Après un rejet en bloc du Sénat, l'Assemblée Nationale vient d'adopter la réforme des retraites. Bruno Chrétien fait le point sur le texte.
Quels sont les principaux pointsd’achoppement qui ont conduit au rejet massif du texte par les sénateurs ?
D’unemanière générale, on peut affirmer que la réforme des retraites est sous-dimensionnée par rapport aux besoins réelsde financement du système. Dès le départ, le gouvernement est parti sur deshypothèses de croissance, d’évolution du taux de chômage, etc. qui sontirréalistes. Ensuite, force est de constater que les vrais problèmes sontcontournés. Ainsi, la réforme ne concerne que les régimes de base et exclut lesrégimes spéciaux. Enfin, les mesures proposées ne sont que de petites mesurestechniques. Les mesures emblématiques comme le cumul emploi-retraite ou lecompte pénibilité sont soit préjudiciables, soit inefficaces.
Quelles sont, selon vous, les bonnesmesures à prendre pour réformer le régime ?
Dans unpremier temps, il est nécessaire de repousser l’âge légal de départ à laretraite de façon plus importante que ce qui est proposé actuellement, c’est-à-direaller jusqu’à 65 voire 67 ans comme c’est déjà le cas dans plusieurs payseuropéens. Ensuite, il faut envisager de ramener les droits à hauteur de ce queles salariés ont réellement payé. Autrement dit, il faut baisser les pensions.C’est déjà ce qui est mis en place par les partenaires sociaux par exemple dansle cadre de l’accord Agirc/Arrco du 13 mars 2013, mais il faut que cela soitgénéralisé au niveau national. En fait, sur plusieurs points, on peut dire quela réforme se passe en sous main. C’est notamment pour cette raison que laréforme proposée est sous-dimensionnée.
Quelles conséquences faut-il attendre surles régimes de retraites complémentaires ?
Il yavait une forte attente de la part des organismes gérant un régime complémentairede retraite sur cette réforme. Ils s’attendaient à un durcissement des règlesdu régime général. Or, comme je vous l’indiquais, le texte proposé au Parlementne contenait que des mesures mineures repoussant les décisions importantes à2020 et 2030. Il n’y aura donc pas d’impact immédiat sur les provisions desorganismes.
En tant que président de l’Institut de laprotection sociale, quel regard portez-vous sur l’actuel débat portant sur lesclauses de désignation en santé ?
Cedébat m’inspire plusieurs remarques. Tout d’abord, les recommandationsincitatives que le gouvernement souhaite mettre en place révèlent sa vision dela mutualisation du risque en général. Mais surtout, ce qui paraît primordial,c’est de régler le problème du financement syndical qui est sous-jacent dans cedébat. Enfin, je m’interroge sur cette polémique, car il me semble finalementplus important de s’occuper de réglementer le risque prévoyance plutôt que lerisque santé. La prévoyance est en effet un risque lourd sur lequel il existeun réel enjeu de mutualisation alors que la santé devrait relever du librechoix des entreprises sur les couvertures à mettre en place pour leurssalariés.
La protection sociale des salariés estd’ailleurs à l’ordre du jour de la feuille de route le l’IPS. Pouvez-vous nousen dire plus ?
Eneffet, ce sujet sera prioritaire pour l’Institut en 2014. Et, d’ores et déjà,je peux vous dire que nous allons présenter, le 2 décembre, une série de 14 propositions destinées à réformer le système actuel de protection sociale dessalariés. Nous proposons par exemple des mesures radicales de sécurisationdes régimes d’entreprise pour ne plus avoir à revivre des mises en conformitéaussi inutiles que celles touchées par le décret du 9 janvier 2012. De même,nous suggérons de réfléchir au financement, durant la vie active, descomplémentaires santé qu’il faudra payer durant sa retraite.