Daniel Havis, leprésident de la Matmut, fait un point d’étape sur l’activité 2015 mais aussisur les enjeux d’un exercice charnière, tant pour la profession que pour sonenseigne.
Pourquoi avoir séparéles fonctions de président et de directeur général à la Matmut ?
Si j’ai séparé les fonctions, c’est parce qu’il me paraissaitnaturel d’enclencher le renouvellement générationnel qui va nécessairements’imposer à la Matmut. Je vais bientôt avoir 60 ans et j’étais PDG de la Matmutdepuis 1994. Un directeur général a besoin de constituer son équipe et il n’estpas forcément à l’aise dans les chaussures de son prédécesseur.
Il m’a semblé correct de gérer cette transition en anticipantmon retrait des fonctions de DG et en les laissant à Nicolas Gomart. C’est laraison de fond. Il a ainsi le temps de fonctionner avec mon équipe, d’enmesurer les forces et les faiblesses et de construire sa propre équipe, eninterne ou en externe, même si je souhaite que l’on conserve cette tradition depromotion interne. Enfin, cette séparation des fonctions se fait dans lecontexte du principe des quatre yeuxdemandé par Solvabilité II.
Comment faites-vous évoluer votre réseau de points devente ?
Un réseau de distribution est un outil à trois têtes :agences physiques, téléphone et Internet. Tout cela doit fonctionner en crosscanal, avec des investissements conséquents car nos assurés aiment lajuxtaposition d’Internet, du téléphone et du face à face en agence. Le toutsans que cela coûte plus cher au sociétaire !
Mais pour cela, il faut que notre réseau physique disposed’une définition claire de son rôle. Depuis quelques années, nous avons sortide l’agence le volet gestion des sinistres, regroupé désormais sur six plates-formes régionales et au siège. Aujourd’hui, on s’aperçoit parfois qu’ilfaut renvoyer la gestion des sinistres dans les agences, avec du personnelspécialisé qui vient épauler les salariés en place et répondre aux questionsdes sociétaires. C’est le cas par exemple lors des événements climatiquesrécents à Montauban, Lyon ou encore sur la Côte d’Azur.
La mission du réseau est complexe et il faut constamment lerestructurer par rapport aux nouveaux usages et en fonction des besoins. Le déploiement desréseaux téléphone et Internet rend moins indispensable une présence d’extrêmeproximité et les toutes petites agences d’un seul collaborateur deviennentmoins nécessaires et justifiées. Elles sont par définition coûteuses cardifficiles à équilibrer en volume d’activité, et elle n’ont pas vocation à sedévelopper. Il n’y a pas de décision de fermeture, mais ces points ne serontpas développés.
Notre priorité est au développement des agences de 3 ou 4collaborateurs de façon à en rendre la gestion plus aisée et permettre unecertaine spécialisation des collaborateurs. Nous avons besoin de renfortstechniques pour garder notre rôle qualitatif. Le réseau est une force pour lamutuelle mais il doit s’accompagner d’un travail de fond pour disposer d’un meilleurservice dans le respect de l’équilibre économique du groupe Matmut.
Votre participationdans MutRé est-elle bien à vendre ?
Je ne suis pas activement vendeur mais je déteste ce qui nesert à rien. Aujourd’hui, notre part dans MutRé, d’une valeur comprise entre 35et 40 M€, ne sert plus à la Matmut. Elle avait du sens quand de nombreusesmutuelles avaient besoin de couvertures, mais le nombre de mutuelles abaissé et entre les structures de réassurance déjà actives sur le marchéfrançais et celles qui émergent, l’avenir de MutRé apparaît contraint. Si vousajoutez à cela que l’entreprise ne peut pas accéder à d’autres marchés de laréassurance sans piétiner les plates-bandes de Scor, son autre actionnaire deréférence, il n’y a pas beaucoup de place pour se développer.
Où en est la situationfinancière de l’Institut Mutualiste Montsouris (IMM) ?
La situation de l’Institut Mutualiste Montsouris (qui faitpartie de la structure MFPASS dans laquelle nous sommes partenaires à 50% avec la MGEN)est simple : l’outil est en bonne condition de fonctionnement mais neperçoit pas les dotationsaffectées au financement des missions d'intérêt général et à l'aide à la contractualisation (MIGAC) pour compléter ses ressources, car ilfonctionne sur la base du tarif Sécu.
Si l’on regarde la productivité de l’IMM et les montantsperçus, il y a aujourd’hui un écart très conséquent par rapport à d’autresétablissements parisiens. L’endettement cumulé global est très significatif, àplus de 200 M€, et si l’on ne trouve pas une solution avant la fin de l’année, laquestion de l’existence même de l’hôpital est en jeu. Si l’institut touchait les aides qui lui sont dues, nousn’aurions plus de problèmes d’équilibre et l’on pourrait très bien sauver l’établissement.
Serez-vous candidat àla présidence de la Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF) ?
Le mandat d’Etienne Caniard à la présidence de la FNMFarrivera à son terme à l’issue de la prochaine assemblée générale. Sonremplacement sera à l’ordre du jour lors de cette assemblée et jeréaffirme que selon moi le meilleurcandidat est Thierry Beaudet. S’il lesouhaite, je serai à ses côtés pour sa campagne et/ou pour l’aider à élaborersa plate-forme et la conduire ensuite.
Je ne suis pas sûr d’être l’homme auquel aspire la Mutualitéfrançaise pour conduire ses destinées. Je suis sans doute trop un hommed’entreprise et pas assez un homme de mouvement. Ce sera avec plaisir que jecontinuerai à prendre ma part à la FNMF si l’on veut de moi, mais je n’ai aucuneenvie de candidater.
Quel regard portez-voussur la construction actuelle de l’Association française de l'assurance que vous avez contribué à créer ?
En tant que structure sommitale, l’Afa répond à un besoin dumarché. Cela dit, je reste attentif à laisser aux mutuelles qui le souhaitentun lieu où elles pourront continuer à avoir une réflexion en commun sur leurspécificité de mutuelles d’assurance. Sur ce sujet, je n’ai pas d’état d’âme,cela peut être le rôle d’un Gema recomposé.
Il faut se méfier du manque qui pourrait résulter d’unestructure monolithique à laquelle les sociétés adhéreraient individuellement etd’une gouvernance qui ne laisserait pas de place à l’ensemble des membres.Aujourd’hui, toutes les mutuelles du Gema participent avec assiduité auxréunions de la commission exécutive où chaque société a une voix. Dansl’hypothèse où le Gema aura 33% dans la structure sommitale de l’Afa, il vafalloir apprendre à codécider et à réduire le nombre de participants.
Qu’en sera-t-il demain ? Les forces du mutualisme, lafaçon dont les membres de nos entreprises vivent leur sociétariat, laperception particulière qu’ils ont du marché sont autant de singularités qu’ilne faut pas laisser s’étioler et disparaître. Il faut se battre pour que cetatout persiste et ce n’est pas au sein de la sommitale que cela peuts’organiser.
Avec un système d’adhésion directe des mutuelles, je ne crois pas à un pôle mutualiste fortdans l’Afa. Que la maison commune ne soit pas confédérale, je l’entends bien.Que le Gema ne soit pas appelé à discuter des mêmes sujets que l’Afa, je peuxle comprendre. Néanmoins, nous avons des spécificités sur certains sujets surlesquels il faut que l’on puisse continuer de débattre. Quand certainsassureurs sont favorables au transfert des provisions vers les contrats en UC,les mutuelles n’ont pas forcément la même position. Il faut qu’il y ait unestructure qui organise ces échanges. Le pôle mutualiste tel qu’il est imaginéaujourd’hui n’est qu’une vision abstraite, il faut lui donner un corpus.
(Retrouvez la suite del’interview de Daniel Havis dans le numéro du mois de novembre 2015 de LaTribune de l’assurance.)