interview de la semaine

« La retraite progressive a de l’avenir »

Publié le 4 février 2016 à 8h00    Mis à jour le 8 février 2016 à 15h20

Florence duflot

Philippe Caré, directeur stratégie RH et rémunération chez Siaci Saint Honoré

Florence duflot
chef de rubrique

Même si la réforme des régimes de retraite complémentaire n’entrera en application qu’en 2019, nombre de grandes sociétés anticipent une évolution des intentions de départ en retraite de leurs collaborateurs. Siaci Saint Honoré les conseille et les accompagne dans la mise en place de solutions permettant aux salariés « de partir plus tôt en retraite, sans perte ».

Que pensez-vous de l’accord qui a été conclu à l’automne 2015 par les partenaires sociaux sur la retraite complémentaire du privé ?

La durée de vie s’allongeant, il paraissait logique que la durée de carrière suive la même voie. Cet accord était attendu depuis longtemps. Il s’est confirmé à la veille du sommet social et c’est plutôt une bonne chose que les partenaires sociaux aient réussi à s’entendre. Maintenant, je ne pense pas que les mesures prises permettent de combler durablement le déficit global des régimes de retraite complémentaires du privé. Elles leur permettent pour l’instant de moins solliciter les réserves. En effet, depuis plusieurs années, les caisses de retraite complémentaires – qui ne disposaient plus suffisamment de cotisations pour payer le dernier mois de l’année des retraités - avaient recours à l’emprunt pour pouvoir honorer le service des pensions aux retraités. Or, comme vous le savez, le recours à l’emprunt est désormais limité pour les différents organismes publics (dont les organismes de retraite) puisque leurs comptes sont consolidés dans les comptes publics de la nation. Et les critères d’endettement doivent être respectés. Pour payer le douzième et dernier mois, les régimes puisent désormais dans leurs réserves, et sans intervention, celles-ci auraient été épuisées en 2018.

Dans le prolongement de cet accord, la convention d’assurance chômage ne devra-t-elle pas être révisée ?

La convention d’assurance chômage actuelle doit être renouvelée mi-2016. Or, avec l’irruption du dispositif de bonus malus sur les retraites complémentaires à partir de 2019, les personnes pour lesquelles les trois dernières années de carrière l’auront été en tant que « chômeur » n’auront le choix que d’enchaîner avec une retraite complémentaire supportant un malus.

Pourriez-vous nous donner un ordre de grandeur de la décote chez les cadres du privé qui souhaiteraient quand même partir à 62 ans ?

Prenons le cas d’un salarié du privé qui touche en fin de carrière une rémunération brute annuelle de 50 K€. S’il part quand même à 62 ans, le montant de sa retraite sera amputé de 2 852 € sur trois ans. Celui qui perçoit 70 K€ verra son montant rogné de 4 470 € sur trois ans.

Comment se comportent les grands groupes notamment dans le secteur des services financiers ?

Beaucoup de grands groupes de ce secteur ont une pyramide des âges déséquilibrée, avec une part de population senior (> 55 ans) relativement élevée. Ces sociétés souhaitent donc anticiper et prévenir un éloignement de la date de départ en retraite ; pour autant, ils évaluent les différents dispositifs qui pourraient permettre un départ « non retardé ». De ce fait, certaines entreprises proposent de prendre à leur charge le rachat de trimestres de leurs salariés qui auraient éventuellement atteint leur date d’ouverture des droits. D’autres entreprises réfléchissent au fait de compenser l’effet « bonus malus » (perte potentielle sur les retraites complémentaires de 10 % pendant trois ans). Le montant n’est pas forcément élevé, et si la perspective est celle d’accélérer les dates de départ en fin de carrière, autant envisager la compensation.

Pour accélérer l’attrition de leur pyramide des âges, actionnent-ils d’autres leviers ?

Ils ont effectivement d’autres moyens à leur disposition. Certains utilisent les stocks de temps en proposant d’abonder le nombre de jours du compte épargne-temps (CET) en stock, si le salarié accepte de reporter ses jours de CET en fin de carrière. D’autres proposent une majoration des indemnités de fin de carrière aux personnes qui s’engagent à partir au moment où elles atteignent leur taux plein. Les bons schémas sont souvent ceux qui combinent plusieurs dispositifs. En tout cas, il y a aujourd’hui d’autres solutions que celles des préretraites d’entreprise et de la rupture conventionnelle, notamment la retraite progressive. L’assouplissement des conditions de mise en œuvre de ce dispositif depuis le 1er janvier 2015 le rend beaucoup plus attractif pour le salarié et « utile » pour l’entreprise. Ce régime peut être activé dès lors que le collaborateur a au moins 60 ans et justifie d’un minimum de 150 trimestres de durée d’assurance. Le salarié passe alors - via un avenant à son contrat de travail - à temps partiel à 60 % et perçoit 40 % de sa retraite.

La retraite progressive a donc de beaux jours devant elle ?

Cette solution présente de nombreux avantages. Le salarié continue de cotiser en travaillant, il perçoit une partie de sa retraite et évite le chômage. Pour l’entreprise, cela lui facilite sa démarche de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et lui permet de recruter plus tôt.

En tant que courtier spécialiste de la retraite, vous aidez les entreprises à faire les bons choix. Quelle est votre approche ?

Depuis deux ans et demi, à la demande des entreprises, nous modélisons des scénarios. Nous identifions les mesures qui leur sont le plus adaptées en fonction de leur masse salariale. Nous examinons avec elles ce que cela leur coûte de garder leurs salariés et ce que cela leur rapporte de les faire partir. L’étude affinée que nous leur remettons leur permet de prendre leurs décisions en connaissance de cause.

Siaci Saint Honoré a lancé en 2015 une offre transition emploi retraite en direction des entreprises. Quel est son contenu ?

Siaci Saint Honoré a développé une expertise dans la modélisation de ces différents éléments ; nous proposons une prestation d’ingénierie autour du bon pilotage des mesures de transition emploi retraite. Il s’agit d’une prestation d’assistance destinée aux directions des ressources humaines pour leur permettre : d’arbitrer entre les différents dispositifs et, au besoin, en les combinant, de mesurer les retours sur investissements, de disposer de son dispositif de transition emploi retraite - socialement faisable - et qui dégage des marges de manœuvre tant en termes de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC) que d’économies de masse salariale, et de proposer au salarié un accompagnement individuel à la prise de décision sur ses modalités de transition entre sa période d’emploi et la retraite.

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