« Il y a une montée en puissance de la mise en cause des intermédiaires »

Publié le 7 janvier 2016 à 8h00

Thierry Gouby

Thierry Gouby
Journaliste

A l'origine de l’Observatoire européen des intermédiaires d’assurance, CGPA Europe travaille depuis 2012 sur le marché de la RC pro des intermédiaires européens et dispose aujourd'hui d'un portefeuille d'environ 14 000 courtiers et agents hors de France. Eric Evian, son directeur général délégué, fait le point sur l’activité et les perspectives de la filiale du groupe CGPA et sur la santé des intermédiaires sur le Vieux Continent.

Quel est le périmètre d’activité de CGPA Europe ?

En 2012, CGPA a décidé de se diversifier à l’international en créant une filiale dédiée aux activités européennes, d’une part parce que le groupe couvrait déjà la quasi totalité des agents généraux et plus de 50 % des courtiers français, et d’autre part parce que l’harmonisation des conditions d’exercice d’intermédiation en Europe s’est largement renforcée ces dernières années.

Ainsi, l’obligation d’assurance RC pro pour les intermédiaires étant largement répandue sur le Vieux Continent, les conditions de distribution et par conséquent de mise en cause de la responsabilité des intermédiaires ont elles aussi évoluées, avec une notion de devoir de conseil exacerbée.

Nous avons donc regardé en premier lieu le marché italien parce qu’il est structurellement très proche du marché français, notamment dans les modes de distribution. C’est un marché plutôt composé d’agents, avec des courtiers qui progressent de façon constante. Les agents y ont l’obligation de se couvrir en RC pro, ce qui n’est pas le cas en France, même si ces derniers s’assurent volontairement au terme d’un accord politique entre les compagnies, CGPA et les agents. Fin 2012, nous avons donc créé une succursale à Rome et embauché des équipes locales pour faire corps avec le marché.

En Italie, nous avons désormais un partenariat avec les trois syndicats nationaux des agents d’assurance et nous assurons aujourd’hui le plus gros réseau d’agents italien : UnipolSai Assicurazioni. Nous sommes également co-assureurs des agents du groupe Generali et de l’association des courtiers italiens, nous y assurons actuellement entre 4 et 5 000 intermédiaires.

Dans quels autres pays êtes-vous actifs ?

Nous avons lancé en même temps qu'en l’Italie une activité en Irlande, dans un contexte complètement différent car le pays est plus petit, avec environ 3 500 courtiers et quasiment pas d’agents.

La RC pro étant une variable d’ajustement des stratégies commerciales des assureurs professionnels, de nombreux opérateurs sont rentrés massivement sur le marché irlandais avant d’en sortir rapidement ces dernières années. Lassées de ce « stop and go » des assureurs, les instances professionnelles étaient en demande de couvertures sur le long terme.

Nous nous sommes donc engagés sur ce marché car nous pensons qu’il est profitable, à condition qu’il soit géré convenablement, avec de bonnes pratiques, notamment pour faire baisser la sinistralité. Nous y sommes partenaires d'un courtier local et CGPA Europe est en passe de devenir le premier assureur de RC pro des intermédiaires du pays. Nous devrions renforcer cette position l’an prochain, car nous enregistrons une croissance de 30 % chaque année depuis notre arrivée.

Enfin, nous sommes aussi présents au Luxembourg. C’est un marché d’agents pour la demande intérieure et un marché de courtiers (environ 130 dans le pays) pour la demande extérieure, avec une forte dépendance à la LPS (en assurance vie essentiellement). Nous sommes devenus partenaire de la Fédération des courtiers luxembourgeois (FCA) et de l’Association des agents d’assurance. Nous travaillons à essayer de développer notre position, car même si ce n’est pas un marché où nous allons réaliser le plus de chiffre d’affaires, c’est une zone offrant de très bons résultats.

Visez-vous d'autres implantations ?

Depuis le 1er janvier 2016, nous sommes sur le marché britannique au travers d’un partenariat avec un courtier spécialisé, tout en faisant partie des recommandations de l’association des courtiers d’assurance anglais (Biba) pour leurs membres.

Nous sommes également en train de développer un partenariat avec Axa au Maroc pour assurer le réseau de leurs agents dans le pays, ainsi que le réseau des intermédiaires marocains. C’est une diversification intéressante qui peut nous ouvrir les portes d’autres partenariats stratégiques avec Axa et qui nous fait mettre le pied dans un marché fortement influencé par ce qui se passe en Europe et révélateur du futur de l’assurance en Afrique.

Enfin, nous regardons aussi l’Allemagne, la Belgique et l’Espagne, mais sur ces deux derniers marchés, les intermédiaires ont déjà organisé leur RC pro autour d’un pool d’assurance. Il n’y a donc pas vraiment de raison qu’un nouvel entrant émerge, si ce n’est avec une approche différente et non concurrentielle. Par contre, nous pouvons améliorer les pratiques, adhérer à ces pools d’assurance et proposer notre savoir-faire.

Quels sont aujourd’hui les motifs de mise en cause de la responsabilité des intermédiaires ?

Il y a une montée en puissance très nette de la mise en cause des intermédiaires au titre du devoir de conseil. Il y a encore quinze ans, les principales raisons de ces mises en cause concernaient l’erreur matérielle. Ce temps-là est révolu. L’arrivée de la première directive intermédiation, le renforcement des obligations mises à la charge des intermédiaires et le renversement de la charge de la preuve opérée par les tribunaux ont fait peser un fardeau plus lourd sur ces derniers.

Aujourd’hui, 60 % des cas de mise en cause sont liés au devoir de conseil, même s'ils sont très difficiles à estimer, contrairement à l’erreur matérielle. De plus, les demandes des assurés peuvent se montrer plus extensives : ça va de la perte d’un bien assuré à la perte de chance, ce qui engage des montants d’indemnisation plus importants.

Qui sont les plus mis en cause entre agents et courtiers ?

La fréquence des sinistres est plutôt du côté des agents, alors que l’intensité est plutôt du coté des courtiers. Cela se justifie d’abord parce que nous assurons plus d’agents que de courtiers, ensuite parce que le chiffre d’affaires des agents est constitué en majorité avec une clientèle de particuliers, alors que celui des courtiers est réalisé avec une clientèle d’entreprises, les valeurs sont donc différentes.

Ce que l’on constate sur l’origine de la mise en cause de la RC pro des intermédiaires, c’est que l’incendie et la sous-évaluation des biens assurés arrivent en tête. Ce ne sont donc pas nécessairement les produits d’assurance vie ou des produits d’assurance sophistiqués qui posent problème. A cela vient s’ajouter des problèmes de bonnes pratiques professionnelles de vente de contrats.

Il y a malgré tout des mises en cause sur les produits d’épargne un peu plus sophistiqués, type défiscalisation, qui peuvent être à l’origine de sinistres lourds. Il y a même des risques de sinistres sériels, puisque si un montage est défaillant une fois, il peut l’être plusieurs fois.

L’intermédiation d’assurance est-elle finalement une profession sinistrogène ?

C’est en tout cas une profession sensible à sa mise en cause professionnelle et formée de plus en plus pour y faire face. C’est une population avec des obligations importantes et la régulation est amenée à augmenter ces obligations de protection, ce qui va de fait améliorer le risque.

Si l’on prend les mises en cause en Europe, elles sont aujourd’hui concentrées autour de trois pays : la France, le pèrimètre Royaume-Uni/Irlande et la Belgique. Ailleurs, la sinistralité est relativement faible, à part quelques pointes sur des sinistres lourds avec une fréquence contenue. Ce que l’on sait, c’est que la mise en cause des intermédiaires croît avec la maturité juridique du marché, de son environnement et de la connaissance que peut en avoir le consommateur. Ainsi, agents et courtiers qui travaillent dans les marchés moins matures sont pour l’heure moins mis en cause.

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