonction des entrées et sorties de disciplines dans notre portefeuille d'assurés », précise Marie-Christine Lanne, directrice de la communication et des engagements sociétaux de Generali.
Le partenariat noué il y a près de quinze ans par Axa avec divers grands clubs de rugby lui a bien sûr permis de doper sa notoriété. Mais pas seulement au Sud d'une diagonale Strasbourg-Hendaye. D'abord, parce que l'assureur et ses filleuls multiplient les matches en Normandie, Bretagne et autres terres de missions pour l'Ovalie. Ensuite, parce qu'Axa ne manque jamais une occasion de mettre en avant les opportunités de reconversion professionnelle qu'il offre à d'anciens joueurs de très haut niveau, comme Patrice Lagisquet, entraîneur-adjoint du XV de France et agent général sur la côte basque. D'autres, portant toujours le maillot de leur club, drainent vers ce sponsor de nombreux prospects et clients, à en croire Eric Lemaire, ancien joueur de ce sport de voyou pratiqué par des gentlemen, à l'instar d'Henri de Castries ou de Claude Bébéar.
En quête de sens
Si aucune tendance ne se dessine en faveur des sports collectifs ou individuels, le sponsoring des acteurs de l'assurance est traversé par d'autres clivages. La carte de l'engagement du secteur dessine une certaine quête de sens des uns et des autres. Tous lient leurs actions à leurs enjeux de responsabilité sociétale et environnementale et aux justes causes qu'ils défendent. Très impliqué dans la défense de l'environnement, Generali a ajouté une corde à l'arc de ses programmes en faveur des sports. Ainsi, l'Italien et la star du football français Zinedine Zidane écrèment les clubs et associations sportives de France pour distinguer les initiatives en faveur d'un engagement citoyen, qu'il s'agisse de promouvoir la pratique des disciplines masculines par les femmes ou certaines minorités, ou tout simplement de favoriser leur accès à des publics éloignés de la pratique sportive ou défavorisés.
De son côté, Axa accentue sa présence dans le rugby : déjà sponsor d'équipes du Top 14, l'assureur a signé un nouveau partenariat en faveur d'équipes féminines. Le numéro deux européen du secteur va encore plus loin en alignant au départ des 24 heures du Mans, l'un de ses assurés sévèrement handicapé (lire p. 53). D'autres, comme la MGEN, s'engagent en faveur de la prévention des maladies chroniques « pour montrer que la pratique sportive est le meilleur médicament contre les maladies. Il nous apparaît fondamental d'associer activités physiques et économies sur les dépenses de santé, comme dans le cas du diabète qui apparaît comme un enjeu de taille en termes de santé publique », poursuit Sif Ourabah.
La vague du naming
Les lignes bougent également du côté des financements, voire de la nature des projets soutenus. Et dans ce domaine, l'assurance se démarque de tous les autres secteurs. En France, elle est en effet à l'origine de toutes les opérations de naming. Initiée aux Etats-Unis, cette pratique consiste à solliciter des entreprises pour financer la construction et l'entretien d'un stade, en échange du droit d'y apposer son nom et son logo pendant la durée du contrat, qui avoisine généralement la décennie.
A New York, Metlife a pu renommer le stade de football américain de New Rutherford où s'est tenue la dernière édition du Super Bowl en février. Dans l'Hexagone, trois partenariats de ce type ont éclos grâce au concours de trois assureurs et mutuelles : le MMArena du Mans, le Matmut Stadium à Lyon-Vénissieux et l'Allianz Riviera de Nice. Leur point commun ? Toutes ces initiatives concernent des sports collectifs, le rugby pour le Matmut Stadium et le football pour les autres, considéré comme un sport hors d'atteinte pour nombre d'annonceurs. En tout cas, l'assureur allemand s'engage à fond dans cette voie, qui impose un budget de près de 11 M€ chaque année. « Nous allons poursuivre notre naming. Nous voulons montrer que l'Allianz Riviera est une enceinte multifonctionnelle équipée pour accueillir des événements prestigieux. Nous développons la visibilité de ce partenariat de long terme en relayant les événements qui s'y déroulent, comme l'invitation surprise de jeunes de Fréjus à une séance d'entraînement des joueurs de l'Olympique gymnaste club de Nice. Allianz va également mettre ce lieu d'hospitalité prestigieux à la disposition de ses réseaux de distribution pour rencontrer ses clients », précise Anne-Dominique Legrand. Dans le petit monde du sport business, certains supputent un désengagement de l'Allemand vis-à-vis du comité olympique français... Rien de tel ne se profile selon la direction de l'entreprise.
Les modes de financement évoluent aussi. Car l'inflation gagne également le sponsoring. Au point d'imposer un recours à un co-sponsoring bien cadré. « Nous ne pouvons être à la fois juge et partie, avance Sif Ourabah. Il y a quelques années, on nous a proposé de sponsoriser un événement organisé par un laboratoire pharmaceutique. Nous avons décliné : nous ne voulions pas que nos adhérents nous soupçonnent d'être en affaire avec lui, ou de vouloir en faire un prescripteur de médicaments auprès d'eux. » « Nous ne voulons pas nous mélanger avec une marque trop ou pas assez forte, car Allianz est une enseigne relativement jeune en France », complète Dominique Legrand. Quid du crowdfunding ? Le financement du 30-Corsaires, le bateau d'Alexia Barrier, troisième de la dernière transat AG2R La Mondiale grâce à 38 parrains, en est un parfait exemple. Cette première a déclenché de jolies retombées médiatiques. « C'est une affaire à suivre », confesse un grand patron de l'assurance avec un sourire entendu.
L'équipe cycliste AG2R La Mondiale, créée en 1992, est arrivée première au classement par équipe du Tour de France 2014. Une victoire qui permet le développement de la notoriété de la marque auprès du grand public.
April moto est le partenaire officiel du Team AZ motos de Renaud Lavillenie, qui troque régulièrement sa perche contre une combinaison de moto. Pour April moto, ce partenariat répond à un objectif clair : profiter de l'aura médiatique de Renaud Lavillenie pour développer sa notoriété, sa visibilité et valoriser son statut de spécialiste de l'assurance deux-roues.
Quelques-unes des plus grosses opérations de sponsoring
La voile, l'un des sports préférés des assureurs
En plus de Macif, Groupama, Generali ou SFS, le groupe SMA - sponsor du bateau barré par Paul Meilhat pour les deux années à venir - est l'un des derniers assureurs à s'engager dans la voile.
Pour que l'Allianz Riviera porte son nom, Allianz a signé en 2012 un contrat pour le financement, la construction et l'exploitation du stade de Nice d'un montant de 1,8 M€ par an sur neuf ans, hors frais d'activation.