« Il faut mesurer la qualité de l'euro investi »

Publié le 9 décembre 2011 à 6h00    Mis à jour le 22 octobre 2015 à 12h43

La pub est-elle la recette miracle pour régner sur le monde de l'assurance ?

La première cause de notoriété, c'est le taux de pénétration. Demandez aux gens de citer une marque, ils vous citent d'abord celle dont ils sont clients. En termes de mémorisation publicitaire, là encore, ils vont d'abord penser à la campagne de leur assureur. La marge de manœuvre demeure

simplement l'investissement publicitaire. Un annonceur qui accapare à lui seul 30% de parts de marché doit, dans les études de notoriété ou de mémorisation, être crédité de ce leadership en pondération des réponses des personnes interrogées. Ainsi seulement peut-on mesurer l'efficacité de ses campagnes en comparant son niveau de notoriété à celui de sa pénétration. Là réside le réel différentiel d'impact.

La bataille est donc perdue lorsqu'on n'est pas leader ?

Bien sûr que non. Il reste des challenges à relever. Prenez MMA, qui ne dépasse pas 10% de pénétration et dont la notoriété est trois fois supérieure. Tout porte à croire que ce sont ses investissements massifs qui l'ont conduit à ce résultat. Or, même si l'on croit le contraire, ses investissements sont très loin des sommets. C'est clairement le terrain qualitatif qui fait alors la différence. On peut parler de qualité de l'euro investi.

Et cette qualité, c'est la créativité, donc vous...

En quelque sorte. Maaf et MMA ont toutes les deux des images de marque nettement supérieures à leur taux de pénétration et à leurs parts d'investissement. Lorsqu'on regarde les chiffres sur dix ans, on ne peut pas parler d'effet campagne instantané. Avec 2 500 personnes interrogées tous les mois, on ne peut pas tricher.

Mais n'est-ce pas un choix facile d'aller chercher le client sur le terrain de l'humour et de la dérision lorsqu'on parle d'assurance ?

Mais la dérision, c'est la forme. Nous avons d'abord travaillé le fond. Revenons au cas MMA. Il y a onze ans, les Mutuelles du Mans assurances étaient en état de mort clinique. Il fallait un électrochoc. Nous nous sommes dit que l'assurance, dans l'imaginaire populaire, c'était la complication, les petits astérisques, les problèmes. Nous avons donc voulu trancher en présentant l'assureur anti-stress, d'où « zéro tracas, zéro blabla ». J'insiste : nous servons avant tout le propos. C'était en 1999 et MMA avait l'une des plus mauvaises images du marché. Onze ans plus tard, en ayant creusé ce sillon sans changer de ligne, ce n'est plus le cas.

Le secret, c'est l'humour, la légèreté ?

Pas seulement. Nous avons redressé l'image en faisant aussi des progrès en matière de service. Mais se montrer plus souriant, s'affirmer accompagnateur de vie et pas seulement de sinistre, ça compte aussi. C'est un tout. D'ailleurs, les réalisateurs que nous avons choisis sont en phase avec cette démarche. A Patrice Leconte ont succédé Alain Corneau, puis Antoine de Caunes aujourd'hui. Ils représentent un cinéma français populaire de qualité. « Populaire » et « qualité », tout est dit...

Et le concept de communauté que vous développez depuis cette année n'est-il pas un peu facile ?

Je ne crois pas. Nous avons senti la nécessité, avec la crise, de remettre en avant le mutualisme, qui n'est rien d'autre qu'un réseau social. Le XIXe siècle était en fait d'une modernité folle. Nous avons juste choisi une nouvelle façon de dire « mutuelle ». Aujourd'hui, les clients ont pris le pouvoir. Et comme la publicité est révélatrice de ce qu'est une société, nos films le disent.

La démarche entreprise avec la Maaf est-elle du même ordre ?

Pas vraiment. La méthode Maaf est très « proctérienne » (en référence à Procter & Gamble, multinationale fabriquant des produits d'hygiène et beauté, NDLR). Comme dans une publicité pour une lessive, le client met au défi la marque de résoudre son problème, on fait la démonstration de la résolution et on termine par une happy end. Mais encore une fois, la forme est mise au service du fond. La notoriété pour la notoriété ne suffit pas. Et depuis 2004, un sacré chemin a été parcouru. La société s'est totalement approprié le message « efficace et pas cher ! ». C'est exactement ce que les gens veulent.

Que répondez-vous à ceux qui vous accusent en quelque sorte de faire du bruit ?

La base de notre métier, c'est bien de répondre à une attente en trouvant la forme adéquate. On nous accuse de faire du bruit, mais nous en faisons au service d'une stratégie et sans investir plus que les autres. Notre chance est que le leader n'a pas trouvé le terrain pour communiquer plus fort que nous. Sur le papier, il a la meilleure crédibilité. Mais maintenant, sur le terrain publicitaire, il va être difficile de nous prendre la place...

Alors, quels conseils donneriez-vous aux concurrents ?

J'essaierais d'investir un autre terrain. Il n'y a plus de place sur celui-là. La plupart des gens ne savent pas attribuer une publicité à un annonceur. Ils ne savent pas qui parle. Or, les messages de Maaf et de MMA sont attribués à la première image. Ce sont des fondamentaux parfois oubliés. Tant mieux pour nous. Mais attention à la faute de quart. Nous ne pouvons pas nous la permettre. Il en existe de deux sortes : désinvestir et oublier les fondamentaux qui font l'originalité de nos communications.

Comment expliquez-vous ce double succès, au-delà des recettes que vous avez détaillées ?

Nous allons chercher des créateurs, pas des créatifs. Nous avons travaillé avec Coluche, avec Jean-Paul Goude, avec Bertrand Blier, aujourd'hui avec Jean-Michel Ribes et d'autres. Le créatif pompe l'univers des autres alors que le créateur a le sien. Et puis, nous sommes en phase avec l'époque. Les gens deviennent publiphobes. Surtout en ces périodes de crise, ils veulent du souriant, du court, du compréhensible. Evidemment, cela nous sert. La pub, c'est le pied dans la porte. Après, c'est aux commerciaux de jouer...

Propos recueillis par F.S.

Dépêches

Chargement en cours...

Dans la même rubrique

«Marsh France est en croissance de 10 % sur 2024»

Fabrice Domange, à la tête de Marsh France depuis 2016, revient sur une décennie de transformations...

Panorama 2025 des capacités grands risques

À l'occasion des 32 Rencontres de l'Amrae, qui se tiennent à Deauville du 5 au 7 février, retrouvez...

Anticiper l’inattendu, un impératif stratégique

Dans un monde où les crises s’intensifient et se diversifient – des cyberattaques aux catastrophes...

Voir plus

Chargement en cours...

Chargement…