En coopération avec la MSA, l'assureur mène une expérience dans deux régions pilotes pour améliorer l'organisation de l'offre de soins.
Désireux d'apporter leur contribution à la lutte contre la désertification médicale, Groupama et la Mutualité sociale agricole (MSA, le régime de protection sociale du monde agricole) mènent une expérimentation dénommée "Pays de santé". L'assureur complémentaire et la MSA connaissent bien le monde rural, et sont confrontés dans leur activité quotidienne au risque de désertification médicale. Il ne servirait à rien d'assurer une couverture maladie obligatoire ou complémentaire sans médecin pour dispenser les soins, et les deux partenaires travaillent donc sur le sujet dans deux zones rurales pilotes, en Dordogne et dans les Ardennes. Les deux partenaires apportent leur expertise, mais c'est Groupama qui finance seul le projet, environ 80 000 € annuels pour chacun des deux bassins d'expérimentation.
Pourquoi cette implication ? Groupama, un des plus gros acteurs du monde de la complémentaire santé, est concerné par l'organisation du système de soins. Assureur mutualiste, il compte parmi ses administrateurs des personnes en prise directe et quotidienne avec la médecine en monde rural. Parce qu'ils y vivent, voire parce qu'ils y exercent un mandat d'élu local.
Se concentrer sur les consultations
Pour enrayer le processus de désertification médicale, les tentatives existantes visent surtout à amener de nouveaux médecins à s'installer dans des zones souffrant d'un déficit. Qu'il s'agisse d'initiatives isolées d'élus locaux - qui recrutent des médecins étrangers ou financent les études d'étudiants qui s'engagent à venir exercer une fois devenus médecins -, ou des mesures d'incitation ou de coercition du gouvernement - qui se garde toutefois de contrarier une profession réputée savoir défendre ses intérêts.
De leur côté, Groupama et la MSA cherchent à travailler avec les professionnels déjà installés, et à leur faciliter la vie. L'organisation, en cours d'expérimentation, cherche à maintenir un accès aux soins de qualité en aidant les médecins à se concentrer à leur coeur d'activité, c'est-à-dire les consultations. L'idée étant qu'à moyen terme, rendre l'exercice de la médecine en milieu rural plus attractif incitera de jeunes médecins à préférer la campagne à la ville.
Concrètement, "Pays de santé" passe par le recrutement d'une infirmière coordinatrice, dont le salaire constitue une part du coût du projet. Grâce à elle, trois objectifs sont poursuivis : décharger les médecins de certaines tâches, mener des actions de prévention auprès de la population, et faire vivre une "démocratie sanitaire" chère aux administrateurs de Groupama et aux élus locaux, avec un conseil Pays de santé qui fait régulièrement le point sur le projet. «Il est important de souligner la dimension participative de l'expérimentation», affirme Norbert Bontemps, directeur santé de Groupama.
Celle-ci, lancée en février 2009, a rendu des services concrets dès 2010. Ainsi, les médecins du Pays de santé de Dordogne bénéficient d'un système d'achats groupés de consommables médicaux, qui leur fait gagner du temps et de l'argent, avec des prix négociés à la baisse, de l'ordre de - 15 %. Autre avancée : avec la formalisation d'un dossier unique d'admission en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), ces médecins remplissent un seul document au lieu de quatre ou cinq (un par établissement). Enfin, l'infirmière de Pays de santé forme des patients à risque, sur des sujets comme la nutrition ou l'activité physique, déchargeant dès lors les praticiens de leur rôle d'éducation thérapeutique, qu'ils n'ont, dans les faits, pas le temps d'assurer.
Pérenniser et développer le système
Au final, médecins, patients, et élus, tout le monde est satisfait. Reste la question de l'avenir...
Groupama et la MSA savent qu'une première tentative positive ne se poursuit pas forcément et ne se diffuse pas d'elle-même. Norbert Bontemps et Laurent Moreau, directeur médical de Groupama, ont donc pris leur bâton de pèlerin pour expliquer cette expérience en matière d'organisation du système de soins et montrer son intérêt aux Agences régionales de santé (ARS), aux élus, mais aussi au ministère. Afin que ces décideurs trouvent ensemble des solutions pour pérenniser l'organisation dans les deux zones où elle a été mise en place, et surtout pour la développer dans d'autres régions intéressées.