« Il ne faut pas voir le marché de la surcomplémenaire comme un eldorado »

Publié le 14 février 2013 à 8h00    Mis à jour le 22 octobre 2015 à 12h40

Romain Beausoleil


Xavier Toulon, associé-fondateur du cabinet de conseil Merypta

L’auteur de l’ouvrage Complémentaires santé, il va falloir assurer ! revient surles conséquences de l’accord national interprofessionnel (ANI).

Quel regard portez-vous surl’ANI et sur l'avant projet de projet de loi qui en découle?

L’accord national interprofessionnel ne pourra être qu’une pièced’un dispositif plus global. Car il ne répond que partiellement à laproblématique de l’accès aux soins et au concept de la "complémentairepour tous". Les réflexions ne vont donc pas s’arrêter à cet accord du 11 janvier qui ne prend pas en compte la situation de populations potentiellementfragiles : jeunes sans emploi, personnes âgées…Quant au projet, il vient éclaircir certains aspects quiparaissaient assez mal « ficelés » dans l’accord. La prise en comptedes entreprises de moins de 50 salariés, par exemple. La grande surprise vient évidemment du retour possible des clausesde désignation. Justifié par des contraintes d’ordre juridique, Il changel’analyse des conséquences possibles de l’ANI pour l’ensemble des acteurs. Pourcertains d’entre eux, cela peut être assez inquiétant. L'ANI est intervenu alors qued’autres chantiers ont été annoncés par le président de la République. Je pensenotamment à la fiscalité des régimes collectifs avec la disparition desexonérations, annoncée lors du dernier congrès de la FNMF, au bénéfice d’unerépartition "plus équitable" des aides publiques. En l'état, l’accord va,au contraire, faire augmenter le montant des exonérations. Notons toutefois quele texte ne fait référence à la consultation des partenaires sociaux ques’agissant des exonérations sociales. Il n'est pas fait référence aux exonérations fiscales, ce n'est peut être qu'un oubli... Par ailleurs, le projet de loi ne statue pas sur certains points, de manière à permettre une cohérence d'ensemble.

Vous songez à la refonte ducontrat responsable ?

Oui. Comme vous le savez, la reforme du contrat responsablesouhaitée par l’exécutif a pour but, notamment, d’améliorer le niveau decouverture en optique et dentaire, mais aussi probablement pour lesdépassements d’honoraires suite à l’accord sur l’accès aux soins conclu en find’année dernière. Or, force est de constater que sur ces points, l’ANI a étéconclu a minima. Dans la mesure où ilprévoit une prise en charge de 25 % des dépassements honoraires en dentaire,soit à peine plus de 25 € pour une prothèse, et ne prend pas en compte lesdépassements d’honoraires des médecins. Et comporte une garantie forfaitaire de100 € pour l’achat d’une paire de lunette. La cohérence entre ce socle de garanties et letrès attendu nouveau contrat responsable posait problème. Laloi renvoie à plus tard la définition de ce socle, ce qui est plus logique.

Pensez-vous qu'il restera des marges de manœuvre en santé individuelle ?

Comme j’ai pu l’écrire dans mon ouvrage Complémentairessanté, il va falloir assurer !, ce segment est confronté à un effetde ciseaux. Celui de l’explosion du coût d’acquisition et celui de ladiminution de la durée de vie moyenne des contrats. Avec la généralisation descomplémentaires dans le monde de l’entreprise prévue pour 2016, le marché del’individuel va évidemment s’appauvrir. Quantitativement et qualitativement.Qui seront alors les assurés potentiels ? Les étudiants, les jeunesn’ayant jamais travaillé qui ont vocation à rentrer dans un régime collectif àcourt terme. Les chômeurs, qui seront éligibles à la CMU ou en passe derejoindre le monde du salariat. Et, enfin, les jeunes retraités, lesfonctionnaires qui constitueront, avec les TNS, les seuls marchés rentables enindividuel. Il reste aussi le potentiel marché des surcomplémentaires. Mais toutdépendra des niveaux de garanties mis en place sur lecollectif obligatoire et donc, en partie, du contrat socle. La demande serad’autant plus solvable que le budget d’assurance santé des ménages concernés vabaisser avec, notamment, la prise en charge à 50% par l’employeur. Mais il nefaut pas voir systématiquement ce nouveau marché comme un eldorado pourautant ! Et cela pour deux raisons. Tout d’abord, la surcomplémenaire estdéjà une réalité avec des opérateurs bien installés qui sont souvent les mêmesqui distribuent, puis gèrent, les contrats collectifs. Ensuite, il faut bienvoir que cet attrait pour la surcomplémenaire sera de nature à créer une forteanti-sélection.

Mais les acteurs positionnéssur l’individuel pourront se mettre aussi au collectif…

En théorie, vous avez raison. Mais il faut être prudent etne pas tirer de conclusions hâtives en désignant dès aujourd’hui les gagnantset les perdants de l’ANI. En réalité, tout dépendra de la façon dont seratransposé l’accord dans la loi. Quelles seront les règles de transparence pourles appels d’offres ? Quelle sera l'importance des accords de branche avec recommandations? Autant de questions qui restent aujourd’hui sans réponseet seront déterminantes pour permettre d’anticiper les grands mouvements demarché. Des problématiques très prégnantes sur lesquelles je travaille au seinde mon cabinet Merypta, en partenariat avec Ki-Partners, dirigée par JosetteGuéniau et Marie-Sophie Houis-Valletoux.

C’est-à-dire ?

Tout l’enjeu sera de savoir si la généralisation de lacomplémentaire s’effectuera par branche ou par entreprise. Si un accord esttrouvé à l’échelle d’une branche, il est évident que les acteurs les mieuxpositionnées seront les institutions de prévoyance. Et d’autant plus si une IPa déjà noué un accord en prévoyance avec la branche d’activité en question.Elle aura alors toute la légitimité et les connaissances pour offrir sesservices et élargir ses activités. Si la généralisation s’effectue parentreprise, la compétition commerciale classique jouera à plein. Les agentsgénéraux, les courtiers de proximitéainsi que les petites et moyennes mutuelles indépendantes pourrontéventuellement "tirer les marrons du feu". Mais ces dernièresne sont, en l’état, clairement par armées et structuréespour se porter candidat au niveau d’une branche. La seule solution passera parla signature de partenariat de distribution. Un mouvement déjà initié parcertaines mutuelles 45 ainsi que des mutuelles sans intermédiaires.

Qu’en est-il des bancassureurs qui nourrissaient de grandes ambitionsdans le domaine de l’assurance individuelle ?

La situation est un peu différente pour les bancassureurs quebeaucoup voient comme les grands perdants de cette affaire. Vous n’êtes pass’en savoir qu’ils entretiennent des liens privilégiés avec leurs clients,qu’ils soient particuliers, professionnels, ou entreprises. Je pense que lebesoin de trésorerie des entreprises, en particulier en temps de crise, etl’importance des services financiers en général positionnent les bancassureurs dans une situation commercialeintéressante. Tout n’est donc pas perdu pour ces opérateurs qui ont largementfait leur preuve en matière de distribution de produits d’assurance. Reste à selancer sur le marché du collectif sur lequel beaucoup ne sont pas présents. Ce nesera pas facile, notamment au regard des délais, mais pas impossible.

A noter que Xavier Toulon interviendra à la matinale du LAB le 12 marsconsacré à l’ANI. Inscription surwww.cerclelab.com.

Dépêches

Chargement en cours...

Dans la même rubrique

«Marsh France est en croissance de 10 % sur 2024»

Fabrice Domange, à la tête de Marsh France depuis 2016, revient sur une décennie de transformations...

Panorama 2025 des capacités grands risques

À l'occasion des 32 Rencontres de l'Amrae, qui se tiennent à Deauville du 5 au 7 février, retrouvez...

Anticiper l’inattendu, un impératif stratégique

Dans un monde où les crises s’intensifient et se diversifient – des cyberattaques aux catastrophes...

Voir plus

Chargement en cours...

Chargement…